Après avoir réagi à divers commentaires sur ses réseaux sociaux, Nicolas Bedos a fini par donner son avis sur le mouvement de libération de la parole avec notamment les hashtags #BalanceTonPorc et #MeToo ("moi aussi"). Dans une tribune publiée sur le site The Huffington Post, le comédien, humoriste et metteur en scène fait part de ses doutes et dénonce une guerre des sexes.
Pour étayer son propos, il cite une connaissance journaliste venue le voir pour lui demander s'il avait déjà connu, vu ou expérimenté des comportements de prédateurs sexuels, si dans le cinéma ou le théâtre français, des Harvey Weinstein se cachaient encore dans le plus grand silence. "Vous avez plein de copines actrices, y en a bien une qu'un type connu aurait chauffée de façon insistante, ça va du pelotage de nichons à la grosse main au cul, des gestes déplacés, en boîte, quand vous sortez, des types qui proposent des partouzes... Votre nom ne sera pas cité et je vous revaudrai ça... Réfléchissez, je vous en supplie, un seul nom me suffira", lui aurait cette femme dont les propos ont fini par le faire sortir de ses gonds.
"À quoi jouez-vous exactement ? S'agit-il pour vous d'un jeu ? D'une chasse ? Quel est le but ? Libérer la parole des victimes d'agressions ou trafiquer du clic pour vos médias malades", l'interroge le fils de Guy Bedos, invoquant "une gourmandise obscène" et un manque de discernement au point de mélanger "les agressions, les tentatives de viol et les dragues de lourdingues". Avec une plume acérée, l'ancien protégé de Laurent Ruquier se demande si nous sommes "prêts à salir l'honneur de gens dont le seul tort serait d'être pathétiques", en "sautant à pieds joints sur le traumatisme des victimes".
Las, Nicolas Bedos affirme ne plus supporter "cette curée moyenâgeuse qui, sous prétexte d'un monde plus sain – plus juste, plus respectueux, plus égalitaire, bref, meilleur – nous monte les uns contre les autres et nous transforme, sinon en gibier, du moins en braconnier de son voisin". Conscient qu'il va être épinglé par une certaine bien-pensance, le réalisateur de M & Mme Adelman a tenu à répéter qu'il applaudit "à quatorze mains toutes celles dont la parole libérée a permis de libérer celles de nombreuses victimes anonymes, décourageant peut-être l'assaillant qui sommeille dans la caboche pervertie de petits et grand patrons tapis dans leur bureau". "C'est un monde où ma petite soeur, mes amies, ma fiancée [parle-t-il de sa chérie Doria Tillier ?, ndlr] et toutes les autres pourront se balader dans la tenue de leur choix sans qu'un connard s'arroge le droit de leur parler, de les regarder ou de les toucher comme si elles méritaient d'être traitées comme des jouets", déplore-t-il.
En bon modérateur, il invoque "un monde où on aurait le droit d'exprimer publiquement ses craintes quant aux dérives liberticides" en réfutant un seul discours, sans quoi "ceux qui le prétendent sont des tyrans". Et d'évoquer Catherine Deneuve, qui faisait part de ses doutes sur la véritable utilité de #BalanceTonPorc. "Sous prétexte qu'elle a osé s'interroger sur les vertus de l'utilisation systématique du mot 'porc' (terme employé, en d'autres temps, par d'effroyables personnages), voilà Catherine Deneuve, personnalité libre et combative s'il en est, traitée de 'traîtresse rétrograde', 'sourde aux souffrances des femmes'. Y avait-il urgence à dispenser des leçons de féminisme à celle qui, mettant jadis sa popularité en jeu, participa à de nombreuses luttes en faveur du droit des femmes à disposer de leur corps ?", se demande le chroniqueur, triste de voir que "les réseaux sociaux et les sites d'actualité soient devenus le vestibule des tribunaux d'assise". "On répondra à cela que les cas de dénonciations nominatives sont marginaux et que, merde, après tout, on ne fait pas d'omelette sans casser quelques oeufs. Sauf que les oeufs, en l'occurrence, ont (parfois) une dignité, une femme (ou un mari) et des gosses", tempère-t-il.
Pour lui, on ne peut mettre sur le même plan l'affaire Weinstein, le fruit d'une enquête journalistique, et le système nauséabond qu'elle semble avoir légitimé, à savoir une dénonciation sans preuves, ni présomption d'innocence, pour le bon plaisir d'une "justice expéditive". "Un monde libre, c'est d'abord un monde où un adulte ne cherche pas à se taper un adolescent, certes (quel taré dirait le contraire ?), mais c'est aussi un monde où on ne condamne pas les gens sans enquête, sans procès, sur des déclarations balancées par un type vingt ans plus tard sur internet", clame-t-il en faisant allusion à l'affaire Kevin Spacey. À noter toutefois que, quelques heures plus tard, l'acteur d'House of Cards faisait l'objet de nouvelles accusations...
Nicolas Bedos fait également un clin d'oeil à l'affaire Polanski et au début de sa rétrospective chahutée lundi dernier. "Qu'on réclame qu'il soit jugé est une chose, mais qu'on insulte ceux qui défendent son oeuvre n'en est-elle pas une autre ? Quand bien même mériterait-il de subir, quarante ans plus tard, les foudres de l'indignité, n'est-on pas libre de regarder les films, d'écouter les chansons ou de lire les livres d'hommes et de femmes ayant fait preuve d'un comportement abject ? Vais-je cesser de me déhancher sur une chanson de Michael Jackson ou de Jim Morrison sous peine de me voir désigné comme complice des saloperies dont ils furent accusés ?", s'interroge-t-il.
Et de conclure : "Je ne pense pas qu'habiter ce monde-là nous soit vraiment profitable. Je ne pense pas que toutes les femmes se reconnaissent dans ces méthodes. Ni qu'on se sente plus libre en se faisant ainsi la guerre. Du moins je m'interroge. Parce que j'en ai besoin. Et que j'en ai le droit."