Depuis l'énorme succès d'Intouchables, François Cluzet fait partie des acteurs les plus "bankable" du cinéma français. Ce qui ne veut pas dire que l'artiste pratique désormais la langue de bois et est devenu lisse. Bien au contraire, il conserve sa liberté d'expression plus que jamais - même si l'affaire Neyret a dû le déstabiliser quelque peu -, sans jamais se présenter pour autant en donneur de leçons. A l'affiche de Médecin de campagne de Thomas Lilti, nouvelle réalisation de celui qui a signé Hippocrate, il s'est confié dans les pages du Point, en toute sincérité, n'épargnant pas certains collègues.
Interrogé sur divers sujets comme la politique, François Cluzet cite souvent ses confrères les plus bavards sur le sujet. Ainsi, en expliquant ce qu'il pense du président François Hollande, après avoir dit, en parlant de Nicolas Sarkozy, qu'il était "indispensable d'avoir un président cultivé", il donne le nom du loquace Fabrice Luchini : "Un jour, je l'ai entendu déclarer : 'Je m'approche de la connaissance.' Ça m'a fait marrer. Moi, j'essaie de m'éloigner de mon ignorance."
Ces artistes qui vous expliquent ce qu'il faut faire, ça m'emmerde.
De manière générale, quand la politique est sur la table, François Cluzet ne veut pas jouer "l'artiste de gauche, comme Arditi" : "Ce n'est pas ma place. Ce que j'aime, c'est l'excellence. Je tente de jouer du mieux que je peux. (...) Quand j'entends Berléand ou Lindon nous dire qu'il faut voter Bayrou, je me dis : 'Mais qu'est-ce que vous y connaissez ? Vous êtes fils de bourgeois, de quoi je me mêle ?' A 8 ans, moi, je travaillais. Je serais exactement en droit de vous dire ce qu'est la misère parce que je l'ai vécue. C'est pour ça que je suis de gauche. Mais je ne donne pas de consignes de vote. D'ailleurs, il n'est pas certain que je vote à gauche en 2017 si c'est encore ces gens-là qui la représentent. J'ai mes convictions, mais tous ces artistes qui vous expliquent ce qu'il faut faire, ça m'emmerde."
Et Gérard Depardieu, qui lui non plus n'hésite pas à dire tout le bien et tout le mal qu'il pense des politiques ? "Il est devenu un anarchiste de droite, faisant ce qu'il veut. J'admire Depardieu, mais je ne partage pas sa quête : ça ne me gêne pas de payer mes impôts, je peux même en payer plus. Ça fait hurler ma femme. Comme elle est marocaine, elle me suggère parfois : 'Et si on ouvrait une boîte à l'étranger ?' Mais je m'en fous. Je ne me suis jamais constitué autour de l'argent."
Ce franc-parler lui sert aussi quand il analyse l'état du cinéma français. François Cluzet regrettera les chaînes qui ne veulent pas mettre d'argent dans les beaux projets et critiquera la position, entre autres, de Vincent Bolloré, président des conseils de surveillance de Vivendi et du groupe Canal+, qui veut arrêter de financer les films qui peuvent faire moins de 20 000 entrées : "Que veut-il alors ? Une énième suite de Camping ? Les Tuche épisode 15 ? Le cinéma, c'est comme la littérature, tu y retrouves du Marc Levy comme du Musil. (...) Je n'irai pas voir les Tuche. Mais ça ne me gêne pas qu'ils fassent un carton, tant que ça permet de faire d'autres films. Aujourd'hui, les producteurs ont dix ans de retard et son encore obsédés par ces comédies potaches dans lesquelles des Français se foutent de la gueule des autres."
Cette lucidité lui vient certainement en partie du fait qu'il a connu le succès tard. Cela le protège de sombrer dans ce milieu qu'il trouve compliqué : "Quand je vois certains de mes confrères, je me dis que je n'ai pas envie d'être comme ça."
Retrouver l'intégralité de l'interview dans le magazine Le Point du 17 mars.
Médecin de campagne, en salles le 23 mars