Pur hasard du calendrier de la justice, la révélation de la seconde grossesse de Kate Middleton a coïncidé avec l'épilogue du grand drame de sa première grossesse : vendredi 12 septembre 2014, un peu moins de deux ans après le suicide de l'infirmière Jacintha Saldanha, qui s'était donné la mort en décembre 2012 après avoir été la victime d'un canular de deux animateurs radio australiens, les proches de la défunte mais aussi l'un de ses bourreaux involontaires, Mel Greig, étaient réunis à Londres pour entendre les conclusions de l'enquête. Devant la Cour supérieure de Londres, le coroner a défnitivement établi qu'il s'agissait d'un suicide et a enregistré la mort comme telle. Un rendez-vous, sur deux jours, éprouvant pour tous.
Une blague mortellement mauvaise...
Le 3 décembre 2012, le palais St James annonçait par nécessité que la duchesse de Cambridge était enceinte de son premier enfant alors que celle-ci était admise en urgence à l'hôpital King Edward VII en raison de symptômes d'hyperémèse gravidique - nausées matinales aiguës, le même trouble pour lequel elle est actuellement traitée au palais de Kensington, sa résidence. Le lendemain, deux animateurs radio australiens, Mel Greig et Michael Christian, avaient l'idée d'appeler l'établissement où l'épouse du prince William était soignée en se faisant passer pour... la reine Elizabeth II et le prince Charles, dans le cadre de leur émission Hot30 Countdown sur la station 2Day FM. Contre toute attente, et en dépit de son imitation ridicule et pathétique de la monarque britannique et de son héritier, le duo parvenait à être mis en relation avec le service ayant pris en charge Kate Middleton, et à obtenir des informations strictement confidentielles. Jacintha Saldanha était celle qui avait transmis l'appel. Trois jours après, le 7 décembre 2012, l'infirmière de 46 ans, épouse et mère de deux enfants (un fils biologique et une fille adoptive), était retrouvée morte, pendue dans son service à l'hôpital. En proie à des tendances suicidaires (elle avait déjà tenté de mettre fin à ses jours en décembre 2011 et en janvier 2012, et avait été traitée pour dépression), son rôle involontaire dans le canular la poussa à commettre l'irréparable, comme elle le signala clairement dans l'un de ses messages d'adieu, qui incriminaient les animateurs australiens, contenaient ses dernières volontés mais évoquaient aussi des différends avec le personnel de l'hôpital où elle travaillait. Auteurs du canular qui a entraîné l'annulation de leur émission, leur mise à pied et des investigations autour de leur station radio quant à la diffusion du canular, Mel Greig et Michael Christian s'étaient ensuite repentis, en larmes, lors d'interviews accordées à des émissions des chaînes Seven Network et Nine Network. Mais si la jeune femme est restée profondément et durablement choquée, au point d'engager un bras de fer avec ses employeurs et de se retrouver au placard (avant de démissionner), son acolyte ne tardait pas à reprendre le chemin des micros, et se voyait même récompensé, honteusement triomphal quelques semaines après les faits, du prix de la meilleure révélation de l'antenne.
Mel Greig, en larmes, a enfin pu présenter ses excuses
Longtemps empêchée de le faire par ses patrons, Mel Greig a enfin pu, cette semaine, présenter ses excuses à la famille de Jacintha Saldanha, et en face. L'animatrice australienne s'est déplacée depuis l'Australie pour cette nouvelle étape de l'enquête ouverte suite à la mort de l'infirmière de l'hôpital King Edward VII, prête à "répondre à toutes les questions" : "Je suis sincèrement désolée, cela fait si longtemps que je veux le dire", a-t-elle surtout voulu faire savoir, éclatant en sanglots, à la famille toujours endeuillée.
