François Mitterrand : La face cachée de l'ancien président en tant que grand-père de Pascale et Justine

Nous sommes au coeur de l'été 1987, le 21 juillet. Depuis six ans, François Mitterrand est à la tête de la république française. Quelques jours plus tôt, en direct des jardins du parc de l'Elysée, le chef de l'Etat répondait à Yves Mourousi lors de la traditionnelle allocution du 14 juillet. Mais la trêve estivale a commencé. Le chef de l'Etat et son épouse Danielle ont déjà rejoint Latche, dans les Landes, où se trouve cette ancienne bergerie devenue leur résidence secondaire familiale.

Avant de possibles retrouvailles du clan Mitterrand dans cette propriété du sud-ouest, une partie de la famille s'accorde un peu de farniente sur la Costa Brava. Gilbert, le fils cadet du président et ses deux filles Pascale, neuf ans, et Justine, six ans, sont en vacances du côté de Gérone en Espagne. Lorsque dans cette matinée du 21 juillet, un drame survient : un véhicule heurte de plein fouet celui de la famille du président. Le choc est violent. La conductrice espagnole qui a percuté la voiture conduite par Gilbert est tuée sur le coup.

Les Mitterrand ont plus de chance. Dans leur habitacle, on ne compte que des blessés, plus ou moins graves. Le père a le nez cassé et la lèvre fendue. L'aînée, une fracture du poignet et diverses contusions. La plus jeune, souffre d'un traumatisme crânien. Elle a une large entaille au cuir chevelu qui nécessitera une intervention chirurgicale.

Très vite, le président est prévenu. Aussitôt, une équipe médicale conduite par le docteur Claude Gubler, médecin personnel de François Mitterrand, est dépêchée sur place cependant que François Mitterrand et Danielle prennent la route vers l'aéroport. Ce n'est plus un chef de l'Etat, dont l'appareil vole maintenant vers Gérone mais un père et un grand-père inquiet pour les siens.

Plus que Bonaparte, Pompidou ou De Gaulle, François Mitterrand est le président de la République qui est resté le plus longtemps en exercice depuis que la fonction existe en France. Abolition de la peine de mort, décentralisation, poids sur la scène internationale, il a marqué de son empreinte la 5ème république. Un homme supérieurement intelligent, fin tacticien et dont le gant de velours cachait une impitoyable main de fer. Mais derrière cette figure connue de tous, se cachait un homme très différent. Si les lettres publiées bien après sa mort par Anne Pingeot, la mère de Mazarine, ont permis de cerner en lui un amant poète, romantique et sentimental, le témoignage de ses petites-filles éclaire lui aussi le personnage sous un jour qu'on ne lui connaissait pas...

François Mitterrand a eu quatre enfants. L'aîné, Pascal, est né en 1945 mais est décédé deux mois plus tard des suites d'une maladie. Suivront Jean-Christophe, en 1946, Gilbert, en 1949 et bien sûr Mazarine, en 1974 qui a longtemps vécu cachée dans un appartement de Paris. Les trois enfants de cette dernière, Astor, Tara et Marie, sont nés dans les années 2000 après la mort de leur grand-père en 1996. En revanche, Adrien, le fils de Jean-Christophe, né en 1983, et les trois enfants de Gilbert : Guillaume, Pascale et Justine ont pu le connaître. Et ces dernières en ont dressé un portrait étonnant...

"Et les petits ­copains, comment ça va ? Est-ce que tu as un fiancé ?" Ainsi François Mitterrand lançait-il avec ses petites-filles la question de leurs amours lorsqu'il les retrouvait. L'anecdote avait été racontée par Pascale et Justine elles-mêmes dans les colonnes de Paris Match en 2011. Une interview touchante qui permettait d'atteindre à une intimité méconnue. Un homme, qui, comme tous ceux de son époque, ne faisait pas étalage de ses sentiments -ce qui ne l'empêcha pas d'être très amoureux dans sa vie- mais qui ne cachait pas sa tendresse pour les deux fillettes. Il était "Attentif. Et démonstratif à sa façon. Il nous caressait les cheveux, il avait des gestes affectueux", se souvenaient-elles dans cet entretien.

Avoir un grand-père président n'est pas banal. Les deux enfants le percevaient surtout dans le regard, les réflexions et les attitudes des autres. Mais aussi dans le fait de pouvoir aller de temps en temps à l'Elysée. A l'époque, elles vivaient à Libourne, en Gironde, mais pour de grandes occasions, comme l'arbre de Noël, elles se rendaient rue du Faubourg Saint-Honoré visiter leurs grands-parents. Dans cet antre du pouvoir, hors de question de déranger ou d'entrer dans des bureaux sans y être invitées. Elles restaient la plupart du temps dans les appartements privés du couple qui ont été depuis le théâtre d'une mémorable scène de ménage. Néanmoins, elles relèvent que sous les ors de la République, dans les grands couloirs du Palais, s'organisaient parfois de folles "parties de cache-cache ou de galipettes."

Si à Paris, le président présidait, il n'en était pas toujours de même à Latche, dans sa résidence de vacances. Là, François Mitterrand pouvait montrer un visage différent et ne s'en privait pas. Sa blague favorite, lorsque ses petites-filles étaient encore très jeunes : imiter le cri de la poule. "il le faisait très bien !" se remémoraient-elles, "et nous montrait un oeuf en affirmant qu'il venait de le pondre. On trouvait ça formidable !" Pour que la supercherie soit parfaite, le lendemain, ce papy blagueur achetait un poussin. "On y croyait dur comme fer", révélaient-elles à nos confrères.

Pour rendre à leur aïeul la monnaie de sa pièce, les deux enfants rivalisaient d'ingéniosité. "On truffait la table de petits pièges : un pot de moutarde d'où jaillissait un clown, un coussin péteur. Il pouvait partir dans des fous rires terribles, au point de mordre sa serviette pour s'arrêter" évoquaient-elles. Jusqu'au jour où le clown est sorti du pot à moutarde devant le président Gorbatchev, suscitant l'agacement du chef de l'Etat.

L'homme avait beau tenir en main le destin de la France, il n'en restait pas moins attentif à celui de sa famille, même si tout n'a pas été facile pour tout le monde, notamment pour Danielle. Moins sévère que les parents de Pascale et Justine, il préférait les convaincre de l'intérêt de bien travailler à l'école plutôt que de l'exiger.

C'était enfin un grand-père qui savait faire plaisir, offrant à l'occasion un peu d'argent afin que ses petites-filles s'offrent un voyage, leur permettant de voler à bord de l'avion présidentiel ou de venir se prélasser dans la confortable résidence des chefs d'Etat du Fort de Brégançon. "C'étaient de beaux cadeaux. Pour le reste, il déléguait" concluaient les deux filles qui de leur côté, étaient déjà mamans au moment de cette interview. Depuis lors, l'une d'elle, Pascale, a refait parler d'elle, c'est la première femme à avoir déposé une plainte pour viol contre Nicolas Hulot...