Avortée le 24 mars dernier dans des circonstances dramatiques dont toute l'horreur s'est même lue sur leur visage, lorsqu'ils ont appris sitôt arrivés le crash aérien du vol de la Germanwings transportant cinquante-et-un de leurs compatriotes, le roi Felipe VI et la reine Letizia d'Espagne sont de retour à Paris pour mener à bien leur toute première visite d'État, du 2 au 4 juin 2015. Cette fois-ci, aucune mauvaise nouvelle ne les devançait dans la capitale française, parée de rouge et jaune en leur honneur, où le président de la République François Hollande et son ancienne compagne, l'actuelle ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie Ségolène Royal, faisaient équipe pour les accueillir.
Un an bientôt après l'intronisation du roi Felipe VI, successeur du roi Juan Carlos Ier le 19 juin 2014, et près de onze mois après leur venue inaugurale - une visite de courtoisie qui n'avait guère duré que quelques heures -, le jeune (47 ans) et grand (1,97 mètre) souverain et son élégantissime épouse (42 ans), abordaient en toute confiance ce nouveau chapitre majeur de leur carrière royale. Signe de l'importance de ce rendez-vous pris par les deux pays, qui entretiennent d'excellentes relations d'amitié, la visite officielle n'avait pas tardé à être reprogrammée, qui plus est dans des délais relativement courts à l'échelle des agendas officiels et de la logistique (une quinzaine d'activités sont prévues en trois jours).
Fraîchement rentrée d'Amérique centrale, où elle a effectué avec éclat au Honduras et au Salvador sa première mission (la reine Sofia en compte près d'une vingtaine à son actif) en faveur de la Coopération espagnole, la reine Letizia, après une escapade en toute discrétion au Salon du Livre de Madrid dimanche, est réapparue lumineuse dans un tailleur beige, ses cheveux désormais courts noués en chignon, au bras de son mari Felipe à l'heure du départ pour la France. Gage de l'ampleur de leur mission diplomatique, une cérémonie solennelle (hymne national et haie d'honneur) avait été organisée à l'aéroport Adolfo Suárez Madrid-Barajas à l'occasion de leur départ, accompagnés notamment du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, José Manuel García-Margallo.
Ségolène, l'invitée surprise au côté de Letizia
Accueillis à Orly par le secrétaire d'État aux Affaires européennes Harlem Desir et les ambassadeurs Ramon de Miguel et Jérôme Bonnafont, le roi Felipe VI et la reine Letizia ont été acheminés sous escorte des motards de la Garde républicaine jusqu'à l'Arc de Triomphe, au sommet des Champs-Élysées superbement pavoisés - depuis plusieurs jours déjà - de drapeaux français et espagnols. François Hollande et Ségolène Royal formaient le comité de bienvenue pour la réception officielle, qui n'est que très exceptionnellement organisée au pied du fameux monument lors de visites d'Etat. Les hymnes nationaux ont retenti, puis, après une revue des troupes et un dépôt de gerbe sur la tombe du soldat inconnu, le silence est retombé pour un moment d'intense recueillement.
Le couple royal espagnol est ensuite redescendu, avec une grandiose procession de 146 cavaliers, en direction de l'Élysée. Sur le perron du palais présidentiel, là où, après concertation avec le président Hollande et la mort dans l'âme, la visite s'était arrêtée net au mois de mars, de larges sourires remplaçaient sur le visage de Felipe et Letizia le masque tragique qu'on leur avait alors vu. Autre différence remarquable : un quatrième protagoniste prenait place en haut des marches pour les photos de presse, en la personne de Ségolène Royal, qui avait remonté le tapis rouge au côté de la reine Letizia. Devant les médias, les échanges entre le chef de l'État français et ses invités de marque semblaient particulièrement chaleureux.
Après un entretien à l'intérieur de l'Élysée, François Hollande, rejoint par sa ministre de la Culture Fleur Pellerin, accompagnait le couple royal espagnol au Grand Palais, tout voisin, pour qu'enfin ils y découvrent l'exposition événement consacrée à Diego Velazquez, "Velázquez et le triomphe de la peinture espagnole". La reine Letizia a dû particulièrement apprécier, elle qui s'était déplacée spécialement en Autriche - et y avait parlé allemand - en octobre dernier dans le cadre d'une exposition mettant à l'honneur le maître baroque espagnol, dont une toile accompagnait lors des fêtes de fin d'année 2014 les voeux de sa famille.
À l'Hôtel de Marigny, leur résidence parisienne provisoire (propriété de l'État, l'édifice sert de résidence aux hôtes étrangers du président de la République), le roi Felipe VI et la reine Letizia poursuivaient leur programme chargé avec une cérémonie de remise de décorations à diverses personnalités et entités pour leur aide suite au crash du vol 9525 de la Germanwings : des membres du personnel de secours, les maires des communes (Vernet, Seyne-les-Alpes, Prads) proches du site de l'accident, mais aussi le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve se voyaient décerner la médaille de l'ordre du mérite espagnol des mains du souverain.
Une première journée ponctuée comme il se doit par un grand dîner officiel en présence de près de 200 convives, avant d'enchaîner mercredi avec des visites à l'Hôtel de Ville de Paris, à Matignon, au Sénat et à l'Assemblée nationale, où Felipe VI doit prendre la parole, plus de 20 ans après que son père l'a fait dans les mêmes circonstances.