Tandis que son fils le prince Harry en a fini avec son détachement en Australie et sa visite en Nouvelle-Zélande, et a pu enfin rencontrer sa nièce la princesse Charlotte de Cambridge, c'est sous des latitudes moins exotiques que le prince Charles était en mission en cette deuxième moitié du mois de mai : l'héritier du trône et son épouse Camilla Parker Bowles, serviteurs infatigables de la couronne et voyageurs d'autant plus sollicités à mesure que la reine Elizabeth II, 90 ans en 2016, réduit ses déplacements, étaient en visite officielle en Irlande et en Irlande du Nord.
Mardi 19 mai, Charles et Camilla, qui ont célébré en avril leurs 10 ans de mariage et ont déjà plusieurs voyages d'agrément en Irlande à leur actif, entamaient leur toute première visite officielle conjointe en Irlande, désireux - dans le sillage de la visite de la souveraine en 2011 et celle du président irlandais en 2014 - de promouvoir le thème de la réconciliation autour des valeurs d'héritage, de communauté, de conservation et d'innovation. C'est d'ailleurs à l'occasion d'une exposition consacrée aux traditions locales, à la National University of Ireland Galway, que le prince de Galles et sa moitié effectuaient leur première étape. Le fils de la reine avait consenti à y rencontrer le président du parti républicain Sinn Féin, Gerry Adams, avec lequel il a évoqué les souffrances endurées pendant 40 ans par la population irlandaise. Leur poignée de main et leur entretien de quinze minutes a été abondamment couvert par la presse et commenté. Face à l'empathie du prince Charles, le leader républicain a salué "une étape symbolique et concrète dans le processus de guérison et de réconciliation", signalant que "c'était quelque chose d'important qu'il voulait faire et quelque chose d'important [pour eux]". Une démarche prolongée le lendemain par la visite du roi d'Angleterre en puissance dans le comté de Sligo, et plus particulièrement à Mullaghmore, là où son grand-oncle le comte Mountbatten fut tué en 1979 par une bombe de l'IRA provisoire.
La journée du 20 mai avait commencé dans la culture et la poésie, avec la découverte d'une collection artistique et un événement en l'honneur du 150e anniversaire de la naissance du poète W.B. Yeats, puis la visite d'un institut technologique, animée par une rencontre avec des archéologistes. Après quoi, le prince Charles et Camilla étaient attendus à Lissadell House : ils y ont retrouvé Timothy Knatchbull, qui avait 14 ans, en août 1979, lorsque son frère jumeau Nicholas et son grand-père Lord Louis Mountbatten périrent à bord du Shadow V. Lui-même se trouvait à bord du bateau lors de cette partie de pêche qui avait viré au cauchemar, blessé dans l'exposion d'une bombe de l'IRA provisoire qui fut également fatale à la baronne douairière Brabourne et à Paul Maxwell, jeune employé sur le bateau.
Charles et ce grand-père qu'il n'a jamais eu : une "douleur insurmontable"
Le prince Charles et Timothy Knatchbull ont inauguré ensemble une plaque à la mémoire de Lord Mountbatten, avant d'assister à un service religieux de paix et de réconciliation à l'église St Columba, à Drumcliffe, puis de se rendre au château Classiebawn, ancienne propriété des Mountbatten. S'exprimant sur les lieux du drames au sujet de la disparition de "ce grand-père qu'il n'a jamais eu", le prince Charles, dont le fils William et le petit-fils George ont tous deux reçu le prénom de Louis, mais aussi de son filleul Nicholas Knatchbull, a eu des mots très émouvants : "A l'époque, je ne pouvais pas concevoir que nous puissions surmonter la douleur d'une telle perte, étant donné que, pour moi, Lord Mountbatten représentait le grand-père que je n'avais jamais eu. Alors c'était comme si les fondements de tout ce que nous avions de précieux dans la vie avaient été irrémédiablement démolis", a-t-il admis, avec une touchante sincérité. Puis, citant Yeats en écho au processus de paix qui a depuis fait son chemin, le grand-père qu'il est devenu poursuivait : "Etant à présent grand-père moi-même, je prie pour que les mots de Yeats puissent réconforter tous ceux qui ont été tellement meurtris et abîmés par les troubles du passé, de sorte que nous tous qui vivons sur ces îles atlantiques puissions laisser en héritage à nos petits-enfants une paix, un pardon et une amitié durables."
Au cours de cette visite marquée par des rencontres avec des personnes ayant été endeuillées par la guerre civile, l'héritier du trône a notamment rencontré la mère de Paul Maxwell, qui a jugé, auprès de la BBC, que sa venue était "une main tendue pour le pardon" : "Je crois que c'est un geste pour l'avenir, il tend la main de l'amitié et du pardon, et je pense que c'est très important. Chaque petit pas compte", a-t-elle ainsi déclaré.
Le prince de Galles et le duchesse de Cornouailles ont ensuite enchaîné avec deux jours de visite officielle en Irlande du Nord, accueillis en premier lieu à l'église St Patrick de Belfast pour une courte messe et une rencontre avec des paroissiens. Charles a ensuite eu le plaisir de constater les rénovations d'une école historique devenue centre communautaire grâce en partie à son association The Prince's Regeneration Trust, tandis que la duchesse Camilla participait de son côté à un atelier cuisine.
Vendredi 22 mai, au dernier jour de leur périple, ils célébraient dans le comté de Down l'inauguration après travaux de Mount Stewart House, propriété du National Trust restaurée pour près de 10 millions d'euros et occupée par une lointaine cousine de la duchesse. Celle-ci a d'ailleur pu y observer une collection de portraits de ses ancêtres, avant de gagner Corrymeela, dans le comté d'Antrim, pour une ultime escale sur le chemin de la pacification.