Il était capable d'embrasser n'importe quel rôle, d'Alien à Harry Potter en passant par Elephant Man, et c'est un talent sublime sur lequel s'accordent tous les hommages émus qui lui ont été rendus. Mais John Hurt, mort mercredi 25 janvier des suites du cancer du pancréas contre lequel il s'était battu en 2015, n'a pas encore tout montré : avant de disparaître trois jours après son 77e anniversaire et alors qu'on le retrouvera à l'écran à partir du 1er février dans le biopic Jackie porté par Natalie Portman, l'acteur britannique avait tourné quatre films qu'il nous reste à découvrir.
L'un d'entre eux fait tristement écho aux circonstances dans lesquelles il nous a quittés. Dans That Good Night, d'Eric Styles, adapté de la pièce du même nom signée NJ Crisp, John Hurt est Ralph, un scénariste septuagénaire qui a une belle carrière derrière lui et plus beaucoup de temps devant : atteint d'une maladie mortelle en phase terminale, il va l'employer à tenter de recoller les morceaux avec son fils tout en évitant d'être un fardeau pour son épouse, avant de trépasser.
"Je ne peux pas dire que je m'inquiète du fait de devoir mourir, mais il est impossible d'arriver à mon âge et de ne pas le méditer un tant soit peu", avait observé l'acteur en 2015, dans un entretien avec Radio Times, après s'être trouvé confronté lui-même au cancer. Il avait certes gagné la première manche, mais la maladie avait hélas laissé des séquelles, qui ont fini par l'emporter. Mais entre-temps, John Hurt, quoique contraint de renoncer en juillet 2016 à jouer la pièce The Entertainer dans le West End pour raisons médicales, n'avait pas abdiqué son désir de jouer.
Darkest Hour, drame historique dont la sortie est annoncée pour le mois de novembre 2017 aux Etats-Unis, s'avère déjà attendu. John Hurt devait y camper le Premier Ministre britannique Neville Chamberlain à l'heure où éclate la Seconde Guerre mondiale. Face à lui : Gary Oldman en Winston Churchill (dont Kristin Scott Thomas joue l'épouse, Clementine) et Ben Mendelsohn en George VI. Mais le statut du film étant encore "en tournage" selon le site de référence IMDb, l'incertitude plane : le réalisateur Joe Wright (Orgueil et Préjugés, Reviens-moi, Anna Karénine, Pan) a-t-il déjà filmé les scènes du défunt comédien britannique ? Si tel n'est pas le cas, on peut s'attendre à un hommage sous une forme ou une autre...
Parmi les projets que John Hurt a eu le temps de concrétiser figurent en revanche de manière certaine My Name is Lenny, un biopic attendu en février consacré au légendaire boxeur à mains nues anglais Lenny McLean, décédé en 1998 à 49 ans d'un cancer du poumon - celui qu'on surnommait The Guv'nor était d'ailleurs mort avant d'avoir pu se voir au cinéma dans Arnaques, Crimes et Botanique, tombé malade pendant le tournage du film de Guy Ritchie, dans lequel il jouait Barry le Baptiste. Face à l'acteur australien Josh Helman (X-Men, Mad Max, Jack Reacher) et au champion d'Ultimate Fighting Michael Bisping, Hurt est Leslie Salmon.
Dans un tout autre registre encore, Sir John Hurt sera de manière posthume à l'affiche en 2017 de Damascus Cover, film basé sur une mission d'infiltration en Syrie avec Jonathan Rhys Meyers.
Vous m'avez convaincu
Célèbre en particulier pour ses rôles de toxicomane prisonnier des geôles turques dans Midnight Express (1978), de première victime d'Alien (1979) dans une scène (gore) culte de la saga, de monstre de foire à l'humanité déniée dans Elephant Man (1980), de marchand de précieuses baguettes magiques (Mr. Ollivander) dans plusieurs volets de la saga Harry Potter et bien d'autres encore, John Hurt avait une approche très instinctive du jeu d'acteur, qu'il essaya un jour d'expliquer au critique cinématographique anglais Geoff Andrew : "Je mets tout ce que je peux dans le mûrier de mon esprit et j'espère que cela va fermenter et donner un vin décent. Quant à la manière dont ce processus s'opère, je suis au regret de vous dire que je ne peux vous le décrire", avait-il dit, rejetant les "méthodes de jeu d'acteur", faites pour les personnes dénuées d'imagination. Quant à savoir si le résultat était probant, sa vision était celle-ci, telle que confiée au magazine People : "Le plus grand compliment que puisse entendre un acteur, avait un jour confié John Hurt à People Magazine, c'est "vous m'avez convaincu". C'est ce qu'il faut faire en premier, et ensuite éventuellement ajouter les touches spirituelles. Mon approche, c'est presque de mettre au défi le public de ne pas me croire et d'être quasiment agressif en lui disant "empruntez ma route"."
Au cours de sa carrière de 65 années, John Hurt a reçu quatre BAFTA Awards (dont un, en 2012, pour l'ensemble de sa contribution exceptionnelle), un Golden Globe et deux nominations aux Oscars ; nommé dans la promotion du Nouvel An, il a été anobli par la reine Elizabeth II en juillet 2015 au château de Windsor. Marié à quatre reprises, il est le père de deux fils, Alexander et Nicholas, issus de son troisième mariage (avec l'assistante de production Joan Dalton, rencontrée sur le tournage de Scandal), Alexander et Nicholas, respectivement 27 et 24 ans le mois prochain. Sa quatrième et dernière femme, Anwen, qu'il avait épousée en 2005, "John était le plus sublime des acteurs et le plus gentleman de tous les gentlemen, avec le plus grand des coeurs et la dernière bonté d'âme, a-t-elle tendrement souligné. Il a irradié nos vies de joie et de magie, et ce monde va être bien étrange sans lui."
GJ