Nicolas Mathieu n'a pas toujours connu la belle vie. L'écrivain star des plateaux télé comme des librairies, qui, fort de ses trois romans succès, a vu sa notoriété bondir du jour au lendemain. En 2018, elle explose grâce à l'académie Goncourt, qui lui décerne son prix le plus prestigieux, pour son deuxième roman, Leurs enfants après eux, publié aux éditions Actes Sud. Dans ce dernier, l'auteur s'intéresse à deux adolescents de l'Est de la France, au coeur des années 1990, dans un contexte de désindustrialisation. Vendu à plus de 500 000 exemplaires, ce livre est vendu à l'internationale, et traduit en plus de vingt langues.
En 2014, son premier roman, Aux animaux la guerre, lui permet de changer de vie. Celui qui était journaliste pour un site d'information en ligne, et comme greffier de réunions de comités d'entreprise, se voit décerner trois prix prestigieux pour son premier roman. Aux animaux la guerre est même adapté par France 3, dans une série éponyme. L'histoire, au coeur des années 1960, s'articule autour du sort d'un ouvrier vosgien, qui, confronté aux difficultés de son entreprise, perd la raison et entre en contact avec des délinquants qui l'exhortent à séquestrer une prostituée.
Plus récemment, en 2022, son troisième ouvrage, Connemara, rencontre là-encore le succès. Toujours articulé autour de la désindustrialisation vosgienne, l'auteur fait l'éloge de deux quadragénaires issus d'un même village du nord-est de la France, qui se souviennent avec nostalgie et mélancolie de leur adolescence dans les années 1990. Mais si sa vie est aujourd'hui faite de succès, Nicolas Mathieu n'a pas pris la grosse tête pour autant. L'auteur de 46 ans, qui tient plus que tout à se rappeler de ses racines, continue d'écrire sur ces dernières, qui l'inspirent toujours.
Dans un portrait accordé à France Culture pour sa Masterclasse, enregistré en avril dernier et mis en ligne le mois dernier, Nicolas Mathieu revient avec pudeur et sincérité sur les années de galère qu'il a traversées, et qui l'ont forgé : "Monter à Paris, c'est beau, mais t'as pas une thune, c'est pas facile", se souvient celui qui a enchaîné les désillusions professionnelles, après avoir notamment été recalé par le magazine Télé 7 Jours.
S'embourgeoiser, Nicolas Mathieu en a plus peur que jamais. S'il vit très bien, l'écrivain n'entend pas changer pour autant, et tient plus que tout à se rappeler qui il est, et d'où il vient : "Je suis hanté par l'idée que je décroche du monde réel." Ces romans, ce sont ses histoires personnelles et celles que ses proches ont vécues qui l'inspirent, et il n'entend pas changer sa façon de travailler : "Ce sont des choses que je ne choisis pas. Des sujets de préoccupation qui me hantent. Des histoires d'amour, de travail, de génération, de paysage, qui me travaillent, me prennent la tête. Et puis, à un moment, je me mets à écrire, je déroule du câble, je produis du texte. J'ai besoin de produire du texte pour que les personnages se mettent à prendre forme."
L'auteur, qui vient tout juste de publier aux éditions Actes Sud toujours un recueil de poèmes baptisé Le ciel ouvert, évoque sa vie privée comme l'évoque de son côté Le Monde dans un article paru le 3 août. "A tous les lecteurs de magazines people inquiets de le voir fréquenter de plus belles sphères", écrit le quotidien avant de citer la réponse de Nicolas Mathieu formulée avec "ce qu'il faut d'humour et de discrétion" : "Une histoire d'amour, c'est pas un transfert d'équipe de foot : vous ne changez pas de maillot, de salaire et de convictions du jour au lendemain." En mars dernier, face à Mouloud Achour pour son émission Clique sur Canal +, Nicolas Mathieu assurait que toutes les histoires d'amour "sont vouées à mal finir." Parlait-il alors en connaissance de cause ?