Emmanuelle Béart a co-réalisé le documentaire Un silence si bruyant qui sera diffusé le 24 septembre prochain sur M6. Elle y révèle avoir été victime d'inceste alors adolescente et précisément entre ses 11 et 15 ans. Elle ne sera pas la seule à s'y confier puisqu'elle a rencontré quatre autres victimes qui ont, elles aussi, eu beaucoup de mal à parler de ce sujet si douloureux. Dès le début, l'actrice se souvient : "J'ai 11 ans, c'est la nuit, j'en suis sûre. Tu déchires mon sommeil comme tu déchires sans bruit ma chemise de nuit. Comme si cet arrêt dans le temps, ce silence polaire te laissait tout l'espace. Et comme si déjà il était inscrit que personne jamais ne témoignerait. J'ai très froid. Aucun cri ne sort de ma bouche, les mots ne se forment pas dans ma bouche, ma bouche est cousue. Quand il fait jour à nouveau, tout semble intact, comme si de rien n'était."
La comédienne qui a eu 60 ans en août dernier ne dévoile pas qui a été son agresseur mais assure qu'il ne s'agit pas de son père. "Et si mon père, ma mère, mon école, mes amis ne voient rien, c'est que tout peut recommencer. Et tu recommenceras pendant quatre ans. Aujourd'hui, les séquelles restent plantées là, dans mon ADN. Mes nuits sont blanches les unes après les autres. Je hurle dans le silence comme des millions d'autres que personne n'entend", déclare-t-elle, comme le rapporte L'Obs. C'est finalement, Nelly, sa grand-mère, qui comprendra ce que sa petite-fille a vécu... Emmanuelle Béart explique à la fin du documentaire que "Si [sa] grand-mère n'était pas intervenue, et si on ne [l]'avait pas mise dans ce train à l'âge de 15 ans pour rejoindre [s]on père", elle n'est pas certaine qu'elle aurait réussi à vivre. "C'est aussi violent que ça, c'est aussi réel que ça", souligne-t-elle.
Ce sont ces rencontres qui l'ont convaincue de parler d'elle
Pourquoi faire ce documentaire seulement maintenant ? L'actrice affirme qu'elle souhaitait réaliser un film "sur l'inceste depuis l'âge de 19 ans." C'est en lisant Christine Angot qu'Emmanuelle Béart prend conscience que son projet est possible, même si elle envisage d'abord de passer par la fiction. Alors qu'elle songe finalement à abandonner tout idée, elle rencontre Anastasia Mikova, réalisatrice, scénariste et journaliste franco-ukrainienne, derrière le documentaire Woman, sorti en 2019, qui regroupe les témoignages de 2000 femmes, dont certains sur les violences sexuelles intra-familiales... Elles décident toutes les deux de lancer alors un appel à témoins sur les réseaux sociaux afin de trouver des hommes et des femmes qui accepteraient de se confier à visage découvert. Elles retiennent au final quatre histoires et le tournage débute en janvier 2022. L'apport des récits d'autres victimes dans son documentaire a fini de convaincre Emmanuelle Béart de raconter sa propre histoire, ce qui n'était pourtant pas prévu à l'origine. Anastasia Mikova assure que "Ce sont ces rencontres qui l'ont convaincue de parler d'elle." Et de préciser : "Nous avions un accord : jusqu'à la fin du montage, Emmanuelle pouvait décider de disparaître du film. Elle a choisi d'aller jusqu'au bout de sa démarche."
L'actrice qui se souvient malheureusement que quand elle était jeune, "on ne parlait pas d'inceste" car "le tabou était absolu" a d'ailleurs déjà failli révéler ce secret longtemps gardé au magazine ELLE, en 2007. Alors que le média lui demandait si elle avait déjà déclaré des choses fausses sur sa vie, Emmanuelle Béart évitait de justesse de faire une lourde révélation. "Ce n'étaient pas vraiment des mensonges. Tu brodes, tu imagines, tu fantasmes. Tu inventes un passé harmonieux qui explique pourquoi tu as l'air bien. Pour protéger, pour ne pas faire de mal [...] à mes parents, à mes frères et soeurs. Parce qu'il y a certaines choses de mon enfance que je ne peux pas dire. Parce que, justement, tout n'était pas harmonieux", détaillait-elle. À la question de savoir si elle pouvait désormais en parler, elle répondait à l'époque : "Dans mon enfance, il y a une blessure de chair. Inguérissable. Je n'en dirai pas plus. Et puis, comme c'est souvent le cas lorsqu'on est enfant, au lieu de me sentir victime, je me sentais coupable." C'est désormais chose faite avec la diffusion le 24 mars prochain sur M6 du documentaire Un silence si bruyant.