L'heure de la liberté a sonné pour Dominique Strauss-Kahn, l'ancien directeur du FMI, au coeur d'un scandale depuis trois mois. Le juge américain Michael Obus a décidé d'abandonner les poursuites contre celui qui fut ministre en France ce 23 août, lors d'une audience à laquelle assistait DSK au tribunal pénal de Manhattan à New York. Il était poursuivi pour sept chefs d'accusation, dont tentative de viol, agression sexuelle et séquestration.
Le juge a donc suivi la demande du procureur Cyrus Vance, l'homme qui avait obtenu l'incarcération de DSK au mois de mai. Il a souhaité le non-lieu car il estime que Nafissatou Diallo, la femme de chambre qui accuse l'homme politique français de l'avoir contrainte à une fellation dans une chambre de l'hôtel Sofitel à New York le 14 mai, avait menti à plusieurs reprises et n'était donc plus crédible. De plus, selon le procureur, rien ne permet de prouver avec certitude que cette relation (qui a néanmoins existé) était forcée et il refusait de courir le risque de perdre un procès. DSK avait plaidé non coupable le 6 juin et ses avocats ont fait savoir que leur client était reconnaissant de cette décision. Les avocats de DSK ont déclaré à l'issue de l'audience qu'il n'y avait pas eu de rapport "forcé" entre son client et la femme de chambre, en évoquant "simplement" un éventuel comportement déplacé, "différent d'un crime". Les avocats utilisent parfois des euphémismes...
A la suite de l'abandon des charges, Dominique Strauss-Kahn, époux d'Anne Sinclair, a attendu d'être arrivé devant son domicile provisoire pour faire sa première déclaration après avoir fait publier un communiqué : "Ces derniers mois ont été un cauchemar pour ma famille et moi. Je remercie tous les amis en France et aux Etats-Unis qui ont cru en mon innocence, et les milliers de personnes qui nous ont apporté leur soutien, personnellement ou par écrit. Je suis particulièrement reconnaissant envers ma femme et ma famille qui ont traversé cette épreuve à mes côtés. Nous souhaitons également exprimer notre reconnaissance au juge Obus et à son équipe, et plus particulièrement à toutes les personnes travaillant dans ce tribunal qui ont fait tant d'efforts pour nous protéger, ma femme et moi, à chaque fois que nous sommes venus ici". Il a parlé de l'épreuve "terrible" et "injuste" qu'il dit avoir subie en ajoutant : "J'ai hâte de rentrer dans mon pays, mais j'ai encore quelques petites choses à faire avant de pouvoir partir et je m'exprimerai plus longuement quand je serai de retour en France."
La réaction de la défense de Nafissatou Diallo n'a pas tardé. Si son avocat Kenneth Thompson savait déjà depuis ce week-end l'imminence d'un abandon des charges, il n'a pas caché sa colère : "Le procureur Vance a abandonné une femme innocente et a refusé le droit à la justice dans une affaire de viol. Nous sommes déçus que le procureur n'accorde pas le même crédit à tous les justiciables. Nous allons maintenant porter ce combat sur le terrain civil." Les avocats de la jeune femme de chambre de 32 ans, souhaitent obtenir des dommages et intérêts après ce qu'ils décrivent comme une "agression sadique et violente" envers le cliente.
D'après les faits relatés par la procureur Joan Illuzi-Orbon pendant l'audience, elle a tenu à assurer que l'accusation ne prenait pas "à la légère" sa demande d'abandon des poursuites. La plaignante a vécu "une relation sexuelle épouvantable" avec Dominique Strauss-Kahn, "mais l'affaire repose entièrement sur sur son témoignage et ne peut être prouvée de manière indépendante" a-t-elle ajouté. Les procureurs ont aussi leurs euphémismes...
Toutefois, Dominique Strauss-Kahn a quitté le tribunal sans récupérer son passeport. Il a dû attendre la décision de la Cour d'appel, puisque, pendant l'audience, l'avocat de Mme Diallo, Kenneth Thompson, a fait appel de la décision du juge de refuser la nomination d'un procureur spécial en remplacement de Cyrus Vance Jr., empêchant alors DSK de récupérer immédiatement son passeport. La Cour d'appel de New York vient de rejeter l'appel et a confirmé la libération de M. Strauss-Kahn, désormais muni de son passeport.
L'affaire pénale DSK est maintenant classée aux Etats-Unis, pourtant Dominique Strauss-Kahn n'a pas apporté la preuve de son innocence... et le bât de cette affaire le blessera forcément longtemps.
La tourmente n'est pas totalement finie pour Dominique Strauss-Kahn puisqu'une autre plainte a été déposée en France avec l'ouverture d'une enquête préliminaire sur les accusations portées à son encontre par Tristane Banon.