"N'hésitez pas à demander n'importe quoi." Orelsan, en costume de Raelsan, a été servi. Il voulait une vidéo de voeux participative, il l'a eue. Le regard perforant, le flegme sagace, un calme inspiré façon Jean-Marie Cavada et une voix tranquille calquée sur un lancement de Radio Classique, le tout dédié à feue Macha Béranger, dans un studio à l'ambiance vaguement préhistorique de TSF mêlée d'une touche de high-tech et de sci-fi : le rappeur a soigné le décor pour le passage "avec brio" à 2012. Bonne idée.
Et, à propos de Radio Classique, il a également soigné le décor sonore, se livrant à une séance de questions-réponses saugrenues sur l'instru de son Chant des Sirènes, avant d'expédier des voeux rappés et truffés de punchlines dévastatrices... sur un prélude de Rachmaninov - l'ample prélude en do dièse mineur (Op. 3, n°2). Une bande-son jouée sur un Steinway (so chic) par son complice Marek Tomaszewski, énigmatique derrière son masque vénitien. Un petit quelque chose d'Eyes Wide Shut, mais... "que des hommes célibataires en ce soir de Saint-Sylvestre", constate Raelsan.
Presque simultanément au dévoilement d'un clip accompagnant La Terre est ronde, extrait de son album acéré Le Chant des Sirènes, nous entraînant dans les coulisses de sa tournée - à quelques jours de sa reprise et à quelques mois de sa venue à l'Olympia -, Orelsan/Raelsan s'est mué en maître de cérémonie d'une étrange libre antenne vespérale, où, à question bête, réponse bête... ou pas. Avec humour, avec facétie même, avec esprit aussi, Orelsan gère sur tous les terrains. Prosaïque quand il s'agit de donner l'heure au Yucatan ou de dire s'il aime le poulet, lyrique quand on l'interroge sur l'espace ("La vie dans l'espace c'est comme l'adolescence, c'est long et plein de solitude")...
Une séquence dont le credo était tout simplement de bichonner ses fans : "Comme cette année fut riche en émotions pour moi et comme c'est en partie grâce à vous, j'ai décidé de répondre à toutes vos questions." Une attention qui fait écho à cette digression qu'il faisait dans le morceau Raelsan : "J'oublie trop souvent de remercier les gens qui m'ont soutenu." "J'ai de l'amour pour ma bande et mes initiés", "ceux qui s'appellent fans je les appelle mes partenaires, mes armes de guerre", témoigne là le rappeur normand.
Ce n'est sans doute pas le seul clin d'oeil de ces cinq minutes intenses : quand Orelsan dit santé, on pense "lève ton verre" (Raelsan), quand un coup de feu achève le clip, on pense à Suicide Social et on se délecte de la ligne "J'écris ma poésie au lance-roquette, John Rimbaud". C'est signé. Merci d'avoir fait l'émission.
G.J.