L'ex-roi d'Espagne n'avait plus été aperçu en public depuis près de cinq mois... Le 4 janvier 2021, la chaîne de télévision espagnole Telecinco a dévoilé une photo volée de Juan Carlos Ier prise à Abu Dhabi, semble-t-il par des touristes espagnols. L'ancien souverain de 83 ans, à la santé fragile, est en exil aux Emirats Arabes Unis depuis le 3 août 2020.
Sur le cliché, le père du roi Felipe VI apparaît très affaibli : masqué, il marche tant bien que mal sur un ponton, soutenu par deux gardes du corps. La photo a été prise le 29 décembre dernier sur l'île de Yas, qui abrite le Yas Marina Circuit et accueille le Grand Prix d'Abu Dhabi. Après plusieurs semaines de rumeurs quant à son éventuel retour en Espagne pour les fêtes de fin d'année, Juan Carlos est finalement resté aux Emirats arabes unis, arguant qu'il est une personne à risque en cette période de crise sanitaire. De son côté, la maison royale d'Espagne a démenti les autres rumeurs affirmant que l'ancien souverain a été admis dans un hôpital d'Abu Dhabi en fin d'année après avoir été testé positif à la Covid-19.
L'été dernier, le mari de la reine Sofia a annoncé qu'il s'éloignait de son pays pour préserver l'image de la Couronne espagnole et "faciliter l'exercice" de ses fonctions à son fils Felipe VI, au moment où les justices suisse et espagnole se sont penchées sur ses comptes bancaires. "Guidé par la conviction de rendre le meilleur service aux espagnols, à leurs institutions, et à toi en tant que Roi, je t'informe de ma décision réfléchie de m'exiler, en cette période, en dehors de l'Espagne", a-t-il écrit dans une lettre officielle adressée à son fils, tout en précisant qu'il restait à la disposition de la justice.
La reine Sofia, son épouse depuis 58 ans, a quant à elle préféré rester en Espagne avec ses enfants et petits-enfants. Lors de son discours de Noël diffusé à la télévision espagnole depuis le palais Zarzuela à Madrid, le 24 décembre, Felipe VI a brièvement fait allusion au scandale entourant son père en affirmant que l'éthique et le sens du devoir "prévalent sur toute autre considération, y compris personnelles et familiales", comme l'ont rapporté Les Echos.
Juan Carlos Ier fait désormais l'objet de trois enquêtes judiciaires, toutes liées à du blanchiment de capitaux. L'ancien souverain à la réputation sulfureuse, notamment pour ses milliers de conquêtes et son goût pour la chasse à l'éléphant, est au coeur d'une première enquête en Suisse autour d'un virement de 100 millions de dollars qu'il aurait reçu en 2008 sur un compte suisse, en provenance de l'Arabie saoudite. Une sacrée somme qui serait en fait une commission illégale des Saoudiens, en vue de décrocher le contrat de construction du TGV entre Médine et La Mecque.
Sur ces 100 millions de dollars, Juan Carlos en aurait légué 65 millions à son ancienne maîtresse Corinna zu Sayn-Wittgenstein, femme d'affaires danoise qui a ouvertement évoqué cette "généreuse" surprise dans les médias. La justice espagnole a par la suite ouvert sa propre enquête.
Une troisième enquête ouverte fin 2019 par le parquet anticorruption tente de déterminer si Juan Carlos a utilisé des cartes de crédit liées à des comptes n'étant pas à son nom. Le parquet a émis des commissions rogatoires à l'étranger afin de déterminer si l'argent présent sur ces comptes domiciliés en Espagne a été dissimulé au fisc espagnol. S'il est avéré que Juan Carlos a utilisé des fonds soustraits au fisc, il s'exposerait à des poursuites pour délit de blanchiment d'argent. Ces faits sont, en effet, postérieurs à son abdication en juin 2014, qui a entraîné la perte de l'immunité dont il bénéficiait en tant que chef de l'Etat.