Sur 300 pages, Berretta permet de comprendre comment fonctionne le pouvoir quand il se mêle des médias. Le Point en publie logiquement les meilleures pages dans son numéro sorti hier. Une anecdote a particulièrement retenu notre attention : la venue de Nicolas Sarkozy dans les locaux de France Télévisions le 30 juin 2008. Extraits :
"En sortant la tête de la voiture, Nicolas Sarkozy est accueilli sur les marches par une vingtaine de manifestants, brandissant une banderole "Plus belle la vie sans Sarkozy", référence ironique au titre du feuilleton de France 3. Pas de quoi fouetter un chat... En amont, Carolis a négocié, dans la matinée, avec les personnels afin d'éviter, croit-il, les manifestations d'hostilité."
Le président est de mauvaise humeur et le fait savoir à Patrick de Carolis, président de France Télévisions, venu l'accueillir devant sa voiture en lui ouvrant la portière. Dérangé par ces quelques manifestants, Sarkozy lance : "C'est scandaleux, cette maison n'est pas tenue, je ne sais pas pourquoi je reste, je ferais mieux de partir." Carolis aurait alors répondu, sans que personne (pas même le président ?), semble-t-il, n'entende sa réponse : "Avec le bordel que tu m'as foutu, je ne tiens pas si mal la maison."
Après cette entrée en matière déjà musclée, les choses se corsent à l'intérieur du salon privé des invités de France 3. En plus de sa garde rapprochée (Guéant, Louvrier), Sarkozy est venu avec sa maquilleuse personnelle. Enfermés dans un salon privé, Sarkozy et Carolis s'affrontent verbalement en présence de Guéant. Selon Berretta, Carolis "en a plus qu'assez d'essuyer les critiques injustes du président sur ses programmes." Il se défend avec véhémence. Nicolas Sarkozy décide de partir, il est retenu quand Carolis lui lance : "Si tu t'en vas, je m'en vais avec toi."
Mais en dehors du salon, c'est un autre drame qui se joue. Les T-shirts "Plus belle la vie sans Sarkozy" des syndicalistes refont leur apparition. Carolis intervient miraculeusement pour les faire disparaître avant que Sarkozy ne les voie. Après la séance de maquillage, le président se rend sur le plateau et son interview par Audrey Pulvar, Gérard Leclerc et Véronique Auger commence.
Emmanuel Berretta raconte alors l'absurdité de la scène : "Mais voilà que surgit un nouveau danger : d'autres syndicalistes, venus du foyer (l'étage au dessus des plateaux), tentent d'envahir le studio ! Ni une ni deux, la porte qui relie le foyer aux sous-sols est bloquée (...) Sept ou huit malabars bloquent la porte tandis que, de l'autre côté, une poignée de syndicalistes jusqu'au-boutistes se sont saisis d'un bélier et tentent de l'enfoncer."
La porte n'aura pas cédé, mais il faudra tout de même changer le verrou. Pour Berretta, on a échappé au "crime de lèse-majesté le plus piquant de la Ve république : l'interruption de l'interview présidentielle par envahissement du plateau."
On peine à imaginer dans quel état de nerfs aurait été le président...
Et pendant ce temps, Carla s'affiche sur une carte bleue, et fume à l'Elysée.
Le hold-up de Sarkozy, d'Emmanuel Berretta, (Fayard, 308 pages, 19,90 €), un livre épatant qu'il faut absolument acheter !