Six ans et dix-neuf films après ses premiers pas devant une caméra, Léa Seydoux est une belle démonstration de témérité.
Révélée dans le cercle privé des films d'auteurs avec Catherine Breillat, Bertrand Bonello et Christophe Honoré, elle rate la première marche hollywoodienne lorsque Mélanie Laurent lui souffle le rôle de Shosanna dans Inglorious Basterds (2009) de Quentin Tarantino. Pas découragée pour un sou, elle continue son ascension dans le cinéma français, décroche une deuxième nomination comme meilleur espoir féminin et attire sérieusement l'attention des réalisateurs venus d'ailleurs. Deux petits rôles chez Ridley Scott (Robin des Bois, 2010) et Woody Allen (Minuit à Paris, 2011) lui ouvrent ainsi les portes du blockbuster Mission : Impossible - Protocole fantôme, qu'elle rejoint au dernier moment pour remplacer une autre actrice dans le rôle d'une méchante.
Léa Seydoux raconte comment elle a traversé un processus de casting laborieux pour le rôle principal de Millénium : Les hommes qui n'aimaient pas les femmes de David Fincher, mais la presse se concentre sur son explosion à l'intérieur de nos frontières, où elle squatte l'affiche de deux films aux antipodes en l'espace de quelques semaines : Les Adieux à la reine de Benoit Jacquot et L'Enfant d'en haut d'Ursula Meier. Corsetée dans le chaos de Versailles, délabrée dans le HLM des montagnes, la comédienne de 26 ans promène sa face mélancolique d'un cinéma à l'autre avec une facilité déconcertante.
Parce que trop n'est jamais assez, Léa Seydoux se dévoile sous un nouveau jour dans une des trois couvertures de Télérama, consacré au renouveau du cinéma français. Apparue sans sa chevelure dorée il y a quelques semaines, la belle égérie de Prada s'est révélée dans une allure bleutée, dernier signe de préparation avant le tournage du Bleu est une couleur chaude, une histoire d'amour entre une adolescente et une mystérieuse jeune femme aux cheveux bleux, réalisée par Abdellatif Kechiche (Vénus noire, L'Esquive).
Pour ce rôle adapté de la bande-dessinée de Julia Maroh, Léa Seydoux a abandonné son rôle dans L'Ecume des jours de Michel Gondry - qu'elle retrouve d'ailleurs sur la couverture de Télérama - et s'est métamorphosée. Dans Numéro, elle raconte : "Se couper les cheveux, c'est un changement qui affecte la féminité. Adbellatif Kechiche me l'a demandé. Il m'a accompagnée dans un petit salon de coiffure à Belleville, jusqu'à 11h du soir. Se couper les cheveux est aussi une façon de s'engager vis-à-vis d'un metteur en scène." Plus décidée que jamais, elle avoue que ce tournage, précédé de beaucoup de répétitions et de préparation, sera "une expérience très forte" : "L'idée du saut dans l'inconnu agit comme un moteur. J'aime avoir peur."
Née sous la bonne étoile du cinéma français avec un grand-père chez Pathé et un grand-oncle chez Gaumont, Léa Seydoux est actuellement à cheval entre deux statuts : "Ursula Meier est venue me chercher pour interpréter une fille prolétaire, femme de ménage, sans argent. Abdellatif Kechiche me sollicite alors que, la plupart du temps, il tourne avec des acteurs inconnus. Cela veut dire que pour lui, savoir qui je suis n'a pas d'importance. Je reste accessible à ses yeux. Quand je réflechis, je me dis que j'ai un peu trop de chance. (...) Et je comprends que des gens puissent me détester ou du moins être agacés."
Après Le bleu est une couleur chaude, Grand Central avecTahar Rahim et La Belle et la Bête de Christophe Gans avec Vincent Cassel, elle avoue avoir envie de retourner à Hollywood. "Je préfère ne pas être là où l'on me cherche", conclut-elle. Il y a fort à parier que d'ici à quelques années, un tel lieu sera quasi impossible à trouver.
Retrouvez Léa Seydoux dans Télérama et Numéro, avril 2012.
Geoffrey Crété