Ben Affleck, réalisateur et acteur, a été porté au sommet le 24 février, obtenant le prix le plus prestigieux pour un long métrage aux Etats-Unis : l'Oscar du meilleur film. Son thriller politique Argo, revenant sur l'opération folle de la CIA pour sauver des Américains dans l'Iran en pleine révolution en 1979, avait déjà cumulé une foule de prix, mais cette dernière statuette est sans aucun doute l'ultime consécration. L'euphorie passée, il est désormais l'heure des polémiques et le gouvernement iranien montre sa colère quant à cet Oscar, dénonçant un choix politique.
"Ce film anti-Iran manque de valeur artistique," a dénoncé le ministre de la Culture et de la Guidance islamique, Mohammad Hosseini, cité par l'agence officielle Irna. "Il a reçu la principale récompense grâce à une campagne massive de financement et de publicité [...] destinée à attirer l'attention du monde entier."
Succès critique et public, Argo n'a pas eu les faveurs de la République islamique d'Iran, qui considère ce long métrage comme historiquement biaisé, taxant Ben Affleck de spécialiste de l'exagération. L'ayatollah Khamenei, le guide suprême de la république iranienne, a même accusé Hollywood d'être une machine "totalement politique" destinée à diffuser la propagande de Washington. Le film Argo est sans surprise interdit dans le pays, même si l'on peut se le procurer "sous le manteau".
La colère du gouvernement iranien a été accentué par le fait que la première dame des Etats-Unis, Michelle Obama, ait été choisie pour ouvrir l'enveloppe de l'Oscar du meilleur film. De quoi leur faire dire que cette 85e cérémonie a été la "plus politique de tous les temps". L'épouse de Barack Obama, qui a décerné le prix en duplex depuis Washington a également été "rhabillée" en Iran, sa robe ayant été considérée par les autorités du pays comme trop dénudée.Film dit "iranophobe" et "inexact historiquement", Argo ne devrait pas améliorer les relations toujours tendues entre les Etats-Unis et l'Iran. L'an dernier, l'état iranien pouvait se féliciter du choix du long métrage iranien Une séparation comme Oscar du meilleur film étranger, mais le scandale du film anti-islam, L'Innocence des musulmans avait provoqué l'immense colère du pays. Il prépare d'ailleurs une riposte à Argo, puisque le réalisateur persan Ataollah Salmanian est en effet en train de plancher sur la version iranienne de cette prise d'otages de 444 jours, baptisée Les Chefs d'état-major. Elle "raconte la libération de 20 otages américains par les révolutionnaires iraniens au début de la révolution", avait expliqué le réalisateur en janvier dernier.
Autre débat, celui des autres otages de l'ambassade des Etats-Unis en Iran qui n'ont pas pu, comme les quelques chanceux, réussir à s'enfuir vers l'ambassade du Canada. Ils espèrent que le film remettra leur dossier au goût du jour et que leur traumatisme pourra être apaisé par des dédommagements.