Alors que Gérald Babin vient d'être inhumé à Nemours, entouré de ses proches et en présence de Nonce Paloni et Denis Brogniart, dévasté, la polémique continue d'enfler autour de sa mort. On le sait désormais, le candidat décédé en plein tournage de Koh Lanta durant la première épreuve a succombé à "une défaillance cardiaque" due à une pathologie du coeur (cardiopathie dilatée), selon un pré-rapport d'autopsie. Cette pathologie aurait-elle pu être détectée ? Tandis que les experts tendent de répondre à cette question, le réalisateur de l'émission a décidé de donner sa version des faits : un témoignage à la fois bouleversant et sans pitié à l'égard de ceux qui témoignent anonymement sur cette affaire.
Julien Magne est le réalisateur de Koh Lanta. Avec ses dix caméras, il ne loupe rien de ce qu'il se passe sur l'île, de l'action et, malheureusement, n'a rien loupé de la mort du Gérald Babin. Avec le soutien d'Adventure Line, qui produit l'émission, il a décidé de donner sa version des faits dans une longue interview réalisée, vendredi 5 avril au soir, par nos confrères de Puremédias. Julien Magne y revient en détail sur le déroulé des faits et tord le cou à des rumeurs... anonymes.
La tête dans le sable ? Non !
"Entre le moment où il perd la corde et, beaucoup plus tard, le moment où il fait son premier malaise sur le bateau, Gérald est conscient : il parle, il bouge. Il essaye de se relever, il explique qu'il a mal, qu'il a mal au bras droit. On le voit clairement sur les images. A aucun moment, on ne voit Gérald "la tête dans le sable" et inerte." Selon le réalisateur, durant toute l'épreuve, le médecin et l'infirmière suivent l'action sur les moniteurs de la régie, prêt à intervenir au moindre pépin : "À ce moment-là, le médecin est en régie et il observe. Il est déjà en stand-bye avec son sac d'intervention depuis un petit moment parce que, personne ne l'a dit encore, mais quelques minutes après le début du jeu, il y a une concurrente qui vomit du fait de l'effort intense, après un sprint. L'infirmière prépare également son sac d'intervention. Ils sont prêts à partir. En regardant les images, c'est le médecin et l'infirmière qui décident d'y aller ou pas. Après, on se connaît, on est une équipe qui travaille ensemble depuis longtemps. On n'a plus besoin de se dire les choses. Quand le médecin décide de partir, il ne demande pas l'autorisation. Il y va."
Le tracé est normal...
Tous les rushes de l'émission ont été remis à la justice dans le cadre de l'enquête ouverte pour homicide involontaire. Pour le réalisateur, à aucun moment il n'a été demandé au médecin d'attendre ou de refaire la prise : "Encore une fois, il n'y a personne qui dit au médecin 'Arrête toi, tu n'es pas dans le bon axe'. On fait de la télé, bien sûr, mais la priorité, c'est que le médecin se rende au chevet de Gérald."
Selon Julien Magne, l'épreuve débute à 12h50. Gérald Babin lâche la corde à 13:01 et demande l'intervention du médecin à 13h06. Thierry Costa n'a pas attendu la demande du candidat, il est déjà en route et arrive auprès de lui à 13h07. A 13h13 la civière arrive, trois minutes plus tard le candidat est à l'ombre d'une tente. Toute l'intervention est filmée, comme le veut l'émission, les dernières images de Gérald filmées sont celles de sa civière juste avant son embarcation pour évacuation... presque deux heures plus tard.
Mais avant son arrivée sur le bateau, Gérald Babin est conscient et veut retourner dans le jeu. Il souffre au bras droit. Sous la tente, Thierry Costa lui administre deux perfusions : du sérum physiologique et du glucose pour lui donner de l'énergie. On lui pose un défibrillateur qui renseigne le médecin sur les battements cardiaques et permet d'analyser différents éléments de son organisme. Le tracé est normal, Thierry Costa n'est pas inquiet. La pathologie cardiaque dont souffrait le candidat n'avait pas non plus été détectée avant l'émission : selon la société MediaMedic qui assure la couverture médicale de Koh Lanta, le Dr Jean Israël, cardiologue du sport et spécialiste des épreuves d'ultra endurance, a eu accès au dossier de Gérald Babin qui ne révélait aucune anomalie aussi bien à l'électrocardiogramme que sur les questionnaires relatifs à ses antécédents personnels et familiaux, et sur le rapport de l'examen clinique effectué par le médecin du sport.
L'évacuation par bateau n'est pas une recommandation de la "prod" pour faire des économies, mais le choix du médecin, explique Julien Magne : "Faire voler ou non cet hélicoptère, ça coûtera à la fin la même chose. Le médecin a 2 possibilités : soit un transfert en bateau, soit une évacuation en hélicoptère. Il décide en toute liberté, après son diagnostic, de transférer Gérald à l'infirmerie via le bateau." Mais sur le bateau, le candidat fait un arrêt cardiaque. On appelle l'hélicoptère : "Entre le moment où Gérald fait son arrêt cardio-respiratoire et le moment où l'hélicoptère redécolle avec Gérald et le médecin à son bord, il se passe 9 minutes. Est-ce que vous pensez que c'est long ?"
Les anonymes contre les rushes
Ce qui choque aujourd'hui le réalisateur de Koh Lanta, ce sont les témoignages anonymes. Selon lui, les contrats de confidentialité ne concernent que l'aventure : "ALP souhaite logiquement protéger le contenu de l'émission pour que les téléspectateurs découvrent le programme devant leur télévision. Les événements tragiques qui se sont déroulés ne sont bien sur pas couverts par la confidentialité. Ces gens-là peuvent dire ce qu'ils veulent à visage découvert." Quand sont évoqués ces témoignages anonymes et à charge, Julien Magne pense à la famille qui s'est d'abord senti trahie : "Depuis, vous l'avez vu, les liens se sont retissés entre cette famille, ALP et TF1. Je n'ai pas de mots... On parle de tout ça le jour où Gérald est enterré [l'entretien a eu lieu vendredi soir, NDLR]. La réaction de toutes les équipes de Koh Lanta est l'incompréhension face à ce déferlement de mensonges. Dire que quelqu'un a refusé l'hélicoptère au médecin qui le demandait, c'est un mensonge. Sous-entendre que la production a laissé mourir Gérald Babin pour faire des économies, c'est un mensonge et c'est pire qu'un mensonge. On est tous très choqués, très atteints. Je pèse mes mots."
Julien Magne ne décolère pas : "Voir qu'il y a encore des témoignages anonymes qui sortent, j'ai presque envie de vous dire que ces personnes-là, si elles veulent être crédibles, il va falloir qu'elles assument leurs accusations très dures. En face d'elles, elles trouveront la vérité, elles trouveront les rushes. Les enquêteurs ont déjà les images. Ils pourront confronter ces témoignages anonymes à une réalité objective, la vérité des images."
Dans cette longue interview, le réalisateur laisse imaginer la détresse et la douleur de toute une équipe et des candidats à la mort de Gérald Babin. Une douleur aggravée par le suicide du médecin Thierry Costa, dont on sait aujourd'hui qu'il a utilisé un puissant anesthésiant pour mettre fin à ses jours. Interrogé par Paris Match, le médecin intervenu sur place n'a pu que constater la mort de son confrère : "Il était allongé sur son lit et serrait une seringue, vide, de la main gauche [...] La mort a due être quasiment instantanée."