
“Je veux partir aussi nu que je suis né !” En 2009, à l’antenne de la radio RTL, Roger Hanin confiait à l’animateur Christophe Hondelatte sa volonté de liquider une partie de ses biens avant de dire adieu à ce monde qu’il aimait tant. Dans cette optique, l’acteur avait cédé au bouquet satellite Orange TV le catalogue de films que son épouse, Christine Gouze-Rénal (morte en 2002), avait produit. Le gain se montait à quelques millions d’euros et le patriarche était heureux de savoir que, à son décès, il profiterait à Isabelle, alors sa fille unique, et à ses deux petits-fils, Simon et Maxime.
La référence à la nudité était également un clin d’œil adressé à Joseph Lévy (1894-1960), père de Roger et pionnier du naturisme en Algérie où le héros du film Le Grand Pardon a vécu les vingt-trois premières années de son existence. Il avait l’habitude de raconter en riant que Joseph, militant du parti communiste, choquait la bonne société d’Alger et de Bab el Oued en emmenant ses enfants entièrement nus à la plage. Dans L'Ours en lambeaux, livre de souvenirs paru en 1983, Roger Hanin écrivait que son géniteur avait un caractère “d’enfant, totalement innocent, généreux, sincère et formidable”.
Il l’aimait profondément et a choisi de se faire enterrer à ses côtés au cimetière israélite de Bologhine à Alger. Après la mort de Roger Hanin à 89 ans, le 11 février 2015 à l’hôpital européen Georges-Pompidou des suites d’une insuffisance respiratoire, un office avait été célébré dans la synagogue de la rue Buffault, à Paris, devant de nombreux proches comme Jack Lang, Robert Hossein ou l’ex-PDG de France Télévisions, Hervé Bourges. La dépouille du disparu avait ensuite été rapatriée dans la capitale algérienne à bord d’un avion de la compagnie Air Algérie. Là-bas, ses obsèques s’étaient déroulées en présence d’une vingtaine de personnes, dont son ami, le réalisateur du Grand Pardon, Alexandre Arcady, l’ambassadeur de France en Algérie et le wali, autrement dit le préfet, d’Alger. Au milieu de cette assemblée, on remarquait le visage inconnu et juvénile d’un jeune homme de vingt-six ans, David Greenwald.


David est le fils longtemps caché de Roger Hanin. Il a dû attendre janvier 2013 pour que le tribunal de grande instance de Paris valide sa filiation, au terme d’une procédure de recherche en paternité qu’il avait initiée, avec le comédien. Avant ce coup de théâtre juridique, il n’avait officiellement qu’une fille, Isabelle Hanin, alors âgée de 54 ans. Isabelle est née de son premier mariage avec Lisette Barucq, fille d’un cordonnier et directrice d'un salon de coiffure à Paris, que Roger a quittée en 1959. David est né en 1989 d'une liaison secrète que le comédien aurait entretenue avec une jeune femme de 23 ans, alors qu’il avait 64 ans et était marié à Christine Gouze-Rénal, sœur de Danielle Mitterrand, et beau-frère de François Mitterrand, alors président de la République française. Au moment où sa paternité a été reconnue par la justice, Roger n’avait vu son fils que trois ou quatre fois dans sa vie. Il faisait des études aux États-Unis et leurs rapports étaient distants. Christine Gouze-Rénal a donc vécu la même situation que sa sœur Danièle qui connaissait l’existence de Mazarine Pingeot, fille cachée de son époux, née en 1974.

S’il n’a pas été proche de son fils comme François Mitterrand l’a été de Mazarine, Roger a pourtant eu le bonheur de se rapprocher et de faire la paix avec David dans les mois qui ont précédé sa mort. Placé sous la curatelle de sa fille Isabelle, il avait déménagé de son appartement parisien du Trocadéro pour un logement plus modeste dans le XVIe arrondissement de la capitale. Victime d’une double fracture du fémur en 2010 et d’un AVC en 2009, sujet à de fréquents troubles de la mémoire, incapable de marcher et presque sourd, il y vivait entouré d’une infirmière à demeure et d’une gouvernante. Il connaissait aussi des difficultés financières.
David avait alors fait plusieurs allers-retours de son domicile de Floride pour échanger avec lui. Le 13 février 2015, au cimetière israélite d’Alger, devant le caveau de l’ex-commissaire Navarro, il tenait par la main sa demi-sœur Isabelle et ses neveux Samuel et Maxime. Profondément croyant – “Je suis 100 % kasher sur le plan génétique. Je suis fils de communiste et petit-fils de rabbin. Je me sens très juif”, confia-t-il un jour au magazine Actualité juive – Roger Hanin aurait été heureux de voir sa descendance ainsi réunie et réconciliée.