Earvin Ngapeth, l'agression à la SNCF: Son récit et les mots qu'il ne digère pas
Publié le 4 octobre 2015 à 18:46
Par Guillaume J.
A quelques jours d'un Euro en Italie et en Bulgarie que l'équipe de France aborde avec ambition, le volleyeur emblématique des Bleus donne en détails sa version des faits sur l'agression d'un contrôleur SNCF dont il s'est rendu coupable cet été.
Earvin Ngapeth le 16 septembre 2014 lors de France - Allemagne en match de poule lors des championnats du monde en Pologne. Earvin Ngapeth le 16 septembre 2014 lors de France - Allemagne en match de poule lors des championnats du monde en Pologne.© Abaca
Earvin Ngapeth lors de France-Iran en Pologne le 4 septembre 2014
Dans L'Equipe Magazine n°22 356 (3 octobre 2015), Earvin Ngapeth revient sur son altercation avec un contrôleur SNCF au mois de juillet.
Earvin Ngapeth le 16 septembre 2014 lors de France - Allemagne en match de poule lors des championnats du monde en Pologne.
Earvin Ngapeth le 16 septembre 2014 lors de France - Allemagne en match de poule lors des championnats du monde en Pologne.
Earvin Ngapeth lors de France-Iran en Pologne le 4 septembre 2014
Earvin Ngapeth en septembre 2014 lors de France - Allemagne aux championnats du monde en Pologne.
Earvin Ngapeth à l'attaque lors de France - Iran en septembre 2014 en Pologne, lors des championnats du monde de volley-ball
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Les "raccourcis dans la presse" et "jugements fortement tendancieux", il les avait déjà dénoncés quelques jours après les faits, consternants et dommageables pour son image, déjà écornée par le passé. "J'en ai conscience", admet d'ailleurs Earvin Ngapeth lors d'un long et très riche entretien accordé au journaliste Christophe Larcher pour L'Equipe Magazine (n°22 356, 3 octobre 2015) au cours du stage préparatoire de l'équipe de France de volley-ball à Pornichet (Loire-Atlantique) avant l'Euro (9-18 octobre). Et puisque les deux hommes ont une heure et demie devant eux, l'occasion est idéale pour que la star des Bleus, prête enfin à endosser son inévitable médiatisation, raconte avec ses mots ce qu'elle a vécu le 21 juillet dernier.

Ce matin-là, Earvin Ngapeth, condamné quelques mois plus tôt (en décembre 2014) par le tribunal correctionnel de Montpellier à trois mois de prison avec sursis pour une rixe dans une discothèque de la ville (condamnation dont il a fait appel), a une altercation avec un contrôleur SNCF en gare de Paris-Montparnasse, alors qu'il souhaite monter dans un TGV pour Bordeaux. Selon les informations alors divulguées, le volleyeur d'1m94, qui aurait voulu faire retarder le départ du train pour attendre un ami, aurait frappé l'agent, blessé à l'arcade sourcilière d'après l'Unsa et contraint à une ITT de quatre jours. Trois jours après l'incident, qui lui vaudra de passer en novembre prochain devant le tribunal pour répondre de faits de violences sur un agent exploitant, outrage et entrave à la circulation d'un train, Ngapeth s'était insurgé contre la version éloignée de la réalité des faits rapportée dans les médias : "Il est bien évident que je n'ai jamais "tabassé" qui que ce soit, pas plus que j'aurais soi-disant pris la grosse tête et aurais donc demandé à faire arrêter un train pour mon bon plaisir", écrivait-il le 24 juillet sur les réseaux sociaux.

C'est toujours pareil avec vous !

Invité depuis Pornichet à en dire plus, le joueur de Modène, qui dit avoir "compris" que sa façon de jouer et sa façon d'être "attirent l'attention", y consent : "Si je me ferme aux médias, ça ne décollera pas aussi bien, commence par expliquer celui qui sent que "le boum du volley en France "doit passer par [lui]". Notre groupe a besoin de mon apport médiatique, je l'accepte, mais je continue d'être méfiant (...), car j'ai mangé déjà... Certains journalistes ne m'ont pas raté, dès qu'il y a eu un petit incident extrasportif."

