François Cluzet en couverture du supplément magazine du Parisien (15 mars 2013)
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Après avoir incarné un tétraplégique qui n'a comme armes que son esprit et sa voix, François Cluzet revient au cinéma cette fois dans la peau d'un "taiseux", Toni Musulin, le fameux convoyeur de fonds qui avait dérobé 11,6 millions d'euros 2009. Ce chiffre, c'est d'ailleurs le titre du film, 11.6, qui s'inspire de ce fait divers. Devant la caméra de Philippe Godeau qui l'a déjà dirigé dans Le Dernier pour la route, l'acteur fait le portrait d'un homme abîmé par la société. Dans le supplément magazine du Parisien, il revient sur son personnage, la France, le cinéma et évidemment son parcours.
Donner à réfléchir
Acteur à succès et populaire après avoir enchaîné Les Petits Mouchoirs et bien évidemment Intouchables, François Cluzet est un homme serein aujourd'hui. Amoureux de sa belle Narjiss, sa femme depuis 2011, et papa de quatre enfants nés de ses précédentes relations, il est devenu une figure incontournable du cinéma français. Ce n'est selon lui pas une raison pour s'installer dans le confort et c'est pour cela que le rôle de Toni Musulin lui convient tant. A travers lui, il peut se glisser dans la peau d'un homme payé 1 600 euros par mois pour risquer sa vie et méprisé par ses chefs. Le travailleur humilié, cela choque l'acteur, comme la dévalorisation des profs. Avec 11.6, il véhicule ainsi son indignation, pas question pour lui de faire un long-métrage inutile : "J'essaie toujours de jouer dans des films divertissants qui, je l'espère, sont aussi intéressants. Je ne tourne jamais de grosses comédies dans l'esprit 'fête de la bière' ! Jamais ! Cela ne me gêne pas de jouer des personnages ridicules, au contraire, c'est excellent pour l'ego de l'acteur. Mais un film, lui, ne doit jamais être ridicule. Et quand je m'engage dans des drames ou des polars sociaux comme 11.6, j'aime qu'ils donnent à réfléchir."
Issu d'une classe sociale défavorisée - ses parents étaient vendeurs de journaux -, il regrette que le cinéma français ne mette pas davantage en avant les plus humbles. Il s'est extrait de son milieu, changeant radicalement de camp social, mais incarner un grand bourgeois relève encore pour lui du rôle de composition. En matière de performance, il estime aussi qu'un grand acteur, c'est d'abord un grand partenaire : "Je demande toujours qui seront mes partenaires. Et s'ils ne partagent pas ces valeurs, je dis non."
Rester serein face au succès
La sérénité de François Cluzet, sa prise de distance également face à sa profession, il les a acquises parce qu'il a eu le temps de vivre des échecs, d'expérimenter : "Ceux qui ont triomphé très tôt ont tous pété les plombs, sauf Sophie Marceau [avec qui il tourne la romance Une rencontre]. Ma chance, que je ne considérais pas comme telle à l'époque, c'est que mes premiers films [Cocktail Molotov, Le Cheval d'orgueil] ont été des bides. Sinon, j'aurais grimpé trop haut, trop vite." Il s'est aussi accommodé au fait d'être dans un premier temps "un second choix", d'interpréter les rôles que "les mecs au-dessus", comme Daniel Auteuil, "avaient refusés". Un jour, il les rattrapera se disait-il. Et il l'a fait, évitant au passage de devenir un has been : "En triomphant tard, j'avais des chances d'être moins démodé que ceux qui réussissent jeunes."
Son rêve, celui de devenir célèbre, aurait pu être compromis par son mode de vie de l'époque : "En faisant des choix incertains, en picolant comme une brute pendant vingt ans." Cette tendance à l'autodestruction, par l'alcool et la drogue, était l'expression d'une tristesse et d'un désespoir profonds, liés à son enfance : "Ma vie a longtemps été une succession d'échecs. De toute façon, je ne crois pas aux gens qui réussissent tout le temps. [...] Chez moi, on n'avait pas le droit d'exprimer ses émotions, pas le droit de pleurer." Une souffrance doublée d'une autre : "Dans ma famille, [...] on n'assumait pas d'être vendeur de journaux. Tout le monde mentait et se mentait. [...] J'ai trouvé la vérité dans le jeu."
Viendra la reconnaissance, mais pour cela, il a beaucoup travaillé, las de voir les Daniel Auteuil et les Vincent Lindon décrocher tous les bons rôles. Il ne voulait pas faire le paon pour obtenir ce qu'il voulait, mais le travail aura raison de ses difficultés. Janis et John, Quatre Etoiles et surtout Ne le dis à personne de Guillaume Canet : "Il a changé de producteur parce que ce dernier ne voulait pas de moi, mais il ne m'a pas changé, moi ! Sans Guillaume, je n'aurais pas tourné le film. Et rien ne serait arrivé."
Acteur réclamé de toute part, il a vu ses cachets augmenter, évidemment, mais il s'amuse de voir des chiffres étranges cités dans la presse : "Le Parisien a multiplié mes cachets par deux, alors que Le Figaro, lui, les a divisés par trois. Peu importe, je gagne très bien ma vie et j'en suis content." L'idée du "mieux payé est le meilleur", il l'accepte, tout en sachant que le statut est fragile et il adapte ses demandes en fonction des budgets des film. Réagissant à la polémique sur le salaire des acteurs, François Cluzet dira que c'est un mauvais procès, venant des producteurs qui ne sont pas les plus à plaindre. Il préfère aller voir ailleurs s'il le faut, au théâtre par exemple. Sa seule envie, "partir avec de beaux souvenirs".
