Le monde du cinéma a t-il un point commun avec l'univers du sport ? Au niveau professionnel, ces deux milieux n'ont pas grand-chose en commun, sauf peut-être en Italie, où les terrains de football ressemblent parfois à une représentation de la Commedia dell'arte. On sait aussi que le cinéma brasse des sommes importantes, comme le rappelait récemment Besnehard, mais que certains sports ne sont pas en reste, le football en fait partie. Qu'il faut être narcissique pour faire soit l'un soit l'autre, tant ces métiers attirent les caméras comme autant de paparazzi s'agglutinant auprès d'une star de Beverly Hills.
Alors, pourquoi de nombreux sportifs quittent-ils leur petit confort une fois la retraite (dorée) sonnée ou la blessure déclarée pour aller tenter leur chance sur les plateaux de tournage ? Besoin de rester sous les projecteurs ? Besoin de se prouver quelque chose ? Pour mieux décrypter le phénomène, allons scruter les tunnels reliant le sport et le cinéma, à la rencontre des athlètes ayant tenté une reconversion dans le septième art.
Des rôles musclés
Avant de devenir un "petit d'Homme" perdu dans la jungle et élevé par les singes, Tarzan était un champion de natation. Anachronique me direz-vous ? Pas tout à fait. S'il a été le premier à passer sous la barre de la minute en 100m nage libre et qu'il a glané pas moins de 5 médailles d'or olympiques, Johnny Weissmüller est surtout devenu célèbre dans le monde entier pour avoir incarné Tarzan sur grands écrans entre 1932 et 1948, dans pas moins de 12 adaptations ! Son corps, sculpté par les eaux chlorées, convenait parfaitement pour le rôle, et il a véritablement prouvé une chose : les sportifs et leur exigence sont tout à fait adaptés aux rôles tout en testostérone. Les exemples ne manquent pas et la plupart sont plutôt concluants.
Arnold Schwarzenegger et Chuck Norris incarnent une certaine idée du rêve américain. Chuck est Américain, et il est spécialiste en arts martiaux. En 1968, il devient champion de karaté, remportant les trois tournois majeurs de la discipline. Mais l'année majeure, c'est 1964. Le jeune karatéka rencontre alors un jeune maître au nom encore obscur : Bruce Lee. Ce dernier le fera jouer dans la Fureur du Dragon (1972), lançant littéralement sa carrière. Il connaît le succès sur grand écran grâce à des films coups de poing tel que Invasion U.S.A, Delta Force et Portés Disparus. Sur petit écran, c'est la série Walker Texas Rangers qui lui permet de devenir intemporel avant que les facts sur son nom deviennent légendaires.
Un peu comme le fameux Arnold Schwarzenegger, qui, tout petit, veut être champion en voyant... Johnny Weissmüller inaugurer une piscine dans son Autriche natale. Il y parvient en devenant un culturiste de renom, remportant 5 titres de Mister Univers, et 7 titres de Mister Olimpa, la distinction ultime. Il rentre d'ailleurs dans le cinéma par la petite porte, auréolé de son prestige de sportif et cantonné à des rôles de musclor inintéressants. Mais en 1982, il incarne Conan le Barbare, et là, le succès est immédiat. Il est aujourd'hui une figure légendaire du cinéma hollywoodien, le visage de Terminator, Predator ou encore Freeze dans le médiocre Batman & Robin de Joel Schumacher. Il a également su se diversifier et jouer dans des comédies légères, comme le sympathique La course aux jouets. Après son expérience politique, il compte effectuer son retour dans une série.
Le monde des arts martiaux et celui du cinéma sont faits pour s'entendre. Car l'art du combat est spectaculaire, et le septième art cherche à en mettre plein la vue aux spectateurs. C'est pourquoi Jet Li se fait repérer par Hollywood, après avoir remporté 5 titres de Wushu (art martial chinois) et tourné plus de 20 films en Chine. Depuis 1998, il a notamment participé à l'Arme Fatale 4, Le baiser mortel du Dragon, Danny the Dog ou la Momie: la Tombe de l'Empereur Dragon, autant de succès (relatifs) qui l'ont consacré comme un artiste à la technique aussi parfaite qu'impressionnante.
Des "gueules" marquantes
Mais le cinéma recherche aussi des gueules, des types qu'on remarque et qui marquent, aux visages marqués qui s'encrent, indélébiles, dans les mémoires des amateurs de films. Lino Ventura est de ceux-ci. Lui aussi vient des rings. Lutteur gréco-romain, champion d'Europe des poids moyens en 1950, l'Italien se blesse gravement à la jambe droite et doit stopper sa carrière peu après. C'est tout à fait par hasard qu'il rencontre le septième art, au détour d'un ami qui lui parle de Jacques Becker et de Touchez pas au Grisbi (1954). Le réalisateur cherche un Italien pour donner la réplique à Jean Gabin, et Lino refuse, avant d'accepter ! De poids moyen en lutte, il deviendra poids lourd au cinéma, enchaînant les premiers rôles marquants et convaincants, comme dans Le Gorille vous salue bien, Les Grandes Gueules, Les Barbouzes, Les Durs ou Le clan des Siciliens. Cela en impose !
