Ce jeudi 7 juin 2018, Bertrand Cantat est attendu au Zénith de Paris. Son retour sur scène à Paris s'opère dans une sale ambiance. D'autant que l'enquête sur le suicide de la mère de ses enfants, Kristina Rady, a été rouverte sur la base de nouveaux éléments. Le nouveau numéro de L'Obs, en kiosques aujourd'hui, pose la question sur sa couverture : "Cantat a-t-il le droit de chanter ?", écrit en énormes blocs blancs et roses sur une photo en noir et blanc de celui qui fut condamné pour la mort de Marie Trintignant. Pour autant, l'ancien leader de Noir Désir n'a pas que des détracteurs malgré le malaise qui s'installe partout où son nom est prononcé...
Si Bertrand Cantat chante ce soir au Zénith de Paris, c'est en raison de l'annulation par l'Olympia de sa venue les 29 et 30 mai. La première date était complète, pas le seconde. La direction craignait que des manifestants en profitent pour venir perturber le concert. Annulation, donc, en raison de "risques sérieux de trouble à l'ordre public qui empêcheront la tenue de ces deux concerts dans de bonnes conditions". L'artiste et son équipe se retranchent alors vers le Zénith, dirigé par Daniel Colling, ancien directeur du Printemps de Bourges. Ce dernier avait maintenu Orelsan dans la programmation du festival en 2009 alors que son titre Sale Pute faisait polémique et que trois ans plus tôt il chantait dans St Valentin : "Ferme ta gueule ou tu vas t'faire Marie-Trintignier."
Si, évidemment, le thème n'avait pas été les femmes...
Dans Le Parisien, Daniel Colling explique son choix : "J'aurais invité Cantat au Printemps de Bourges si j'en étais toujours le directeur et si, évidemment, le thème n'avait pas été les femmes, comme cette année. Il a payé sa peine et les gens ont payé leur place. (...) Je n'ai jamais refusé de spectacle. Orelsan me remercie encore d'avoir tenu bon en 2009 en maintenant sa présence à l'affiche de Bourges." Le directeur affirme n'avoir reçu aucune menace pour le concert de Cantat ce jeudi soir. "Quoi qu'il arrive, je serai devant la porte du Zénith pour affronter, discuter. Et répéter que, si des gens veulent venir voir Cantat, c'est leur droit."
Dans L'Obs, on revient plus longuement sur son retour idyllique quand il chantait avec Détroit en 2013 et cauchemardesque depuis qu'il avance en son nom depuis fin 2017. C'en est trop pour beaucoup, en premier lieu pour la famille de sa victime. Cantat est contraint d'annuler sa tournée des festivals puisque chacune de ses venues dans ces manifestations subventionnées fait l'objet de polémiques. Son tourneur, Thierry Langlois, confie au magazine : "On n'a pas mesuré l'ampleur de la polémique. Bertrand ? Il vit tout ça mal. La tournée est compliquée, on a annulé plusieurs dates parce qu'il ne pouvait plus chanter, physiquement. Mais je sais bien que tout ce qu'on dira sera inaudible. Bertrand a un public. Pourquoi leur interdire d'aller le voir sur scène ? Moi je me contente de l'aider à chanter."
Je sais bien que tout ce qu'on dira sera inaudible
Pour couronner le tout, le parquet de Bordeaux a rouvert l'enquête sur le suicide (en 2010) de Kristina Rady, la mère des enfants de Cantat, Alice (15 ans) et Milo (20 ans), qui sont venus plusieurs fois applaudir leur père. Me Antonin Lévy a écrit au parquet pour indiquer que son client demandait à être entendu pour mettre un terme définitif à cette affaire, dans laquelle il a déjà été innocenté. Des éléments de la dernière lettre laissée par Kristina ont été dévoilés pour la première fois. Elle ne fait qu'une seule fois référence au chanteur : "Merci aux cris incessants et aux accusations de Bertrand, dépositaire exclusif de souffrance".
Elle évoque aussi l'ex-femme d'un membre de Noir Désir : "Elle a dit trop de mal sur moi, m'a fait trop souffrir." Le témoignage de celle-ci compose l'essentiel des nouveaux éléments soumis par Yael Mellul, avocate et présidente de l'association féministe Femme et Libre, à la justice. Elle lui aurait fait part de sa "terreur" après la publication de l'enquête du Point (novembre 2017) sur l'omerta qui règne autour de la figure du chanteur au sein de Noir Désir et la manière dont il avait été protégé lors du procès à Vilnius. "On va être obligé de nier, nier, nier", aurait commenté ce témoin, "terrifiée" à l'idée que Cantat apprenne qui avait parlé à l'hebdomadaire. Les trois anciens membres du groupe ont nié être la source du Point ; quelqu'un ment, qui ?
En février 2018, Le Point révélait enfin qu'une artiste de 45 ans avait déposé une main courante contre le chanteur. "Il se fait passer pour un ami, mais en réalité il a un comportement menaçant et violent psychologiquement", avait-elle déclaré aux policiers. Selon les informations de L'Obs, "l'enquête autour de cette plainte, réelle ou opportuniste, vient d'être classée sans suite par 'défaut de comparution' de la plaignante".
Ce qui est bien réel en revanche, c'est le trouble ressenti par les auteurs du dossier de L'Obs lors d'un récent concert de Cantat : "Tout cela sonne comme une absolution, par la scène, de tout le passé. Malaise. Quand Cantat se lance dans sa chanson plaidoyer, Amor Fati [qui donne son titre à l'album paru en décembre, NDLR], et qu'il scande, sans cesse, 'Amor, Amor', on y entend : 'À mort, à mort.'" Après le Zénith, trois concerts sont encore à l'agenda de Bertrand Cantat.