S'entretenir avec Fabrice Luchini, c'est l'assurance de réfléchir de manière passionnée et réjouissante sur le monde qui nous entoure, que ce soient les textes de Péguy comme les Ch'tis de W9. Ses remarques sont pétries d'humour et de lucidité, accompagnées du verbe "luchiniesque" bien connu. On l'a vu déchaîné aux Globes de Cristal à la fin du mois de janvier, n'ayant pas peur des mots pour décrire une soirée "hallucinante". Le ton est différent pour Le Figaro, mais son discours est toujours aussi empreint d'enthousiasme, comme lorsqu'il parle à coeur ouvert de sa famille par exemple.
Je suis allergique à l'avarice.
Dans son spectacle Des écrivains parlent d'argent au théâtre Montparnasse, Fabrice Luchini parle donc capital. Le sien et celui de son père : "Je gagne très bien ma vie. J'ai certainement dû être très inquiet jusqu'à 35 ans. Pas tellement généreux. Je viens d'un milieu où le soir, mon père terminait ses quinze heures de travail en comptant la caisse. (...) Je ne suis pas du tout né dans une famille de professeurs qui voteraient à gauche et qui trouveraient que l'argent est sale", confie-t-il dans Le Figaro.
C'est avec tendresse et franchise qu'il poursuivra la description du rapport de son père avec son entourage : "J'aimais énormément mon père, il avait tous les droits, mais aujourd'hui, je suis allergique à l'avarice. Il ne voyait personne. Il n'avait aucun ami. Une fois, je lui montre deux personnes dans la rue et je lui dis : 'Evidemment, vous ne vous invitez pas, mais tu leur parles au square, quand même ?' Il me répond : 'Oh oui, c'est les seuls', et arrive cette phrase : 'Ils sont aussi cons que nous.' Un silence. Il poursuit : 'Ou disons qu'on est aussi cons qu'eux.' C'est du Schopenhauer."
Comment voulez-vous croire à la société ?
Son regard sur le monde qui l'entoure est sans concession : "Notre société est absurde. L'Amérique a fait gagner un président simplement parce qu'il a fait le buzz sur une coupe de cheveux. Moi, en tant que coiffeur, la présence de Trump, avec sa mèche, ses cheveux qu'il a piqués à des singes en voie d'extinction, cela me pétrifie. Comment voulez-vous croire à la société ? (...) Mais ce serait trop simple si le camp du bien, c'était Bruno Dumont [qui l'a dirigé dans Ma Loute], et le camp du mal, 'Les Ch'tis dans la jet set'. Tout cela est une énigme et tout cela me dépasse. Je me contente d'aller dans un minuscule théâtre de 70 places pour dire du Charles Péguy, au magnifique Théâtre du Montparnasse pour dire Le Bateau ivre." Sur scène, il fait salle comble : "Pourquoi les gens adhèrent-ils ? C'est un mystère. (...) Le miracle, c'est de faire un spectacle qui a de la drôlerie sans céder au fascisme de l'obligation du divertissement."
Fabrice Luchini dans Des écrivains parlent d'argent, au théâtre des Déchargeurs et dans Poésie?, au théâtre du Montparnasse