La musique adoucit les moeurs, et le sport fédère autour de ses valeurs. Il paraît. Les Jeux de la francophonie 2013, VIIe édition (et seconde organisée sur le sol français) d'une compétition sportive et culturelle censée depuis 1989 exacerber le meilleur de la francophonie, s'est pourtant ouverte au son d'une vive polémique et s'est refermée dimanche 15 septembre sur un air de cacophonie.
Premier épisode, l'hymne d'ouverture. Choisie par le PS et défendue de manière sensée par la ministre déléguée chargée de la Francophonie Yamina Benguigui, la chanson Banlieusards met le feu aux poudres au lieu de rassembler autour de l'idéal de dépassement qui l'anime. Ferment de discorde bien malgré lui, Kery James, fine lame du rap hexagonal et exemple d'ascension sociale autant que de solidarité (arrivé à la force d'une plume engagée, il s'est signalé par son travail caritatif et associatif), se retrouve projeté au coeur d'une passe d'armes politique. Les élus UMP des Alpes-Maritimes, le député-maire de Nice Christian Estrosi (accessoirement... président du Comité national des Jeux de la francophonie) et le président du conseil général des Alpes-Maritimes Eric Ciotti, s'outragent du choix d'une chanson qu'ils jugent "scandaleuse et inappropriée, incitant à la révolution des banlieues" : "Affirmer qu'il y a deux France, alors que la France est l'hôte de 55 nations et devait montrer son unité, est une faute morale", dénonce le premier ; "Hollande et Benguigui imposent une chanson scandaleuse et inappropriée sur la révolution des banlieues aux Jeux de la francophonie", fustige le second. Lecture tronquée et à contresens d'un titre qui, en fait, appelle de ses voeux une réalité positive faite de progrès et d'élévation, et abat le cliché de l'exclusion des banlieues, notamment par l'apprentissage. "On a coupé une phrase en deux, c'est dommage", a très vite réagi, avec raison, Yamina Benguigui, rétablissant l'intégrité du texte de Kery James : "Ce que la France ne nous donne pas, on va lui prendre, je ne veux pas brûler des voitures mais en construire et en vendre." Elle était déjà, en amont, montée au créneau pour justifier et revendiquer le choix de Banlieusards, une "oeuvre citoyenne" : "Elle met en avant des valeurs comme l'éducation, le travail, l'autonomisation. [Quand Kery James] parle de révolution, c'est de révolution civique", décryptait-elle au besoin.
Déçue de cette "très mauvaise polémique", la ministre déléguée chargée de la Francophonie l'a également été du peu de soutien médiatique reçu par l'événement : "Il n'y a pas eu beaucoup de public et pas de couverture médiatique au point que les jeunes en ont été choqués. Il n'y a que la France qui ne prend pas conscience de l'importance de ces grandes manifestations", a-t-elle déploré. Un engouement médiatique qui ne s'est guère déclenché que pour parler des couacs de ces VIIe Jeux de la francophonie, faisant même de l'ombre à la victoire finale du Congo dans le tournoi de football et à la cérémonie de clôture, à laquelle a assisté le prince Albert II de Monaco (rentré d'Argentine après la 125e session du CIO), au côté de la ministre des Sports, de la Jeunesse, de l'Éducation populaire et de la Vie associative Valérie Fourneyron, de Yamina Benguigui... et de Christian Estrosi.
Organisation artisanale, résultats erronés, horaires de compétition aléatoires, confusions et erreurs en tout genre, sans parler des problèmes de visas des jeunes footballeurs du Congo-Brazzaville arrivés en cours de Jeux mais finalement victorieux ou de la trentaine d'athlètes qui se sont évanouis dans la nature ("Il y avait eu 119 défections à Ottawa" en 2001, aux derniers Jeux de la francophonie dans un "pays du Nord", a noté Yamina Benguigui) : le bilan apparaît très mitigé. Dommage pour l'esprit des Jeux de la francophonie, pour les athlètes, et pour les quelque 1 500 bénévoles qui se sont employés à les accueillir dans de bonnes conditions.