Les pronostics étaient en sa faveur. Vincent Lindon a bien obtenu le César du meilleur acteur, décrochant le prix au bout de six nominations. Sa performance dans La Loi du marché de Stéphane Brizé avait déjà conquis le jury du Festival de Cannes en mai dernier, sa victoire aux César était donc attendue, retirant peut-être de la magie par rapport à son moment cannois. Ce qui ne l'empêchera pas d'être toujours touchant : "Je suis extrêmement touché que vous me remettiez ce prix ce soir. J'essaie de prendre conscience de ce que c'est de vous voir d'ici. C'est la première fois." L'homme, honnête et angoissé, papa de deux enfants, est sacré au Théâtre du Châtelet.
Car avant d'être le favori et à l'image d'un certain Leonardo DiCaprio qui devrait lui aussi remporter son premier Oscar cette année, Vincent Lindon a vu le César lui échapper maintes fois.
Vincent Lindon à une soixantaine de films à son actif et c'est pour La Crise en 1993 de Coline Serreau que le comédien remporte sa première nomination aux César. Le prix lui échappera au profit de Claude Rich, le Talleyrand du film Le Souper.
Encore une fois héros d'un film ancré dans la réalité sociale, Vincent Lindon obtient sa deuxième nomination au César grâce à sa performance dans Ma petite entreprise en 2000. Mais le lanceur de couteau qu'est Daniel Auteuil dans La Fille sur le pont lui vole la vedette.
Dans ceux qui restent, il est bouleversant face à Emmanuelle Devos dans ce drame d'Anne Le Ny et remporte une nouvelle citation aux César en 2008. Mais il ne résiste pas face à l'interprétation de Mathieu Amalric en homme qui ne peut bouger que sa paupière dans Le Scaphandre et le papillon.
Considéré comme l'un des acteurs représentant le mieux la veine sociale du cinéma français, Vincent Lindon fait sensation dans Welcome de Philippe Lioret en 2010, une oeuvre qui dépasse le cadre du cinéma en questionnant sur le "délit" de solidarité. C'est le Prophète Tahar Rahim qui écrasera tout sur son passage, remportant le César du meilleur acteur mais également celui du meilleur espoir...
Quand en 2013 Vincent Lindon apprend sa nomination pour Quelques heures de printemps, réalisé par son metteur en scène fétiche, Stéphane Brizé, il sait aussi qu'il ne peut rien face à la puissance de Jean-Louis Trintignant, héros du film qui a décroché la Palme d'Or à Cannes, Amour.
Cannes, c'est là qu'il vivra en premier la joie d'être primé pour La Loi du marché en 2015. Le réalisateur Stéphane Brizé ne voyait que lui et le spectateur a du mal à imaginer un autre que lui pour jouer cet homme ordinaire, face à la violence sociale, elle aussi ordinaire, dans un supermarché. La justesse de sa prestation lui permet de toucher en plein coeur, il porte ce film qui, sans dénoncer frontalement, nous montre un quotidien à la fois proche car on le côtoie, et éloigné car on ne s'interroge pas assez sur les coulisses du milieu hostile de la grande distribution. Il y aura bien le monstre Gérard Depardieu (Valley of Love) en compétition, l'impeccable Vincent Cassel (Mon roi), l'éloquent Fabrice Luchini (L'Hermine), le rôle à contre-emploi de François Damiens (Les Cowboys) et l'outsider Antonythasan Jesuthasan (Dheepan) : Vincent Lindon a fait sa Loi.