Jean Rochefort lors de l'émission Vivement dimanche le 10 avril 2013© BestImage
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Le verbe de Jean Rochefort est d'une beauté absolue à l'écran et sur scène, il utilise désormais son langage si fin est plein d'esprit pour construire un livre, baptisé Ce genre de choses. Le Figaro Magazine l'a rencontré et l'a porté en couverture de son édition du 18 octobre. L'artiste offre ses confidences sur son passé et ses observations sur la société actuelle avec talent.
Les traumatismes du passé
Ce livre est né de la remarque d'un de ses fils : "Je ne t'ai jamais vu assis", lui a-t-il dit, pointant du doigt le fait qu'il a d'innombrables activités (le cheval, le cabaret, le théâtre, la télévision, le cinéma). "Ecrire, c'est s'asseoir", s'est-il alors dit. Pour Le Figaro Magazine, Jean Rochefort remontera dans le temps, se souvenant de son amour pour l'oeuvre de Céline : "De plus j'étais amoureux d'une jeune femme qui prenait des leçons de danse avec sa femme, chez lui, à Meudon." Le ton est lourd lorsqu'il parle de l'Après-Guerre, se souvenant d'un de ses camarades qui s'est retrouvé au goulag dans ce qui était à l'époque l'URSS. Arménien, il était allé dans ce pays qui l'accueillait à bras ouvert, mais une soirée arrosée et une chanson passablement anti-Staline l'envoyèrent au goulag... pendant vingt ans : "J'ai alors réalisé l'horreur du système, et accusé mon dieu Aragon de nier l'évidence. Il faut dire qu'il était terrorisé par sa femme et sa belle-soeur, Lili Brik, qui était un Staline bis."
De la fin de la Seconde Guerre mondiale, Jean Rochefort racontera aussi ses souvenirs d'enfance de scènes de l'épuration qui l'ont traumatisé : "La vengeance des plus coupables pour obtenir leur carte de la Résistance dans les vingt-quatre heures les poussait à ne pas jouer les petits bras. Ils s'adonnaient à leur sport favori avec un enthousiasme extraordinaire : je me souviens très bien des hurlements des femmes maltraitées. J'y pense toujours." Ces épreuves ont transformé l'enfant qu'il était et l'homme qu'il deviendra. Une personne qui cherchait avant tout le bonheur et la sincérité, notamment avec ses camarades du Conservatoire, comme Marielle et Belmondo : "Il ne faut pas oublier que nous sortions de la guerre. Le simple fait de vivre, d'avoir des amis, [...] nous empêchait d'être jaloux puisque nous n'avions aucune autre ambition que d'être sur une scène et de jouer."
Louanges et tacles
Ainsi, ses amis Marielle et Belmondo l'avaient recommandé pour qu'il joue dans Cartouche - "c'est ça, l'amitié, on s'entraidait tous" -, tandis que feu Philippe Noiret reçoit lui la description élégante d'"esthète de la vie" : "Il m'a avoué être malade cinq jours avant sa disparition." Jean Rochefort sera dur avec François Truffaut, qu'il trouvait "odieux à lire" comme critique. D'ailleurs, il souhaite que l'on sache que Le Dernier Métro, son chef d'oeuvre, "c'est une pièce de Jean Renoir. Qui n'a jamais été citée au générique. Il aurait pu le dire tout de même !". Angélique, "cette rigolade, c'était pour les chevaux", s'amusera à dire l'artiste, taclant au passage Comencini qui l'avait dirigé dans Mon Dieu, comment suis-je tombé si bas : "Comencini était un homme de gauche, et les cinéastes de gauche sont toujours les plus odieux."
Ses louanges iront à Que la fête commence de Tavernier (il obtiendra le César du meilleur acteur) et Le Crabe tambour de Schoendoerffer, qu'il a failli ne pas faire après avoir entendu les horreurs commises par des vétérans en Indochine et à Patrice Leconte : "A l'époque des Vécés étaient fermés de l'intérieur, Leconte avait 23 ans, croyait tout savoir et ne savait rien. [...] Puis j'ai vu monsieur Hire et j'ai trouvé ça intéressant. [...] Oui, Leconte m'a offert mes plus grands rôles [Le Mari de la coiffeuse, Tandem, Ridicule, L'Homme du train]." Mais sa plus grande tendresse ira pour le diptyque Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis d'Yves Robert, avec néanmoins une touche d'acidité : "Nous avions beaucoup d'admiration et d'estime les uns pour les autres. Un peu moins pour Bedos... Mais il s'est révélé magistral." En parlant d'humoriste, Jean Rochefort est implacable avec eux dans les comédies aujourd'hui : "Il y a eu l'arrivée des acteurs de one-man-show, qui sont destructeurs de situation. Ils jouent toujours en étant conscients que la caméra les filme." Pas de commentaires sur Mimie Mathy, qu'il a épargnée cette fois.
Mis à tort à la retraite pour cause de citation sortie de son contexte, ce qui n'a pas manqué de le révolter, Jean Rochefort est plus que jamais là. Sa popularité est infaillible, peut-être parce que, comme il dit, "on ne se la pète absolument pas", mettant dans le même sac sa personne, Marielle et Belmondo. Et il dira pour ces Français qui l'aiment tant, comme conseil face à une société cruelle où chacun est préoccupé par sa "situation" : "Il faut réapprendre à rêver."