Démentant en bloc tout tabassage ("c'est hallucinant, je n'ai jamais tabassé personne") et toute arcade ouverte ("n'importe quoi"), il fait alors le récit des événements, de son point de vue : "Ce matin-là, je suis avec mon petit frère [Swan, également volleyeur pro, NDLR] et un pote arabe. Il est environ 6h30. Après deux mois en sélection, j'ai hâte de rentrer à Poitiers car ma femme et mon fils me manquent. Un train va partir, nous sautons dedans sans avoir le temps d'acheter les billets. Le contrôleur nous dit de descendre. Du quai, il veut nous tirer, mon frère et moi, hors du train. Ce qui est interdit. Nous enlevons ses mains et je lui dis : "Nous allons payer, où est le problème ?" On discute, ça dure dix bonnes minutes. Il lance : "C'est 700 euros !" Alors je lui tends ma carte bleue. Et là, il s'énerve encore plus et dit : "C'est toujours pareil avec vous !""

Je lui montre la une de L'Equipe : "Regardez, je ne suis pas un voyou !"

"Cette phrase me scotche, mais je reste calme. Comme j'ai L'Equipe à la main, avec ma photo à la une [on est au lendemain de la victoire historique des volleyeurs tricolores en Ligue mondiale, dont Earvin, éblouissant, a été élu meilleur joueur, NDLR], je lui montre : "Regardez, je ne suis pas un voyou, je veux juste rentrer chez moi." En réponse, il tape le journal et essaie de me donner un coup de pied. Je le repousse et il tombe sur le quai, fait son cinéma en se roulant par terre. C'est là qu'il s'est égratigné avant d'appeler la police au talkie-walkie."

Conscient d'être devenu une personnalité publique, Earvin Ngapeth conçoit qu'il doit, quelles que soient les circonstances, faire les bons choix et éviter les "situations à problèmes" : "J'aurais dû descendre du TGV et prendre le suivant", estime-t-il a posteriori. Mais dans le cas d'une attaque raciste - cas de figure qu'il décrit en l'occurrence -, il sait que ce ne sera jamais évident de rester calme : "Je suis membre de l'équipe de France, ça ne signifie pas que je dois me taire. Je ne suis pas du genre à brandir le mot "racisme" toutes les cinq minutes, mais cette phrase-là - "C'est toujours pareil avec vous !" -, elle ne passe pas. J'ai un père noir [Eric Ngapeth, né au Cameroun, 220 sélections en équipe de France, rappelle L'Equipe Magazine, NDLR], qui a subi beaucoup de choses en arrivant ici. Je l'ai dit aux policiers, devant le monsieur : si ça avait été une jolie blonde, il l'aurait laissée monter et lui aurait bien parlé. J'ajoute que la vidéo qui aurait pu montrer la scène n'existe pas. Comme c'est bizarre, dans une gare parisienne où il y a des dizaines de caméras..."

Ma mère, ma femme ont été très touchées

Muet sur le sujet jusqu'à ces confidences dans L'Equipe Mag, Earvin Ngapeth révèle également les répercussions insoupçonnées de ce bad buzz : "[Cette histoire] a abîmé beaucoup de choses. Les bienfaits de la Ligue mondiale auraient dû m'accompagner pendant des semaines. Les médias, les réseaux sociaux ont plus parlé de Montparnasse que de notre titre. Ma mère, ma femme ont été très touchées... J'aurais pu espérer signer des contrats de sponsoring, tout s'est arrêté d'un coup. Je me suis mis en danger avec un contrat déjà existant. Ça m'a énervé !"

Il va falloir désormais faire preuve de sérénité pour continuer à écrire l'histoire, belle celle-là, de cette génération l'équipe de France, attendue de pied ferme à l'Euro. En espérant que le rendez-vous fixé un peu plus tard au tribunal ne vienne pas gâcher la fête.

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