"Si le film marche à sa sortie, on fait la suite!", avait déclaré le producteur de 99 francs, Alain Goldman lors de la promotion du film qui avait réuni pas moins de 1 231 000 entrées au box office. Pari tenu pour le réalisateur français Jan Kounen qui signera très prochainement la suite de ce premier volet, intitulée 99 roubles.
Jan Kounen a eu un sacré flair en décidant d'adapter au cinéma l'oeuvre à succès de Frédéric Beigbeider (vendu à 500 000 exemplaires). Le cinéaste nous transporte dans l'univers trash et provocateur d'Octave, rédacteur publicitaire dans une prestigieuse agence qui décide de se rebeller contre ce propre système en sabotant sa plus grande campagne. Entre hallucinations, fantasmes, doutes et obsessions, Octave interprété par Jean Dujardin, apparait comme un personnage arrogant et corrosif.
Reflexion acerbe sur l'hyperconsommation, le réalisateur de Coco Chanel et Igor Stravinsky (avec Anna Mouglalis , 2009) signe avec 99 francs une comédie féroce et déroutante dans le paysage du cinéma français actuel, et cela tant dans "le fond que dans la forme" dixit Jean Dujardin. Mais la réussite de ce premier volet tient tant au point de vue très électrique du réalisateur, qu'à la performance des acteurs: Jean Dujardin, caricature acide du génie dépressif, le regretté Jocelyn Quivrin (disparu en novembre 2009 et qui brillait dans Notre univers impitoyable de Léah Fazer aux ôotés de sa compagne Alice Taglioni ou plus récemment dans La famille Wolberg d'Axelle Ropert) ou Vahina Giocante, incarnation absolue du fantasme masculin (Blonde aux seins nus aux cotés de Nicolas Duvauchelle, amoureuse d'un Louis Garrel excédé dans Un lever de rideau de François Ozon ou femme d'action dans Secret défense de Philippe Haim avec Gérard Lanvin et dans Le Premier Cercle de Laurent Tuel avec Jean Reno). Les personnages et les dialogues y sont non seulement osés, drôles et caustiques, mais révèlent également un profond pessimisme sur la société contemporaine et le rapport à la consommation.
Lors de sa sortie, 99 francs avait d'ailleurs été comparé à Fight club (1999) de David Fincher (Seven, The Social Network) avec Brad Pitt et Edward Norton, ou à Trainspotting (Danny Boyle, 1996) avec Ewan McGregror ou encore l'extravagant Brazil (1985) de Terry Gilliam avec Robert de Niro. Jan Kounen, qui se dit plus sage que ces réalisateurs, n'en est pas moins créatif et étonnant comme en témoignent ses précédentes oeuvres : son premier court métrage, Gisele Kerosene surprend la critique et remporte le grand prix de la catégorie au festival du film fantastique. Son très controversé premier long métrage Doberman (1996) porté notamment par Vincent Cassel et Monica Bellucci révèle dans sa violence et son excentricité les propres inspirations du réalisateur. Enfin son western chamanique Blueberry (2004, avec une nouvelle fois Vincent Cassel), qui a dans une certaine mesure influencé 99 francs.
99 roubles, librement adapté d'Au secours Pardon (2007), le roman de Frédéric Beigbeider, est actuellement en cours d'écriture. Le personnage d'Octave, interprété une fois encore par Jean Dujardin, est envoyé en Russie par une marque de cosmétiques qui le charge de recruter des mannequins pour sa prochaine campagne publicitaire. Entre frénésie moscovite et turpitude, Octave y sera certainement encore plus cynique et insolent que dans 99 francs. Néanmoins, ni le génie de Jan Kounen, ni la performance d'acteur de Jean Dujardin, ne suffiront à combler le vide laissé par Jocelyn Quivrin, excellent collègue d'Octave dans 99 Francs. Ces tristes circonstances rendront certainement le choix de casting très difficile. Dans 99 roubles, Octave se retrouve donc seul face à ses propres psychoses, entre grandeurs et décadences.
On est bien loin des premières apparitions de l'acteur Jean Dujardin dans un gars, une fille aux côtés de sa compagne Alexandra Lamy. Depuis, Jean Dujardin collectionne les succès et passe d'un univers à l'autre avec une grande aisance. Acteur incontournable des comédies françaises, il est hilarant dans Brice de Nice (James Huth, 2005), succombe au charme de Mélanie Doutey dans Il ne faut jurer de rien aux cotés de Gérard Jugnot, tire plus vite que son ombre dans Lucky Luke (James Huth, 2009) et enfin sauve le monde dans la série OSS 117 de Michel Hazanavicius. Certains réalisateurs n'hésitent pas non plus à lui confier des roles plus dramatiques (Contre Enquête de Richard Malinowski, 2007 ou Le Bruit des glaçons de Bertrand Blier aux côtés d'Albert Dupontel, 2009).
Décidément seule Marie-Josée Croze parvient à troubler l' acteur dans Un balcon sur la mer de Nicole Garcia (sortie en salles le 15 décembre 2010) où Jean Dujardin tente désesperément de renouer avec un passé trouble. Esperons que l'acteur le plus "bankable" du cinéma français retrouve la mémoire et les idées claires pour affronter les nouveaux nababs de 99 roubles.
EPH