Il a fait donner un flingue à Isabelle Adjani et Natalie Portman, des dauphins à Jean Reno, la foi à Milla Jovovich et à Bruce Willis. Avec lui, les taxis et les yamakasis sont devenus des outils explosifs. Luc Besson est une usine à rêve et à spectacle. Comme Jean-Pierre Jeunet, il passionne le public et dérange les critiques. Au fil des années, il est devenu un personnage à part entière, à l'image de ses héros.
C'est certainement pour cette raison qu'un entretien avec Luc Besson est particulièrement intéressant. Dans Marie-Claire, le cinéaste de 52 ans parle un peu de The Lady, son film événement avec Michelle Yeoh en Aung San Suu Kyi, et beaucoup de lui, l'homme derrière la caméra. L'histoire commence avec un enfant pas vraiment comme les autres : "Dès l'âge de 7 ou 8 ans, en Grèce, j'étais dans un autre monde. Mon meilleur ami était un poulpe. J'étais très solitaire. Jusqu'à 5 ans, je ne parlais presque pas. Quand ma mère me demandait pourquoi, je répondais 'Parce que je n'ai rien à dire'. Je suis entré tard à l'école, à 9 ans."
La première blessure de l'homme médiatique coïncidence curieusement avec son plus grand succès public en France. Lorsque Le Grand Bleu est présenté à Cannes en 1988, le réalisateur revient de plusieurs années de travail sur terre et sous l'eau et d'un montage sans fin. La projection est une libération, l'accueil, une douche glaciale : "Le Grand Bleu m'a beaucoup marqué. C'est le pire assaut médiatique que j'ai jamais eu. Toute la presse a dépecé le film, il ne restait rien de l'animal. J'étais un débutant, j'apprenais mon métier."
Lorsque Besson affirme que le cinéma est moins important que la vie, ce n'est qu'une jolie phrase lancée : 24 heures après la projection cannoise désastreuse, sa fille - dont la maman est Anne Parillaud - subit une opération à coeur ouvert. "L'histoire se termine bien avec elle, c'est comme ça que je m'en sors. Et puis j'aimais le film. Vraiment. De A à Z." Depuis, il y a eu Nikita, Leon, Le cinquième élément, Jeanne d'Arc, Angel-A et la série des Arthur. Chaque film rencontre son public, à défaut de convaincre la critique.
En 1999, il fonde Europacorp : Taxi, Le transporteur, Taken, Trois enterrements avec Tommy Lee Jones, I love you Phillip Morris avec Jim Carrey. Dix ans plus tard, le producteur se lance dans le pari de rivaliser avec les studios anglais où sont tournés les James Bond, avec la Cité du cinéma qui regroupera des plateaux de tournage, des bureaux et une école. Dans le paysage français, Luc Besson est naturellement un cas à part : "J'ai un exemple symptomatique : j'ai été plusieurs fois numéro un au box-office américain. J'ai toujours, sans exception, reçu un mot ou des bouquets de fleurs de tous les patrons de studios américains. J'en ai été très fier, je les en ai remerciés à chaque fois. Aux Etats-Unis, il y a la culture du succès, et quand on gagne on est applaudi. En France, on n'aime pas nos élites. Beaucoup d'amis ne comprennent pas pourquoi je reste en France. Je devrais être parti à Los Angeles depuis longtemps, gagner beaucoup plus d'argent. Mais ce n'est pas ma vision du cinéma."
Alors qu'il porte à l'écran la vie du Prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi sans vraiment plaire à tout le monde, Luc Besson semble justement avoir trouvé la sérénité. Marié à la productrice Virginie Besson-Silla et père de cinq enfants, le cinéaste confesse que son seul vice est la nourriture, "pourtant j'ai perdu vingt kilos". Dans tous les cas, il a posé les armes pour une nouvelle phase de sa vie : "Ça fait pas mal d'années que je ne suis en guerre contre personne. J'ai la chance d'avoir une femme incroyable." Le voilà donc, le repos du guerrier.
Retrouvez l'intégralité de l'interview dans Marie-Claire, décembre 2011. Luc Besson sera lundi 7 novembre à 19h dans l'émission C à vous, aux côtés de Jean Reno.