Si la juge Thokozile Masipa n'a pas encore rendu son verdict définitif dans l'affaire Oscar Pistorius, l'athlète sait au moins qu'il ne sera pas condamné à perpétuité après avoir tué sa compagne Reeva Steenkamp. La juge a en effet écarté les accusations de meurtre et de meurtre avec préméditation.
Polémique
Une décision qui n'a pas manqué de susciter la critique dans le monde judiciaire sud-africain. "Je suis choqué. Je pense que la juge va s'attirer pas mal de critiques de la magistrature et du monde judiciaire", a déclaré à l'AFP le pénaliste Martin Hood, avocat de Johannesburg, qui voit dans ce jugement un message négatif dans le combat contre la violence faite aux femmes. "Le sentiment général, c'est que [la juge] a fait une erreur", ajoute-t-il.
Audrey Berndt, du barreau de Johannesburg, se montre plus mesurée après l'énoncé partiel du verdict : "Masipa est une juge connue, très respectée. Si vous regardez ses jugements antérieurs, elle est très dure, mais aussi très honnête. Tout le monde s'attendait à un verdict de meurtre, mais après avoir entendu son raisonnement, je comprends mieux la décision." Et l'avocate d'expliquer à l'AFP : "En Afrique du Sud, pour condamner pour meurtre, il faut prouver l'intention de tuer, au-delà du doute raisonnable. Et là, il y a des doutes. Tout tourne autour de ce qui se passe dans la tête de Pistorius au moment des faits, et ça, c'est très difficile à prouver." D'autant plus que le manque de preuves irréfutables a largement bénéficié à Oscar Pistorius.
Cependant, pour James Grant, professeur de droit pénal à l'université Wits de Johannesburg, difficile d'imaginer que l'athlète n'ait pas eu conscience de ce qu'il allait faire au moment de tirer plusieurs balles à travers la porte des toilettes, derrière laquelle il pensait qu'un cambrioleur était réfugié : "Comment pouvez-vous tirer volontairement quatre balles dans la porte d'un cabinet de toilette et ne pas imaginer la possibilité de tuer quelqu'un à l'intérieur ?"
"Au minimum, elle doit le condamner pour homicide involontaire", reprend Martin Hood. Et au vu de la lecture de son verdict, la juge semble s'orienter dans cette direction, évoquant "une décision [prise] en toute conscience" par Oscar Pistorius au moment de se saisir de son arme et de tirer.
Mauvais message contre la violence faite aux femmes
Au-delà de la condamnation d'Oscar Pistorius, c'est le message renvoyé par ce verdict qui soulève des commentaires critiques. "Si quelqu'un peut tirer de façon irresponsable, même par négligence, et ne pas se voir appliquer la loi dans toute sa rigueur, alors ça signifie que nous sommes incapables d'utiliser la loi comme un outil pour lutter contre la violence dans ce pays", analyse froidement Martin Hood. Et le pénaliste de prévenir : "Ca pourrait vraiment ouvrir la porte à des abus systématiques de notre système judiciaire par des gens qui abattraient leur conjoint et plaideraient la légitime défense."
La société sud-africaine, gangrenée par la violence quotidienne et futile, où des innocents peuvent se faire tuer pour un simple cambriolage, avait découvert peu de temps après la mort de Reeva Steenkamp que "le taux d'homicide féminin en Afrique du Sud était en 2009 cinq fois plus élevé que la moyenne mondiale". La magistrate, dans son jugement, a expliqué avoir utilisé "le test de la personne raisonnable", à savoir : que ferait une personne "raisonnable" à la place d'Oscar Pistorius dans une telle situation. Me Berndt explique à l'AFP que les critères du test ne sont pas les mêmes en Afrique du Sud que dans d'autres pays, en raison de la violence de la société : "Ici, on peut imaginer que quelqu'un croit sa vie menacée simplement parce qu'il a entendu un bruit dans la maison."
Comme Oscar Pistorius...