Présente par surprise à l'audience, Mel Greig, à qui la défunte avait demandé (ainsi qu'à son collègue) de rembourser les traites de son domicile familial après sa mort, n'a pas été autorisée à divulguer d'éléments concrets, mais a tout de même obtenu la permission de prendre la parole et d'exprimer ses regrets à la famille de Jacintha Saldanha : "Avant tout, à la famille de Jacintha, je veux dire que je suis tellement désolée que vous l'ayez perdue. Cela fait si longtemps que je veux vous le dire. J'ai toujours été soucieuse du bien-être des infirmières, et tout ce que j'aurais aimé, c'est avoir essayé plus fort d'empêcher la diffusion à l'antenne. Cette tragédie me hantera toujours, comme un rappel", a-t-elle ainsi pu déclarer. "A tous mes confrères et consoeurs animateurs et DJs, je vous en conjure, dites ce que vous pensez si vous n'êtes pas à l'aise et prenez en compte les sentiments des autres quand vous essayez de faire une blague", a-t-elle d'ailleurs exhorté. Et d'ajouter quelques mots à l'intention de la seconde infirmière - celle du service où se trouvait Kate Middleton - entraînée dans le scandale : "Je suis aussi vraiment désolée concernant ce que vous avez vous aussi eu à endurer. Je vous présente mes plus sincères excuses et vous souhaite le meilleur pour la suite."
Deux adolescents privés de leur maman
Si l'intervention de Mel Greig aura été un moment fort, ce sont surtout les paroles des enfants de Jacintha Saldanha qui ont émaillé l'audience au cours de laquelle le coroner (fonctionnaire en charge, au Royaume-Uni, dans les enquêtes sur un décès) a clos le dossier. Le docteur Fiona Wilcox a conclu au suicide, expliquant : "Il existe des preuves selon lequelles le canular téléphonique et des difficultés avec un collègue étaient pour elle de grands sujets de préoccupation (...) Je suis satisfaite car j'ai acquis la certitude que Mme Saldanha a agi seule. Il n'y a pas de circonstances suspectes, pas d'intervention d'une tierce partie, et c'était donc un acte délibéré." Et, faisant allusion aux quatre appels téléphoniques ultérieurs à celui du canular que les producteurs radio australiens auraient passé pour obtenir l'aval de l'infirmière piégée avant la diffusion de la séquence à l'antenne, le Dr. Wilcox a ajouté : "Si elle a répondu à ces appels, je trouve inconcevable qu'elle ait consenti, en tant que protagoniste, à sa diffusion." Par la suite, Jacintha Saldanha avait adressé des e-mails à ses collègues et supérieurs en s'auto-flagellant pour l'incident ayant conduit à la fuite d'informations sur la grossesse de la duchesse de Cambridge.
La veille du canular, les accusations de harcèlement d'une infirmière junior qu'elle avait dans son service avaient été retenues à son encontre par sa direction, mais, vendredi, c'est le portrait d'une professionnelle respectée, appréciée et soutenue par l'établissement qui a été dressé. "Il va de soi que la famille accepte le décision" de considérer la mort comme un suicide, a déclaré devant le tribunal Keith Vaz, un député représentant les proches de Jacintha Saldanha, qui se réservent toutefois la possibilité de mener une action en justice. Au cours de l'audience, "le monde en a appris beaucoup à propos de la noblesse et du dévouement pour ses patients, l'amour pour son travail et le fantastique professionnalisme" de Mme Saldanha, a ajouté le parlementaire. "C'est tout ce même un comble que quatre appels passés en 115 secondes (...) aient pu ainsi priver Benedict Barboza de son épouse et Lisha et Junal de leur mère adorée ; ces actes détestables et cruels, ce canular, ont changé leur vie à tout jamais", a-t-il insisté, remerciant a contrario le duc et la duchesse de Cambridge pour le soutien apporté à la famille de la défunte, "officiellement et officieusement".
En larmes, les enfants de Jacintha ont ému l'assistance : "Notre maman bien-aimée nous manque et nous manquera tout le reste de notre vie", ont déclaré les deux adolescents.
Simultanément, le groupe de médias Southern Cross Austereo, qui possède la radio 2Day FM et a depuis le début de l'affaire assumé la responsabilité de la diffusion du canular, a indiqué qu'elle allait verser 450 000 dollars américains sur un fonds destiné à la famille de Jacintha Saldanha : "Nous ne pensons pas, bien sûr, que ce don ou une quelconque somme d'argent pourrait soulager la perte ressentie par la famille de Mme Saldanha, mais nous espérons que cela pourrait les aider à l'avenir."