Lawrence d'Arabie, Le lion en hiver, Goodbye Mr Chips, Le Diable en boîte, Rosebud ou encore plus récemment une apparition dans le blockbuster Troie : la carrière de Peter O'Toole, mort à l'âge de 81 ans samedi 14 décembre à Londres des suites d'une longue maladie, est complètement folle, voire maudite. Irlandais de naissance, élevé dans le nord de l'Angleterre à Leeds, Peter O'Toole est, comme un certain Laurence Olivier, un exemple de parcours, brillant d'abord sur les planches les plus prestigieuses de Grande-Bretagne, avant de triompher à Hollywood.
C'est avec une bourse que le journaliste devenu militaire se lance dans une carrière d'acteur, intégrant l'Académie royale d'Art dramatique à Londres. Le répertoire de Shakespeare lui offrira bien des libertés qui, plus tard, se ressentiront dans son jeu, fluide, magnétique, envoûtant. Il attendra le début des années 1960 pour que le tout-Hollywood le consacre dès sa première apparition majeure. En 1962, le dickensien David Lean (Les grandes espérances, Oliver Twist) propose au shakespearien Peter O'Toole le rôle du colonel T.E. Lawrence. L'Irlandais profite alors du refus d'un certain Marlon Brando pour lancer sa carrière. En quatre heures d'un film à la dimension épique qui inspira les plus grands cinéastes de notre monde (Steven Spielberg en tête), cet homme aux yeux bleus explose aux yeux du grand public.
Il s'offre alors sa première nomination à l'Oscar du meilleur acteur, pas encore conscient qu'il reste à ce jour l'acteur le plus maudit de l'Académie (loin devant Leonardo DiCaprio). Après Lawrence d'Arabie, Becket (1964), Le lion en hiver (1968), Goodbye Mr Chips (1969), Dieu et mon droit (1972), Le diable en boîte (1980), Où est passée mon idole (1982) et enfin Venus (2007)... autant de nominations que d'échecs. Une histoire de malchance que l'Académie préférera taire lorsqu'en 2003 le légendaire O'Toole remporte un Oscar d'honneur. On n'efface ni ne sublime l'histoire de la sorte...
Rien n'effraye cet homme qui naquit un 2 août 1932 dans le Connemara. Pas même le fait de passer de la comédie Quoi de neuf, Pussycat (sur un scénario du futur grand Woody Allen, avec Peter Sellers et Romy Schneider) au musical L'homme de la Mancha face à Sophia Loren, en passant par une sulfureuse composition de l'empereur Tibère dans le péplum érotique de Tinto Brass, Caligula. Enchaînant gros fours et succès grand public, dans des superproductions comme sur les planches, Peter O'Toole est de cette trempe d'acteur qui fuient l'ambition aveugle pour préférer des projets plus osés qui n'entrent pas dans un plan de carrière.
Lors de ses vingt dernières années de carrière, jusqu'à sa retraite définitive à l'été 2012, Peter O'Toole est capable de jouer pour Alejandro Jodorowsky dans Le voleur d'arc-en-ciel (1990) alors qu'en 2004, il est convié dans la distribution du péplum Troie, de Wolfgang Petersen, doublé dans le film d'animation Ratatouille et incarne un roi dans Stardust, de Matthew Vaughn, ou bien croise à deux reprises Christian Duguay pour deux téléfilms canadiens, Jeanne d'Arc et Hitler : La naissance du mal, avant d'apparaître en guest dans la saison 2 des Tudors. Il achève sa carrière sur un film mexicain, Cristiada, devant Eva Longoria et Andy Garcia. On devrait prochainement admirer ses traits vieillissants dans un autre film à costumes, porté sur la sainte Katherine of Alexandria, alors qu'il était annoncé au casting de Mary, au côté de Ben Kingsley, énième drame historique, ce genre dans lequel il a excellé, au sein d'une carrière où tous les excès furent permis. Jusqu'à revenir après une sombre période d'alcoolisme... dans un rôle d'acteur alcoolique sur la voie de la rédemption dans Où est passée mon idole de Richard Benjamin.
Fan de rugby, de cricket ou de football (avec l'équipe de Sunderland), Peter O'Toole, c'est aussi une vie privée houleuse. On louera d'abord sa stabilité, avec une actrice galloise du nom de Sian Phillips, avec qui il aura deux filles, toutes deux actrices, Kate (Titanic : Blood & Steel) et Patricia. Ils divorceront en 1979, Sian Phillips étant exténuée par les combats menés contre les maux de son mari, entre cet amour pour la boisson, les conséquences du diabète (une opération du pancréas et d'une partie de l'estomac), et cette mort frôlée avec une maladie sanguine en 1978. En 1983, son premier fils et troisième enfant Lorcan Patrick O'Toole naît d'une relation hors mariage avec le mannequin Karen Brown.
C.R.