A l'occasion de la sortie le 23 mars 2011 de Ma Compagne de Nuit, signé du duo féminin Isabelle Brocard et Hélène Laurent, penchons-nous sur la carrière pleine de sensualité d'Emmanuelle Béart. Libre dans sa tête depuis ses plus jeunes années, l'actrice brille d'une nouvelle intensité dans ce film fort et poignant. Atteinte d'un cancer, son personnage, Julia, est soutenu dans cette épreuve par sa jeune aide ménagère, campée avec beaucoup de conviction par la jolie Hafsia Herzi. Ironie du sort: Julia est architecte mais ne peut empêcher sa vie de s'affaisser inexorablement. Tout le contraire d'Emmanuelle Béart, une femme qui mène sa barque de main de maître.
Sensuelle et sans matière grasse
Emmanuelle Béart s'est introduite dans le cinéma avec érotisme, repérée en 1983 par le photographe de charme David Hamilton. A une époque où le cinéma français s'émancipe encore du carcan de la morale conservatrice, l'actrice obtient deux nominations de meilleure révélation féminine aux César pour deux films peu consensuels : Un amour interdit de Jean-Pierre Dougnac (1984) et L'amour en douce d'Edouard Molinaro (1985). L'année suivante, elle obtient avec brio le César du meilleur second rôle féminin pour son interprétation dans Manon des sources de la jeune bergère solitaire. Elle n'a que 23 ans.
Pourtant, son passé ne l'a jamais vraiment quittée. Monstre de séduction depuis vingt ans, Emmanuelle Béart l'est toujours à 47 ans. De ses premiers pas d'actrice jusqu'à certaines scènes dans Les Témoins d'André Téchiné en 2007, la comédienne a véritablement donné son corps au cinéma français. On se devait de mentionner Nathalie, dans lequel l'actrice interprète une prostituée, ou Les Egarés, de Téchiné encore (2002) où l'on peut voir une des scènes les plus sexy du cinéma français et la magnifique cambrure de la belle.
Dans La Belle Noiseuse de Jacques Rivette (1991), le corps de Béart est véritablement célébré, puisqu'elle joue le modèle du peintre Edouard Frenhofer, et se retrouve nue et mise en valeur dans de nombreuses scènes du film. Et en 2011 sortira Bye Bye Blondie, dans lequel la relation entre la fille de Guy Béart et Béatrice Dalle risque d'en impressionner plus d'un, et de faire couler de l'encre. Emmanuelle a la chance d'avoir une plastique magnifique et généreuse, comme on pouvait le voir en une du magazine Elle en 2003, et ne se prive pas d'en jouer encore. Pourtant, malgré cette liberté apparente, Elle peut encore être surprise par les questions indiscrètes, comme on l'a vu récemment dans Thé ou Café.
Elle donne du corps à ses idées
Mais la belle au corps charmant n'est pas qu'une plastique de rêve. Elle a également des engagements et des idées qui ont la dent dure. Par exemple, elle a toujours privilégié les réalisateurs français et les projets intimes aux blockbusters hollywoodiens. Cela résulte d'une expérience peu concluante de la comédienne face à Tom Cruise dans Mission: Impossible de Brian de Palma (1996). Cela s'explique aussi par le fait que l'actrice a aussi eu la chance d'avoir affaire aux plus grands: Téchiné, Claude Sautet - elle fut nominée aux Césars pour Un Coeur en hiver et pour Nelly et Monsieur Arnaud, deux de ses films - ou encore François Ozon et ses 8 Femmes lui ont permis d'exprimer au mieux toutes ses qualités en incarnant une gallerie de personnages riches et variés.
Des personnages qui font le lien avec sa vie de femme engagée. Très investie pour la défense des sans-papiers, elle a vu son contrat avec Dior résilié, qui ne devait pas la trouver assez glamour lorsqu'elle battait le pavé. Longtemps ambassadrice de charme de l'UNICEF (1996-2006), elle a parcouru le monde pour défendre la cause des enfants en danger, qu'ils soient malades, mal-nourris ou maltraités. Mariée au comédien Michaël Cohen depuis 2008, le couple a également adopté un petite garçon, Sirafel, tout juste 22 mois. C'est son troisième enfant après Nelly (18 ans), la fille de Daniel Auteuil dont elle a partagé la vie durant onze ans, et Yohann, 12 ans, fils du compositeur David Moreau. A 47 ans, la comédienne est donc parfaitement bien dans sa tête et dans son corps.
Une capacité à toute épreuve
C'est ce qui lui permet de s'investir dans le rôle de Julia, qu'on peut aller voir en salles ce mercredi 23 mars. Les temps forts, entre tendresse et tensions, subliment un film qui consacre Emmanuelle Béart comme une femme touchante et une actrice sincère, toujours à la limite dans la justesse de ses émotions. L'actrice est théâtrale, certes, mais pas seulement. Pour mieux comprendre la psychologie de son personnage, l'actrice a perdu dix kilos, pour n'en peser plus que 41 au moment du tournage. Elle s'est également rasée les cheveux comme elle le confiait au magazine Marie France : "Ça, c'est la réalité extérieure. Intérieure, je ne peux pas vous dire. Je ne peux pas me mettre à la place de quelqu'un qui a le cancer." Très juste.
Et elle a su prendre ce rôle grave où son physique n'était pas célébré au sérieux. Ce n'est pas une première, mais force est de constater qu'Emmanuelle Béart a souvent joué des femmes dont le corps avait le beau rôle. Là, victime d'un cancer du sein, la comédienne se défait de toute sensualité, et le résultat est probant: "Le cancer du sein est particulier car il atteint la maternité et la sexualité," a expliqué Emmanuelle Béart sur Gala. Celle qui est allée dans les hôpitaux rencontrer les malades est déjà passée par-là : en 2003, Vincent Meyer, qui a partagé sa vie à un moment, s'est suicidé. Mais elle a su rebondir. Emmanuelle Béart, qu'on se le dise, est une femme forte. Sensuelle avec de la suite dans les idées. Finalement, c'est tout ce qu'on aime chez elle. Même Nicolas Sarkozy a été suspecté d'avoir succombé !
Clément Razgallah