A chacune de ses performances, on se dit que celle-ci est la meilleure. Que ce soit il y a plus de vingt ans, dans La Crise, sa première nomination aux César, ou plus récemment avec Welcome, puis La Loi du marché - prix d'interprétation à Cannes -, et aujourd'hui Les Chevaliers blancs. Dans ce drame de Joachim Lafosse (A perdre la raison), il incarne le président d'une ONG "jusqu'au-boutiste" qui, pour sauver des enfants d'un pays en guerre en Afrique, sombre dans l'ingérence occidentale, moralisatrice et aux accents colonialistes. Mais à la fin du film, impossible de décréter que ce personnage est mauvais. L'humanité, la tendresse, la fragilité et la sincérité nécessaires aux multiples facettes de ce héros, l'acteur français les distille à la perfection. S'il s'est donné sur le tournage, il joue le jeu de la promotion à fond, multipliant les interviews. Pour revenir sur son personnage, mais aussi sur des sujets de société qu'il accepte d'explorer.
Au Parisien, c'est sous la forme d'une rencontre avec des lecteurs que le comédien a fait ses confidences. Il raconte les difficultés qu'il a connues lors du tournage des Chevaliers blancs : "Nous avons passé huit semaines en vase clos dans le désert marocain, pour le tournage... On est devenus fous ! On a vécu sur place la même chose que les personnages du film : des épanchements de tendresse, des engueulades, des hurlements, des réconciliations, des groupes qui se forment, des gens qui passent d'un groupe à l'autre... Il y a même eu un soir un pétage de plombs où tout le monde est devenu zinzin, comme dans Midnight Express. C'étaient des hurlements dans le désert..."
Je ne pense pas que les politiques soient incompétents
L'artiste profite de l'interview pour tacler au passage certains "collègues" qui ont quitté le pays et son système fiscal : "Je ne comprends pas que, quand on gagne sa vie dans un pays aussi bien, de manière aussi privilégiée, on n'ait pas envie de payer pour la Poste, les pompiers, les infirmières, la police."
Dans Les Inrocks, dont il fait la couverture, les sujets sont aussi politiques et il s'exprime ainsi de nouveau sur le discrédit "posé comme un principe sur les hommes politiques" : "Je ne pense pas qu'ils soient incompétents ou qu'ils ne travaillent pas. Je crois surtout qu'ils ne savent pas dire ce qu'ils font." Il s'insurge juste avant sur le fait que la plupart "passent tellement de leur temps à s'interroger sur la façon de communiquer".
Cette position, il l'a tenue avec ferveur lors de l'émission C à Vous, le 18 janvier. Sur France 5, il n'a pas hésité à interrompre la chronique de Maxime Switek : "On peut le dire, mais le montrer comme ça en image, je trouve que c'est une peopolisation et une familiarisation... Ça donne envie de ne pas aller voter ou de ne pas voter comme il faut."
Vincent Lindon fustige également "l'ivresse narcissique" : "La tentation de tomber amoureux de soi en train de faire les choses a été décuplée", dit-il dans Les Inrocks, pointant du doigt notamment les réseaux sociaux et le besoin d'être applaudi.
L'homme en colère laisse place au papa tendre quand on lui demande, toujours dans Les Inrocks, ce qui l'a rendu heureux durant la difficile année 2015 : "C'est ma fille [Suzanne dont la mère est son ex-femme Sandrine Kiberlain] qui a réussi à rentrer dans le lycée où elle voulait aller, mon fils qui a eu son bac." Et son prix d'interprétation cannois pour La Loi du marché, qui pourrait se concrétiser en César. C'est (déjà) sa sixième nomination.
Retrouvez l'intégralité de ces interviews dans Le Parisien et Les Inrockuptibles du 20 janvier