Retrouvez l'intégralité de l'interview dans le supplément magazine du vendredi 15 mars
"11.6", en salles le 3 avril
Donner à réfléchir
Acteur à succès et populaire après avoir enchaîné Les Petits Mouchoirs et bien évidemment Intouchables, François Cluzet est un homme serein aujourd'hui. Amoureux de sa belle Narjiss, sa femme depuis 2011, et papa de quatre enfants nés de ses précédentes relations, il est devenu une figure incontournable du cinéma français. Ce n'est selon lui pas une raison pour s'installer dans le confort et c'est pour cela que le rôle de Toni Musulin lui convient tant. A travers lui, il peut se glisser dans la peau d'un homme payé 1 600 euros par mois pour risquer sa vie et méprisé par ses chefs. Le travailleur humilié, cela choque l'acteur, comme la dévalorisation des profs. Avec 11.6, il véhicule ainsi son indignation, pas question pour lui de faire un long-métrage inutile : "J'essaie toujours de jouer dans des films divertissants qui, je l'espère, sont aussi intéressants. Je ne tourne jamais de grosses comédies dans l'esprit 'fête de la bière' ! Jamais ! Cela ne me gêne pas de jouer des personnages ridicules, au contraire, c'est excellent pour l'ego de l'acteur. Mais un film, lui, ne doit jamais être ridicule. Et quand je m'engage dans des drames ou des polars sociaux comme 11.6, j'aime qu'ils donnent à réfléchir."
Issu d'une classe sociale défavorisée - ses parents étaient vendeurs de journaux -, il regrette que le cinéma français ne mette pas davantage en avant les plus humbles. Il s'est extrait de son milieu, changeant radicalement de camp social, mais incarner un grand bourgeois relève encore pour lui du rôle de composition. En matière de performance, il estime aussi qu'un grand acteur, c'est d'abord un grand partenaire : "Je demande toujours qui seront mes partenaires. Et s'ils ne partagent pas ces valeurs, je dis non."
Rester serein face au succès
La sérénité de François Cluzet, sa prise de distance également face à sa profession, il les a acquises parce qu'il a eu le temps de vivre des échecs, d'expérimenter : "Ceux qui ont triomphé très tôt ont tous pété les plombs, sauf Sophie Marceau [avec qui il tourne la romance Une rencontre]. Ma chance, que je ne considérais pas comme telle à l'époque, c'est que mes premiers films [Cocktail Molotov, Le Cheval d'orgueil] ont été des bides. Sinon, j'aurais grimpé trop haut, trop vite." Il s'est aussi accommodé au fait d'être dans un premier temps "un second choix", d'interpréter les rôles que "les mecs au-dessus", comme Daniel Auteuil, "avaient refusés". Un jour, il les rattrapera se disait-il. Et il l'a fait, évitant au passage de devenir un has been : "En triomphant tard, j'avais des chances d'être moins démodé que ceux qui réussissent jeunes."
Son rêve, celui de devenir célèbre, aurait pu être compromis par son mode de vie de l'époque : "En faisant des choix incertains, en picolant comme une brute pendant vingt ans." Cette tendance à l'autodestruction, par l'alcool et la drogue, était l'expression d'une tristesse et d'un désespoir profonds, liés à son enfance : "Ma vie a longtemps été une succession d'échecs. De toute façon, je ne crois pas aux gens qui réussissent tout le temps. [...] Chez moi, on n'avait pas le droit d'exprimer ses émotions, pas le droit de pleurer." Une souffrance doublée d'une autre : "Dans ma famille, [...] on n'assumait pas d'être vendeur de journaux. Tout le monde mentait et se mentait. [...] J'ai trouvé la vérité dans le jeu."
Viendra la reconnaissance, mais pour cela, il a beaucoup travaillé, las de voir les Daniel Auteuil et les Vincent Lindon décrocher tous les bons rôles. Il ne voulait pas faire le paon pour obtenir ce qu'il voulait, mais le travail aura raison de ses difficultés. Janis et John, Quatre Etoiles et surtout Ne le dis à personne de Guillaume Canet : "Il a changé de producteur parce que ce dernier ne voulait pas de moi, mais il ne m'a pas changé, moi ! Sans Guillaume, je n'aurais pas tourné le film. Et rien ne serait arrivé."
Acteur réclamé de toute part, il a vu ses cachets augmenter, évidemment, mais il s'amuse de voir des chiffres étranges cités dans la presse : "Le Parisien a multiplié mes cachets par deux, alors que Le Figaro, lui, les a divisés par trois. Peu importe, je gagne très bien ma vie et j'en suis content." L'idée du "mieux payé est le meilleur", il l'accepte, tout en sachant que le statut est fragile et il adapte ses demandes en fonction des budgets des film. Réagissant à la polémique sur le salaire des acteurs, François Cluzet dira que c'est un mauvais procès, venant des producteurs qui ne sont pas les plus à plaindre. Il préfère aller voir ailleurs s'il le faut, au théâtre par exemple. Sa seule envie, "partir avec de beaux souvenirs".
Retrouvez l'intégralité de l'interview dans le supplément magazine du vendredi 15 mars
"11.6", en salles le 3 avril