Yannick Agnel : "J'étais celui qu'on tapait pour prendre son goûter"
Publié le 15 octobre 2012 à 20:14
Par Benoit Z.
Yannick Agnel après avoir décroché la médaille d'or sur 200m nage libre aux Jeux olympiques de Londres le 29 juillet 2012 Yannick Agnel après avoir décroché la médaille d'or sur 200m nage libre aux Jeux olympiques de Londres le 29 juillet 2012© Abaca
Yannick Agnel après avoir décroché la médaille d'or sur 200m nage libre aux Jeux olympiques de Londres le 29 juillet 2012
Yannick Agnel lors du Meeting Arena à la piscine Arlette Franco du Canet-en-Roussillon le 6 juin 2012
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Cet été aux Jeux olympiques de Londres, Michael Phelps devait être LA star des olympiades version britannique. Mais si l'Américain a réussi son pari en accumulant les breloques en or, un petit jeune de 20 ans s'est immiscé dans l'emballement médiatique. Son nom, Yannick Agnel, 202 cm sous la toise pour 210 cm d'envergure. Un géant de 90 kilos et de 20 ans à peine double champion olympique et auteur de deux performances exceptionnelles qui ont littéralement marqué les esprits. Un mois après ses exploits dans la piscine olympique, Yannick Agnel a reçu L'Équipe du côté de Nice, où son double mètre enchaîne les longueurs avant la reprise de la compétition.

Une enfance solitaire

Et face à un nageur au physique hors norme, l'entretien ne pouvait tourner qu'autour de sa taille. Une taille qui l'accompagne depuis sa naissance et dont il a rapidement pris conscience, grâce... aux autres : "Quand on est grand, les autres te font rapidement savoir qu'il y a une différence. Ça se fait d'une manière très enfantine : on va te mettre à l'écart. Je l'ai mal vécu." Une situation difficile que lui font vivre les enfants de l'école qu'il fréquente vers 7-8 ans. "C'était compliqué, raconte-t-il. A l'école, j'étais tout seul. (...) Ça me pesait parce que, quand tu es enfant, c'est quand même sympa d'avoir des amis, de partager tes passions avec des gens que tu apprécies."

Bien évidemment, Yannick Agnel s'est vu affublé de nombreux surnoms comme "girafe, géant vert, tour de contrôle..." Des surnoms qui perdurent aujourd'hui encore : "Je dois l'entendre trente à quarante fois par jour. Ce n'est pas gênant parce que ça fait partie de moi. Je l'accepte. Ça me fait plus rire qu'autre chose." Car si le champion olympique semble aujourd'hui encaisser les moqueries, à l'école, ce n'était pas la même chose. Le jeune garçon intériorise. Beaucoup. "J'étais défait face au manque de tolérance des autres, explique-t-il. Mais je ne me suis jamais servi de ma taille pour tabasser les plus petits que moi. (...) Mais les surnoms et être mis à l'écart ne me dérangeaient pas autant que l'incompréhension et le fait de ne pas me sentir pareil que les autres."

Une "mante religieuse" aux pieds trop grands

S'il reconnaît volontiers avoir été le genre de garçon "qu'on tapait pour lui prendre [son goûter]" et non l'inverse, il confie également avoir été envoyé chez un psy par ses parents pour acquérir "les outils" : "J'ai pris conscience que je n'étais pas obligé de subir tout ça. Je crois qu'il m'a appris à m'insurger. A dire merde, entre guillemets." Pourtant, Yannick Agnel aurait pu se servir de sa taille, pour impressionner, s'imposer. Mais le jeune homme avance le côté un peu gauche et "mante religieuse" que lui conférait celle-ci. En y réfléchissant bien, le nageur niçois relève une anecdote... "A l'époque où mes parents se sont séparés (il avait alors 11 ans, ndlr), j'étais élève au collège Jules-Verne à Nîmes, en pleine zone urbaine prioritaire. Il fallait se faire sa place... Une fois, j'étais assis avec quelques amis. Un caïd balance une balle sur moi. Je la rebalance. Il arrive vers moi : 'Qu'est-ce qui se passe ! Y a un souci ?' A ce moment-là, je me suis levé : 'Non, y a pas de problème, pourquoi ?' Et il est parti. C'était marrant."

Autre point de détail qui semblait particulièrement gêner Yannick Agnel, ses pieds : "Je me disais 'si ça continue, je vais devoir chercher dans le sur-mesure.' Et, effectivement, c'est ce qui s'est produit. Heureusement que je me suis arrêté au 50. Après, ça aurait été encore plus ennuyeux..." Un complexe qui ne l'a pas empêché d'avoir des petites copines à l'école, dont une au lycée qui ne dépassait pas le mètre cinquante-cinq et qui, même perchée sur un banc, obligeait Yannick Agnel à se baisser pour l'embrasser.

Phobie de la foule et chutes au bowling

Aujourd'hui, Yannick Agnel s'est fait une raison quant à sa taille. Le jeune champion olympique révèle pourtant qu'il existe un endroit où sa taille est particulièrement gênante : la foule. "Je suis ochlophobe (la phobie de la foule, ndlr), explique-t-il. Je peux rapidement faire des crises, ou pas loin. J'ai des bouffées de chaleur, la tête qui tourne, le coeur qui bat à cent à l'heure... Ce ne m'est jamais arrivée dans une piscine." Mais il n'y a pas que perdu dans une foule que Yannick Agnel ressent sa taille comme un handicap : "Quand je me fracasse au bowling en balançant une boule ! Là, je tombe de haut, ça fait du bruit et c'est très comique. Quand je me cogne la tête contre l'encadrement de la porte aussi !"

Comment alors accepter sa taille quand on mesure 1,94 m à l'adolescence ? "J'ai la chance d'avoir des parents qui m'ont très bien éduqué et qui ont satisfait ma curiosité dans un maximum de domaines, avance, ému, Yannick Agnel. Je leur en serai éternellement reconnaissant. Ils m'ont toujours parlé comme à un grand et ça m'a beaucoup aidé parce que... C'est bizarre à dire mais je ne me suis jamais senti gamin. J'ai toujours eu l'impression d'être plus vieux." Même si le cycle primaire reste une période difficile de sa vie : "Mon refuge était alors la lecture, énormément, un petit peu de musique, les Pokemon avec les premières Game Boy puis la Game Boy color."

Et lorsqu'on lui demande si la natation a été une libération et une manière d'accepter sa grande taille, le jeune homme répond : "Non, le déclic s'est fait vraiment avant. En CE1, CE2. Je me suis dit : 'Honnêtement, je m'en fous.' Et au final, j'ai tourné ma taille à mon avantage, elle est un atout. Et j'en suis fier. J'ai compris que je pouvais en tirer parti, dans le sport comme ailleurs. J'étais vachement plus décomplexé."

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