Retrouvez l'intégralité de l'article dans le Figaro Magazine du 18 octobre
"Ce genre de choses", aux éditions Stock et dans les librairies dès le 23 octobre
Les traumatismes du passé
Ce livre est né de la remarque d'un de ses fils : "Je ne t'ai jamais vu assis", lui a-t-il dit, pointant du doigt le fait qu'il a d'innombrables activités (le cheval, le cabaret, le théâtre, la télévision, le cinéma). "Ecrire, c'est s'asseoir", s'est-il alors dit. Pour Le Figaro Magazine, Jean Rochefort remontera dans le temps, se souvenant de son amour pour l'oeuvre de Céline : "De plus j'étais amoureux d'une jeune femme qui prenait des leçons de danse avec sa femme, chez lui, à Meudon." Le ton est lourd lorsqu'il parle de l'Après-Guerre, se souvenant d'un de ses camarades qui s'est retrouvé au goulag dans ce qui était à l'époque l'URSS. Arménien, il était allé dans ce pays qui l'accueillait à bras ouvert, mais une soirée arrosée et une chanson passablement anti-Staline l'envoyèrent au goulag... pendant vingt ans : "J'ai alors réalisé l'horreur du système, et accusé mon dieu Aragon de nier l'évidence. Il faut dire qu'il était terrorisé par sa femme et sa belle-soeur, Lili Brik, qui était un Staline bis."
De la fin de la Seconde Guerre mondiale, Jean Rochefort racontera aussi ses souvenirs d'enfance de scènes de l'épuration qui l'ont traumatisé : "La vengeance des plus coupables pour obtenir leur carte de la Résistance dans les vingt-quatre heures les poussait à ne pas jouer les petits bras. Ils s'adonnaient à leur sport favori avec un enthousiasme extraordinaire : je me souviens très bien des hurlements des femmes maltraitées. J'y pense toujours." Ces épreuves ont transformé l'enfant qu'il était et l'homme qu'il deviendra. Une personne qui cherchait avant tout le bonheur et la sincérité, notamment avec ses camarades du Conservatoire, comme Marielle et Belmondo : "Il ne faut pas oublier que nous sortions de la guerre. Le simple fait de vivre, d'avoir des amis, [...] nous empêchait d'être jaloux puisque nous n'avions aucune autre ambition que d'être sur une scène et de jouer."
Louanges et tacles
Ainsi, ses amis Marielle et Belmondo l'avaient recommandé pour qu'il joue dans Cartouche - "c'est ça, l'amitié, on s'entraidait tous" -, tandis que feu Philippe Noiret reçoit lui la description élégante d'"esthète de la vie" : "Il m'a avoué être malade cinq jours avant sa disparition." Jean Rochefort sera dur avec François Truffaut, qu'il trouvait "odieux à lire" comme critique. D'ailleurs, il souhaite que l'on sache que Le Dernier Métro, son chef d'oeuvre, "c'est une pièce de Jean Renoir. Qui n'a jamais été citée au générique. Il aurait pu le dire tout de même !". Angélique, "cette rigolade, c'était pour les chevaux", s'amusera à dire l'artiste, taclant au passage Comencini qui l'avait dirigé dans Mon Dieu, comment suis-je tombé si bas : "Comencini était un homme de gauche, et les cinéastes de gauche sont toujours les plus odieux."
Ses louanges iront à Que la fête commence de Tavernier (il obtiendra le César du meilleur acteur) et Le Crabe tambour de Schoendoerffer, qu'il a failli ne pas faire après avoir entendu les horreurs commises par des vétérans en Indochine et à Patrice Leconte : "A l'époque des Vécés étaient fermés de l'intérieur, Leconte avait 23 ans, croyait tout savoir et ne savait rien. [...] Puis j'ai vu monsieur Hire et j'ai trouvé ça intéressant. [...] Oui, Leconte m'a offert mes plus grands rôles [Le Mari de la coiffeuse, Tandem, Ridicule, L'Homme du train]." Mais sa plus grande tendresse ira pour le diptyque Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis d'Yves Robert, avec néanmoins une touche d'acidité : "Nous avions beaucoup d'admiration et d'estime les uns pour les autres. Un peu moins pour Bedos... Mais il s'est révélé magistral." En parlant d'humoriste, Jean Rochefort est implacable avec eux dans les comédies aujourd'hui : "Il y a eu l'arrivée des acteurs de one-man-show, qui sont destructeurs de situation. Ils jouent toujours en étant conscients que la caméra les filme." Pas de commentaires sur Mimie Mathy, qu'il a épargnée cette fois.
Mis à tort à la retraite pour cause de citation sortie de son contexte, ce qui n'a pas manqué de le révolter, Jean Rochefort est plus que jamais là. Sa popularité est infaillible, peut-être parce que, comme il dit, "on ne se la pète absolument pas", mettant dans le même sac sa personne, Marielle et Belmondo. Et il dira pour ces Français qui l'aiment tant, comme conseil face à une société cruelle où chacun est préoccupé par sa "situation" : "Il faut réapprendre à rêver."
Retrouvez l'intégralité de l'article dans le Figaro Magazine du 18 octobre
"Ce genre de choses", aux éditions Stock et dans les librairies dès le 23 octobre