La Vieille Eglise de Delft, samedi 2 novembre 2013, ne vibrait plus de joie et de promesses d'avenir, pour la famille royale néerlandaise. Dix ans après avoir été le théâtre du mariage d'amour du prince Friso d'Orange-Nassau, fils de la princesse Beatrix des Pays-Bas alors reine, et de Mabel Wisse-Smit, elle a vu revenir la princesse Mabel sans Friso, tragiquement décédé le 12 août dernier au palais Huis ten Bosch, pour un ultime adieu terrible...
Friso aurait eu 45 ans le 25 septembre dernier. Homme d'esprit et de joie de vivre, qui a succombé après un an et demi de coma dans lequel il était tombé en février 2012 après avoir été enseveli sous une avalanche dans les Alpes autrichiennes (où ce skieur émérite était comme chaque année en vacances en famille), le vide qu'il laisse est incommensurable pour les siens. Le 16 août dernier, ceux-ci se rassemblaient, Beatrix, Mabel et ses filles les comtesses Luana et Zaria en tête, pour un adieu déchirant : à Lage Vuursche, hameau où se trouve le château Drakensteyn qui fut le décor d'enfance des trois fils de la princesse Beatrix, les obsèques ont été célébrées dans la plus stricte intimité, la famille n'autorisant les médias qu'aux abords de l'enceinte de la petite église et du cimetière jouxtant la propriété de la Maison royale. Annoncé sine die peu après la mort du prince Friso, l'hommage cérémoniel que prévoyait de lui rendre la famille royale avait été programmé en septembre pour le 2 novembre. Une célébration officielle du défunt à laquelle près de 900 invités ont pris part entre 14h30 et 16h30, mais fermée au public.
La princesse Mabel en deuil, ses filles et sa "manche blanche", symbole poignant confectionné par ses amis Viktor & Rolf
A peu de choses près, le cortège endeuillé ressemblait à celui qui avait pleuré le regretté Friso le 16 août. Vêtues de noir à nouveau, la princesse Beatrix et la princesse Mabel, qui ont perdu un fils et un époux, ouvraient la voie, le visage éteint. Symboliquement, Mabel portait sur sa sobre robe noire une manche blanche confectionnée à partir de sa robe de mariée qu'avaient créée ses amis les designers Viktor & Rolf, présents lors de la cérémonie. Comme lors des funérailles, éclairées par leur allure de petites colombes lumineuses, la lueur d'espoir de jours meilleurs jaillissait des jeunes comtesses Luana, 8 ans, et Zaria, 7 ans, un bras dans le plâtre : définitivement orphelines de leur papa, dont elle sont privées depuis longtemps déjà, les fillettes, cette fois habillées de tailleur et gilet gris sur des collants blancs, étaient les seules à laisser entrevoir quelques sourires. Le roi Willem-Alexander des Pays-Bas, qui a eu la douleur d'enterrer son frère cadet à peine son règne instauré, la reine Maxima, les lèvres aussi serrées en ce jour grave qu'elles s'ouvrent d'ordinaire en de larges sourires, ou encore le prince Constantijn, troisième de la fratrie, et sa femme la princesse Laurentien, suivaient sombrement...
Têtes couronnées, "anciens" célèbres, rockstar internationale : 900 personnes unies dans le chagrin
La princesse Margriet et son époux Pieter van Vollenhoven, le prince Maurits et la princesse Marilène, le prince Pieter Christiaan et la princesse Anita, le prince Floris et la princesse Aimée, de même que la princesse Irene, son fils le prince Carlos de Bourbon-Parme (tout récent papa d'une deuxième fille), ses fille la princesse Maria Carolina avec son mari Albert Brenninkmeijer et la princesse Margarita avec son mari Tjalling ten Cate, ainsi que les jeunes mariés Jaime et Viktoria de Bourbon-Parme (Beatrix, Mabel, Luana et Zaria, demoiselle d'honneur, avaient assisté à leur mariage en début de mois), ou encore la princesse Christina des Pays-Bas et ses enfants Juliana et Bernardo Guillermo étaient tous présents. Rescapé de l'avalanche fatale à Friso, son ami Florian Moosbrugger, propriétaire de l'hôtel où la famille royale passe ses vacances d'hiver à Lech am Arlsberg et qui skiait avec lui lors du drame, se joignait à eux.
Quelques personnalités publiques ont attiré l'attention, à l'image du chanteur de U2, Bono, accompagné de son épouse Ali Hewson, et qui a pu croiser l'ancienne présidente irlandaise Mary Robinson. L'ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan et l'archevêque sud-africain Desmond Tutu, ami intime de la princesse Mabel qui s'était fait l'écho à l'automne dernier d'un bref réveil du prince Friso ont pris part à l'hommage, en raison de leurs liens d'amitié très forts avec la veuve, tout comme d'autres membres ou ex-membres du groupe international The Elders ("Les Anciens"), un think tank fondé notamment par Nelson Mandela et dont la princesse Mabel occupait la présidence, jusqu'à sa décision de démissionner en 2012 suite à l'accident de Friso.
Représentant le roi Harald V de Norvège, qui était le parrain du fils de Beatrix, le prince héritier Haakon de Norvège ainsi que sa soeur la princesse Märtha-Louise, avec son époux Ari Behn, avaient fait le déplacement, tout comme l'ancien Premier ministre de leur pays Gro Harlem Brutland. La famille royale jordanienne était également représentée, par le prince Hassan et la princesse Sarvath, venus avec leur fille la princesse Badiya.
Diplômé d'ingénierie aéronautique à l'Université de Technologie de Delft, le prince Friso, qui oeuvrait pour la compagnie nucléaire Urenco au moment de son décès, est le premier prince depuis plusieurs générations à ne pas être enterré dans la Nieuwe Kerk (Nouvelle église) de cette commune de l'agglomération de La Haye, incongruité qui a été expliquée par le fait que le défunt ne faisait plus partie de la Maison royale néerlandaise : il avait en effet abdiqué ses droits pour épouser le 24 avril 2004 Mabel Wisse Smit sans l'approbation du Parlement (le gouvernement, en accord avec le couple, ne l'avait pas sollicité en raison d'informations "incomplètes ou erronées" fournies par Mabel quant à une relation amicale passée avec un parrain de la drogue notoire). D'un point de vue un peu plus romantique, corroboré par cette fameuse "manche blanche" qu'arborait la princesse Mabel, on peut aussi supposer que la signification sentimentale de la Vieille Eglise est un argument majeur...
A la rentrée, en septembre, la famille royale avait mis des mots sur son émotion et son chagrin, dans un message public diffusé suite aux funérailles : "Le dévouement de Friso, sa loyauté et son amour comptaient énormément pour nous. Sa vivacité d'esprit, sa manière de voir les choses, son humour et sa présence pleine d'assurance mais dépourvue de prétention resteront à jamais dans notre coeur."