Elle fait partie des dynasties françaises. Il y a bien sûr le groupe LVMH (dirigé par Bernard Arnault), mais aussi le groupe Kering, avec la famille Pinault, mais aussi le groupe Barrière. Dans leur livre Successions (éd. Albin Michel), dont un nouvel ouvrage sortira en novembre prochain, de Raphaëlle Bacqué et Vanessa Schneider, grands reporters au Monde, évoquent ces grandes, riches et puissantes familles françaises. Notamment, l'histoire singulière et tragique du groupe Barrière. Dans le podcast consacré à ces enquêtes, ce mercredi 23 octobre, c'est Vanessa Schneider qui revient sur le drame qui a marqué le groupe des célèbres casinos de luxe.
Cet empire Barrière, soit 32 casinos, la cash machine du groupe, 19 hôtels de luxe et 150 restaurants (parmi lesquels le Fouquet's), c'est une aventure démarrée en 1972 par un certain Eugène Cornudet. N'ayant pas d'enfant, le groupe va être remis entre les mains de son associé François André, à sa mort en 1926. Lui-même n'ayant pas de progéniture, à sa mort en 1962, c'est son neveu Lucien Barrière qui va lui succéder. Il va épouser une artiste de cirque hongroise, déjà maman d'une fille Diane. Et le PDG va adopter celle-ci. Lors de sa disparition brutale, c'est Diane Barrière qui est donc choisie pour devenir la PDG du groupe.
Femme de caractère, elle a écumé un mariage raté avant de rencontrer Dominique Desseigne, en boîte de nuit. Avec son allure de séducteur, ce notaire la séduit. Mariés en 1984, ils donnent naissance à deux enfants, Alexandre et Joy. Mais ce sera une présidence de très courte durée puisque seulement quatre ans plus tard, la tragédie arrive. Diane Barrière va subir un accident qui a failli la laisser pour morte. Que s'est-il passé ? Dans le podcast, la reporter raconte : "À l'époque, le couple bat de l'aile, mais Dominique Desseigne va la convaincre de le rejoindre". Elle quittera Saint-Tropez à bord d'un petit avion, qui n'arrivera malheureusement jamais à Biarritz.
Lorsque l'engin s'est écrasé en Vendée, la jauge d'essence n'étant pas assez remplie pour trois personnes, elle est la seule survivante. "Miraculeusement sortie de la carcasse de l'avion", elle affiche un corps disloqué, et est brûlée au troisième degré sur un quart de la surface. "Elle va survivre dans des conditions épouvantables, tétraplégique, en fauteuil roulant", précise Vanessa Schneider. Elle arrive alors à peine à s'exprimer, et n'est plus en mesure de diriger l'empire dont elle a hérité. Cet accident a donc un impact direct sur la succession.
Cette tragédie a marqué à vie cette famille. Au sein de leur Villa Montmorency, où ils ont vécu avec leurs enfants Alexandre et Joy, tout n'a pas été facile à la suite de cet évènement. Cette maison s'est rapidement "transformée en hôpital". Frère et soeur ont évolué avec une mère lourdement handicapée et en grande souffrance. Et dans cette même maison, Alexandre va nourrir une "haine farouche" contre son père, avec lequel il va vivre jusqu'à ses 20 ans. Si Dominique Desseigne s'occupe bien d'elle, selon les proches, le spectacle est difficile pour tout l'entourage. Aux côtés de ce rôle d'infirmier, il va prendre en mains le groupe Barrière et se révèle un formidable gestionnaire. Le groupe explose et s'impose contre ses plus rudes concurrents.
En 2001, Diane Barrière-Desseigne décède, elle qui a pris ses dispositions pour assurer sa succession. L'héritage va aux enfants, à l'époque mineurs, mais c'est bien Dominique Desseigne qui reste président du groupe et auquel revient tous les dividendes. Une décision remise en cause bien plus tard par les deux enfants. La relation se dégrade au fil des années, notamment entre père et fils. En découvrant que son père n'a pas l'intention de lui transmettre les rênes, Alexandre vit ça comme une trahison, lui qui a toujours accepté les rôles qu'on lui a attribués dans la société.
Il va alors demander à voir les papiers signés avant la mort de Diane. La journaliste fait savoir que les rapports sont compliqués puisque dans cette famille, "ils vivent ensemble mais ne se parlent pas". Il entend bien que lui et sa soeur puissent eux aussi être bénéficiaires de dividendes. Ses soupçons vont grandir à l'encontre de son paternel et il va se lancer dans une véritable enquête. Sa mère était-elle consentante au moment de la signature ? C'est la question qu'il se pose, soupçonnant son père d'abus de faiblesse. Des accusations donc "extrêmement graves". Joy finira par se joindre à lui. Alexandre deviendra Alexandre Barrière, se séparant du nom de famille de son père, qu'il a décidé d'attaquer en justice.