Les enfants de stars qui s'épanouissent dans le milieu du show-business, ce n'est pas un phénomène nouveau. Mais il a pris une ampleur sans précédent, à en croire l'ouvrage des journalistes indépendantes Aurore Gorius et Anne-Noémie Dorion, Fils et filles de... Enquête sur la nouvelle aristocratie française. Dans leur livre fort bien documenté, elles s'interrogent sur la puissance aujourd'hui des progénitures d'artistes reconnus tout en revenant en détails sur la question dans les domaines économique et politique.
Pour pouvoir mesurer dans notre société actuelle l'ampleur prise par les enfants de stars, les deux auteurs remontent aux "origines des privilèges", en s'interrogeant sur leur éducation. Les "fils et filles de" ne fréquentent pas les établissements du commun des mortels, se démarquant ainsi dès le plus jeune âge avec même des "prépas" pour tout-petits afin de réussir au mieux les entretiens de sélection... La différenciation des enfants de personnalités aisées se fait aussi à travers les activités extrascolaires dans les clubs de sports très huppés comme le Lagardère Paris Racing.
Une autre façon de devenir une star très jeune, sans avoir rien fait et utilisant seulement la notoriété de son nom de famille : Twitter. C'est sur ce réseau social que Louis Sarkozy, fils de Nicolas, et Léonard Trierweiler, fils de Valérie, se "clashent", braquant les médias sur leurs posts. Mais ça ne s'arrête pas à cela : "De Twitter à la téléréalité, il n'y a qu'un pas pour un 'fils de'. Face à son début de célébrité, M6 a proposé à Léonard de participer à l'émission Top Chef, ce qu'il affirme avoir refusé ayant encore, 'beaucoup de chose à apprendre'."
Elles les appellent les "princes et princesses" d'aujourd'hui et dans le showbiz, ils sont légions. Car si la transmission paraît habituelle lorsqu'il est question de patrimoine économique, le sujet est plus dérangeant lorsqu'on parle d'art et de talent. Comment expliquer la foule d'enfants d'actrices et d'acteurs qui tentent eux-mêmes l'aventure ? Par l'habitude qu'ils ont de fréquenter les plateaux depuis qu'ils savent à peine marcher, les noms des gens du milieu qu'ils connaissent parce que ceux-ci sont déjà venus dîner chez eux où parce qu'ils ont sauté sur les genoux d'autres, lorsqu'ils étaient petits. Ils ont une longueur d'avance sur les autres qui auront du mal à les rattraper. Quand on se réjouit de l'effervescence du collectif rebelle de Kourtrajmé, on apprend que "les 'héritiers' [Romain Gavras, fils de Costa-Gavras et Kim Chapiron, fils de l'artiste Kiki Picasso] se cantonnent aux activités créatives. Les autres membres écument les festivals pour promouvoir les films. [...] Les sales gosses ont grandi, les héritiers rentrent dans le rang."
Les parents donnent des coups de pouces en les choisissant parfois dans leur film - Nicole Garcia n'a-t-elle pas dirigé son fils Pierre Rochefort dans Un beau dimanche ? Lui qui se voyait percer dans la musique ? Mais les producteurs et distributeurs, toujours plus frileux, sont aussi les premiers à préférer miser sur un "fils de" dont le nom de famille aidera la promo, plutôt que sur un nouveau venu, aussi prometteur soit-il. Quand la fille d'Alexandra Lamy, Chloé Jouannet, fait la promotion de son film Avis de Mistral dans Vivement dimanche, les gens accourent pour voir la fille de Chouchou !
Le patronyme est lourd, très lourd, et pas seulement dans le cinéma. Car si Charlotte Gainsbourg a su devenir à son tour une icône, malgré des parents aussi légendaires, d'autres et notamment en musique, auront du mal à se faire une place au soleil. Dans la famille Chedid, bien sûr, Matthieu s'impose et sa popularité est plus forte que celle de son père, Louis, mais le fils de Serge, Lulu Gainsbourg, n'a pas réussi (encore ?) à véritablement percer artistiquement.
Le phénomène n'est bien sûr pas propre à la France, mais dans un pays en crise et où les financiers ne veulent prendre aucun risque, mieux vaut avoir un fils ou une fille de pour limiter les échecs. La méritocratie est-elle une chimère ? D'après ce livre, "la mobilité sociale tend à régresser en France". La faute à l'école qui, "par manque de moyens, ne corrige plus les inégalités liées à la naissance. Au contraire, elle semble les accentuer aujourd'hui". Mais il n'y a pas qu'elle. Les parents jouent de leur influence pour promouvoir leur progéniture et les exemples sont nombreux dans cet ouvrage. Mais ça ne marche pas à tous les coups.
La fille de Jean-Louis Debré a ainsi abandonné son projet de devenir comédienne, expliquant que c'est impossible "quand on n'est pas fille de...", tandis que Sophie Tapie n'est pas encore la star de la chanson qui explose les charts. Ce qui reste, c'est une fascination du "peuple" pour ces princes et princesses de l'entertainment, attendant de les voir briller comme leurs parents ou, au contraire, de s'écraser dans le monde impitoyable du show-business. Mais les enfants de stars ne pourront pas dire qu'ils n'étaient pas prévenus.
Fils et filles de - Enquête sur la nouvelle aristocratie française, d'Aurore Gorius et Anne-Noémie Dorion, aux éditions La Découverte.