Yannick Agnel est insatiable. Quelques jours après avoir glané l'or sur le relais 4x100 mètres nage libre des mondiaux de Barcelone, le prodige français a remis ça en s'imposant sur le 200 mètres. L'occasion de découvrir un nouveau Yannick Agnel, dont la naissance coïncide avec son exil américain...
Le changement, c'est gagnant
Déjà champion olympique de la distance l'été dernier à Londres sur la course phare des olympiades, Yannick Agnel a une fois de plus imposé sa technique, sa puissance et sa fluidité pour terminer loin devant ses adversaires du jour qui ne pouvaient que constater les dégâts. Pourtant, ce n'était pas gagné. Préparation tronquée, exil américain polémique et un temps lors du relais très loin de ses capacités. Mais ce mardi 30 juillet, l'ancien nageur de Nice a rapidement fait comprendre à la concurrence qu'il n'y aurait pas de place pour un autre champion. Le plus grand nageur actuel, c'est lui. Yannick Agnel, 21 ans, 202 cm et 90 kilos a impressionné tous les observateurs, et notamment Michael Phelps, légende de l'olympisme avec ses 22 médailles dont 18 en or. "Le 200 mètres gagné par Agnel est une des cinq courses les plus impressionnantes que j'ai vue de ma vie", déclarait-il l'été dernier à Londres.
Cette fois-ci, Yannick Agnel était loin de sa réserve habituelle à l'issue de la course. Exubérant et expressif comme jamais, le champion n'avait pas cette froideur affichée à Londres. Une attitude qu'il explique par les jours difficiles qui ont précédé cette course et ses temps loin des meilleurs lors des qualifications. "Quelques minutes avant la course, avec Fernando [Canales, adjoint de son entraîneur Bob Bowman, NDLR], on s'est dit qu'il fallait le prendre à la cool, avec des ondes positives, explique-t-il à L'Équipe. Hier, j'avais les lunettes sur les yeux, j'étais sérieux, concentré, tendu. Là, je suis arrivé les lunettes sur le front, j'ai fait coucou à ma famille. Je suis vraiment surpris du résultat. Je me suis dit 'vas-y, commence comme à Londres [en partant très vite, NDLR] et tu verras bien comment ça va se passer'. Le dernier 50 a piqué un peu, je me suis dit 'pourvu qu'ils ne remontent pas'. Mais j'ai vraiment kiffé cette course."
Le nouveau Yannick Agnel
Une course qu'il dédie à sa grand-mère, décédée il y a quelques mois : "Je pense fort à elle et je suis sûr qu'elle me voit d'où elle est." D'où elle est, grand-mère Agnel aura pu voir son petit-fils plus expressif que jamais : "C'était vraiment très intense, et vu les trois derniers jours que j'ai passés, ce n'était vraiment pas évident. Après l'échauffement, j'étais frigorifié, je n'arrivais pas à faire un bon temps. J'ai dit à Fernando : 'Écoute je vais aller prendre le soleil plutôt'. Finalement, tout ça se passe dix fois mieux que ce que j'avais prévu. En plus, sur le podium, il y a Conor (Dwyer), mon partenaire d'entraînement. On s'était dit, on fait un et deux et après, on va s'éclater sur Paris ! Et aussi Danila (Izotov), un ami de longue date, avec qui j'ai nagé quelques longueurs il y a quelques années."
Large sourire aux lèvres, le jeune homme a même surpris sa maman : "Le voir sortir de l'eau, se mettre à genoux, ouvrir les bras, ça n'était pas notre fils. On ne l'a jamais vu comme ça. C'est le début de sa nouvelle vie. Au téléphone, il nous a dit : 'Je suis heureux' et ça, pour les parents, ça vaut tous les titres du monde !"
Transformation américaine
Yannick Agnel heureux, l'image ne manquera pas de relancer la polémique. Car si l'homme a quitté Nice et son entraîneur Fabrice Pellerin, c'est pour retrouver à Baltimore auprès du mentor de Michael Phelps, Bob Bowman, une ambiance de travail propice à l'épanouissement personnel, ce qu'il ne semblait pas, ou plus, trouver à Nice. Débarqué en juin outre-Atlantique, le jeune homme a très vite été adopté par les membres de l'équipe locale, Conor Dwyer et Kalisz Chase, qui l'ont converti à l'American way of life, entre Hummer, base-ball et ambiance étudiante. "Je l'ai trouvé heureux, calme... Il a retrouvé l'envie de tout", confiait la maman Elisabeth, venue le voir dans le Maryland le mois dernier rapporte L'Équipe. Et le champion apprécie le changement : "J'ai découvert un nouvel état d'esprit, où il est question de motivation, d'émulation, de cohésion de groupe. C'est assez bizarre quand tout le monde te gueule dessus : 'Allez ! Vas-y, jusqu'au bout !' Mais personne ne lâche." Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Yannick Agnel se plaît à Baltimore, un coin "charmant, boisé tout autour avec un côté vieille Angleterre et briques rouges".
Polémique oubliée
À tel point que les échanges houleux par presse interposée avec son ex-coach Fabrice Pellerin semblent loin derrière. "Un super point de lancement pour une nouvelle aventure, expliquait-il à l'issue de la course. Est-ce que ça va fermer le clapet de certains ? Je ne suis pas du tout dans ce genre de polémique. Hier, Fernando m'a dit un truc qui m'a touché : 'Forgive him, good vibes' ["pardonne, ondes positives", NDLR]. Je suis là pour me régaler. Je suis tellement bien dans ma peau maintenant que même avec une médaille d'argent, ça n'aurait pas été un souci."
Yannick Agnel est tellement bien, heureux d'avoir trouvé ce qui n'existait pas à Nice qu'il en vient à souhaiter du bien à son ex-coach Fabrice Pellerin, avec qui ils n'ont pas échangé le moindre mot à Barcelone : "Des ondes positives. Je souhaite qu'on puisse se serrer la main, qu'on se souhaite bonne chance pour tout ce qui va se passer par la suite. Je vais regarder Camille [Muffat] et Charlotte [Bonnet, ses anciennes coéquipières à Nice] pour leur finale du 200 mètres. Tout est cool."
Cool comme un champion de 21 ans.