Un peu comme Michel Constantin, avec qui il a partagé l'affiche dans Les Grandes Gueules. Ancien champion de volley-ball, Michel Constantin, qui fut capitaine de l'Equipe de France, a joué dans une cinquantaine de films entre 1956 et 1974 dont Tir groupé. Comme quoi le sport mène à tout, et tout mène au cinéma. Mais il faut avouer qu'avec son physique bourru et ses yeux ténébreux, l'acteur se repère facilement et on ne l'oublie pas.
Et que dire d'André Pousse, l'ancien cycliste professionnel ? Alors que sa carrière sur les pistes n'a duré qu'une dizaine d'années, dans les années 40, il a tourné pendant près de quarante ans. S'il n'est pas une figure majeure du cinéma hexagonal, son visage est connu de tous puisqu'il apparaît dans des oeuvres telles que Le Pacha, Le clan des Siciliens ou La Septième Compagnie au clair de lune. La légende veut qu'Alain Delon, enfant, ait porté le vélo de son idole à l'arrivée d'une édition des 6 jours du Vél d'Hiv, compétition qu'André Pousse a remportée six fois !
Enfin, hors de nos frontières, on ne pouvait oublier Vinnie Jones, la célèbre gueule cassée des films de Guy Ritchie. Ancien footballeur pas tendre de Wimbledon, Sheffield et même Chelsea (!), Vinnie Jones le Gallois s'est illustré en bonne brute truande dans Arnaques, crimes et botanique et aussi dans le sympathique Snatch aux côtés de Brad Pitt. Dernière petite mention pour un sportif haut en couleur: Dennis Rodman. Triple champion NBA avec les Chicago Bulls aux côtés du légendaire Michael Jordan, héros de Space Jam, il est heureusement plus connu en tant que basketteur que pour ses rares apparitions (toujours fluorescentes) dans des films oubliables comme Double Team avec Jean-Claude Van Damme et Mickey Rourke .
La "nouvelle vague" française ?
Enfin, peut-on dire que le roi donne l'exemple ? The King des terrains, c'est Eric Cantona. Alors, quand la bête de scène des prés carrés, connu pour ses coups de génie autant que pour ses coups de sang et autres coups de gueule, a sauté le pas vers les planches, on s'est dit : pourquoi pas ? Et en effet, ce fut une réussite. Cela fait maintenant quinze bonnes années que Canto oscille entre publicités grassement payées et films au budget limité. Le foot et la publicité, c'est une grande histoire d'amour, depuis que les sponsors ont compris que la puissance marketing d'un joueur se mesurait en millions d'euros. Mais Cantona reste un précurseur puisque son premier rôle date de 1995, année où il joue Lionel dans Le bonheur est dans le pré. Depuis, il a incarné plusieurs personnages imposants, dont l'Outremangeur, l'exemple phare. En 2011, on le verra avec Isabelle Adjani dans De force signé Frank Henry.
C'est sur le tournage de l'Outremangeur qu'il rencontre sa femme actuelle Rachida Brakni qui est... ancienne championne d'athlétisme (200m) ! Depuis, cette dernière a impressionné tout le monde en remportant le César du meilleur espoir féminin en 2002 grâce à son rôle dans Chaos et en déclarant que Brad Pitt ne la branchait pas. On l'a aussi aperçue cette année dans La ligne droite. Les studios et les plateaux de tournages français sont maintenant pleins d'anciennes stars du sport en reconversion, ou tout simplement curieux.
Vincent Moscato, virulent dans ses propos envers Chabal ou Ribéry, a attendu la fin de sa carrière de rugbyman pour se diriger vers le septième art. On l'a vu dans 36 quai des Orfèvres ou dans la peau d'un lutteur dans Astérix aux Jeux Olympiques. Pas de rôle mythique, mais des apparitions tout de même pour le récent marié. Même chose pour Raphaël Poulain, jeune homme de 30 ans qui a arrêté sa carrière tôt pour se consacrer à une vie sous les projecteurs : on pouvait le juger dans C'est beau une ville la nuit de Richard Bohringer et dans Pars vite et reviens tard...et on espère le revoir prochainement.
Aujourd'hui, de nombreux footballeurs, auréolés d'un prestige qui dépasse parfois l'entendement, permettent à un film de vendre sur leurs noms. Joue-la comme Beckham a bien compris le truc, et le beau Spice Boy bientôt papa d'une petite fille apparaît à la fin du scénario. Dans les films Goal, trois volets sur l'itinéraire d'un prodige du ballon rond, David Beckham encore, mais aussi Zinedine Zidane, raillé pour son amour pour l'argent, ou le retraité Ronaldo apparaissent et donnent du cachet à l'oeuvre. Michaël Youn l'a compris en appelant Djibril Cissé à lui tirer dessus à boulets rouges (Les 10 Commandements). Le film Le Boulet aussi en faisant apparaître l'espace d'un instant Nicolas Anelka près de Gérard Lanvin. Puissants aimants, les footballeurs attirent dans les salles obscures. Attention à l'overdose !
Car même dans le petit monde du cinéma, quand un film est (trop) dopé aux noms retentissants mais dénués de talent, il a tendance à déplaire aux spectateurs !
Clément Razgallah