A quelques jours de l'échéance, Laure Manaudou aborde les Jeux olympiques avec lucidité, sans autre prétention que le plaisir de venir chatouiller les meilleures, et avec une sérénité nouvelle qu'elle doit largement à sa vie présente de femme et de mère, ainsi qu'à quelques petits coups de pouce, telles quelques séances de psy, "comme tout le monde", comme elle le confiait dernièrement pour le portrait à jour que tirait d'elle le magazine de TF1 Sept à Huit.
Décontractée, Laure Manaudou, 25 ans, l'est aussi avec les médias, désormais. Naguère plombée par le poids de la pression médiatique, l'ancienne championne olympique s'est reconstruite à l'abri (loin, aux Etats-Unis), s'est affranchie de ses crispations et a appris, gérant scrupuleusement son retour en lumière après la naissance de la petite Manon, fruit de ses amours avec Frédérick Bousquet, à jouer le jeu. Au point aujourd'hui de se mettre dans la peau de... l'intervieweuse ! Pour le Journal du Dimanche en date du 15 juillet, Laure Manaudou s'est en effet muée en journaliste et s'est chargée d'interroger son frère cadet, Florent Manaudou, qui l'accompagnera aux JO de Londres 2012, sélectionné sur 50m nage libre, et dont la notoriété grandit. Evidemment, l'échange est très sécurisant pour le jeune espoir de 21 ans, grand timide d'1m95, face à une grande soeur qui, au fil des mots, s'apparente clairement à un modèle. Gage de la paix faite avec son passé tumultueux, Laure n'hésite d'ailleurs pas à utiliser ses propres (mauvaises) exériences comme point de référence pour Florent, lui demandant "quelle leçon" il a tirée : "Ça m'a fait mûrir plus vite et m'a permis de ne pas répéter les erreurs que tu as pu faire. J'ai commencé à parler devant des caméras tout gamin, avant même d'avoir des résultats. Ça a un peu banalisé l'exercice, je n'ai pas le stress que tu as pu avoir. Tu as essuyé les plâtres pour nous tous. Tout t'est tombé dessus d'un coup à 17 ans (...) Je sais à quoi m'attendre si, par bonheur, je fais quelque chose aux Jeux."
Des JO de Londres, il en est question, évidemment. Laure en connaît bien l'effervescence et les moments d'euphorie comme les moments de détresse. Pour chacun des deux frère et soeur, c'est un peu inespéré d'en être. Et si aucun n'oublie que leur rêve de JO en famille n'est qu'en partie exaucé, Fred Bousquet ayant cruellement échoué à se qualifier, Laure Manaudou se souvient que son cadet et elle disputeraient des olympiades ensemble : "Oui, c'était aux Jeux d'Athènes, se remémore Florent. J'étais arrivé avec les parents pour ta finale du 800m, celle où tu étais en tête pendant 750 mètres avant de te faire battre dans la dernière longueur (sourire). J'avais 13 ans, le moment où j'entamais ma pente descendante en natation. J'étais un peu perdu. Les Jeux, ce n'était même pas un rêve, à l'époque. Je me suis mis à y repenser l'année dernière. Je venais de me qualifier pour les championnats du monde [à Shanghai, il finira 5e, NDLR] et tu t'étais remise à nager. Je me suis dit qu'on pouvait le faire." Il ne s'est pas découragé, poussé (fortement) par leurs parents : "J'en avais marre de faire des longueurs ! Je ne comprenais pas pourquoi ils me forçaient à continuer alors que j'avais envie d'arrêter. Papa me disait que je pourrais être très fort moi aussi. Heureusement que je l'ai cru !", se souvient celui qui est à présent une véritable armoire, fan de musculation.
Joueuse, la grande soeur demande alors lequel des deux a selon lui le plus de chances de décrocher une médaille : "Question piège ! Dans les bilans mondiaux, on est à peu près pareil : 8e (lui sur 50m) et 9e (elle sur 200m dos, 12e sur 100m dos). On n'est pas favoris. Heureusement, moi j'ai la fougue de la jeunesse et toi l'expérience des grandes compétitions", glisse-t-il élégamment.
Entre Laure et Florent, la complicité est évidente : "[Comme soeur, tu es] chiante, ose-t-il en riant. Non, je plaisante. Tu as toujours été là pour moi, même loin." Et même si la grande soeur a quitté très tôt la maison familiale, à 14 ans [Florent en avait alors 9, NDLR], pour partir à Melun et devenir sous la houlette de Philippe Lucas une championne qui marqua l'histoire de son sport, la récente nouvelle du retour définitif en France de Laure Manaudou avec son compagnon Fred Bousquet et leur fille Manon, 2 ans, pour s'installer dans la région de Marseille où tout le clan est licencié, fait le bonheur du benjamin de la fratrie : "Je suis heureux de te retrouver, de pouvoir passer plus de temps avec mon beau-frère et ma nièce. Malgré les embouteillages sur la corniche, je vais venir souvent chez vous. On n'a plus habité dans la même ville depuis si longtemps."
Très attaché à son beau-frère Fred Bousquet, avec qui il aimerait passer le permis moto ("même si cela ne t'enchante pas trop", concède-t-il à sa soeur), Florent Manaudou a également quelques mots pour leur grand frère, Nicolas, qui fut son entraîneur dans le fief familial d'Ambérieu-en-Bugey et qu'il quitta un peu brutalement pour rejoindre le Cercle des nageurs de Marseille : "Sans lui, je ne serais jamais là où j'en suis. Il m'a récupéré au plus bas et il m'a qualifié six ans après pour mes premiers championnats du monde. Derrière, je suis parti un peu précipitamment. Maintenant, on s'entend bien."
Nicolas Manaudou, justement, vient d'accueillir un bébé, Soan. La tentation est trop belle, pour Laure, de demander à Florent quand il deviendra papa : "Il faudrait déjà que je trouve une femme", répond tranquillement le gentil géant, qui avoue que le nom "Manaudou" est un peu compliqué à porter en matière de romances - "il y a beaucoup de filles qui cherchent" - tout en étant un bon laisser-passer en soirée. Maman, Laure Manaudou ne restera pas plus longtemps que nécessaire à Londres, mais Florent, lui, entend bien profiter de tous les avantages de cette expérience, d'abord en assistant à d'autres disciplines et en rencontrant des athlètes qu'il admire (Teddy Riner, Christophe Lemaitre, les basketteurs et handballeurs français, Usain Bolt, LeBron James...), mais aussi en s'éclatant au maximum : "Avec les autres nageurs de Marseille, on va faire un peu de tourisme et la fête..." Attention tout de même : selon des athlètes bien au courant, le village olympique est parfait pour la débauche.