La vérité sur l'attentat de Charlie Hebdo sera-t-elle un jour révélée ? C'est ce qu'espère Valérie M., la compagne de Charb, le dessinateur et patron du journal satirique, qui ne comprend toutefois pas pourquoi certains éléments troublants ne sont pas pris en compte par les enquêteurs. À l'image de Maryse Wolinski, la veuve de George Wolinski, lui aussi abattu par les frères Kouachi ce terrible jour du 7 janvier, Valérie M. se pose des questions.
Je veux connaître la vérité.
"Je n'ai aucune envie de m'exposer. Mais je veux connaître la vérité", lâche en préambule Valérie M. dans les colonnes du Parisien. Officiellement, elle est la seule compagne de Charb, avec qui elle était en couple depuis quatre ans, reconnue par les enquêteurs. Mais très vite, elle met les choses au point concernant cette relation, alors que Jeannette Bougrab s'est elle aussi présentée comme la compagne du dessinateur de Charlie Hebdo.
Leur rencontre remonte à 2005, mais c'est en 2010 que la relation entre les deux devient sérieuse. "Il faut comprendre que Charb rejetait l'idée même d'une relation sérieuse et se voyait comme un éternel célibataire. Notre histoire, comme celles qu'il a pu avoir avec d'autres femmes, n'avait donc rien d'exclusive", explique Valérie M.
Ceci étant dit, c'est bien à ses côtés que se réveille Charb ce matin du 7 janvier. "Nous étions ensemble l'avant-veille, la veille et le matin du drame", précise-t-elle. Elle révèle également que Charb "se passait souvent de ses gardes du corps", qu'il les prévenait moins de ses déplacements et avait fait une demande de port d'arme, la présence policière commençant à lui peser. Puis elle revient sur le matin de l'attentat, dans le détail : "Nous avons passé la nuit chez lui, dans le quartier Montorgueil. Après le réveil, Charb est parti chercher des croissants à la boulangerie. En revenant, il avait l'air soucieux : il m'a raconté avoir repéré en bas de son immeuble une voiture noire aux vitres teintées, de marque Peugeot ou Renault, je ne me rappelle plus précisément. Il n'était pas du genre à s'inquiéter pour rien, mais là, ça le perturbait."
Aujourd'hui, Valérie M. se demande à qui pouvait appartenir cette voiture, et qui se trouvait dedans. "J'ai parlé de cet épisode aux policiers qui m'ont entendue, et j'ai écrit à la juge chargée du dossier", dit-elle. Sans retour. Idem pour le cambriolage qui a eu lieu dans l'appartement du dessinateur le samedi qui avait suivi le drame. Des dessins et son ordinateur portable avaient disparu. Là aussi, Valérie M. s'interroge : "Un tel cambriolage, chez un défunt, quelques jours après le drame, ne mérite-t-il pas une enquête approfondie ?"
Ces éléments troublants pourraient-ils être liés à la quête de Charb de fonds pour renflouer les caisses de Charlie Hebdo, à qui il manquait près de 200 000 euros pour ne pas mettre la clé sous la porte ? Discrètement, selon Valérie M., il se lance à la recherche de donateurs, dont "des hommes d'affaires, notamment du Proche-Orient, avec qui il passait des soirées". Et d'ajouter : "Il n'a jamais voulu me dire qui était l'intermédiaire qui lui permettait de rencontrer ces personnes." Charb fait "du charme" à des gens "capables de lâcher 100 000 euros comme on en dépense 10", confie-t-elle encore. Jusqu'à ce vendredi 6 janvier, veille de l'attentat, où il lui assure avoir trouvé l'argent... "Je lui ai demandé comment, il m'a répondu : 'Mes soirées où je faisais du charme à des riches dignitaires, eh bien ça a fini par payer !'" Elle n'en saura pas plus et ne cherchera pas à en savoir plus.
Valérie M. trouve tout de même la "coïncidence troublante" et une fois de plus, se pose des questions : "Qui a payé ? Où se trouve cette somme et comment a-t-elle été réglée ?" Si Patrick Pelloux, l'urgentiste qui a quitté Charlie Hebdo confirme qu'il manquait 200 000 euros à Charlie Hebdo et que Charb rencontrait du monde, il avoue ne pas savoir qui étaient ces personnes. Pour un membre du journal qui a souhaité garder l'anonymat, l'idée semble toutefois inconcevable : "Je n'y crois pas du tout, c'est n'importe quoi. Je vois mal un de ces riches hommes d'affaires mettre de l'argent dans une entreprise sans en attendre le moindre retour sur investissement." D'autant que les status du journal ne le permettent pas...
"J'ai le sentiment que la vérité sur l'attentat de Charlie Hebdo est encore loin, et je veux faire tout mon possible pour qu'elle éclate", conclue Valérie M., pour qui "on ne peut se contenter de la seule thèse du terrorisme islamiste".
Un entretien avec Valérie M. à retrouver dans son intégralité dans les colonnes du Parisien du 18 octobre 2015