Sa douce voix proche parfois du chuchotement laisserait croire qu'elle est timide, ou encore fragile. Charlotte Gainsbourg dément et précise : "Du malaise... Ça, du malaise, j'en ai bien sûr." L'actrice et chanteuse a choisi l'édition française de Vanity Fair pour se livrer et poser avec classe, se dévoiler en petite tenue mais toujours glamour et faire de multiples confidences intimes sur son vécu, ses épreuves, sa carrière. Une femme qui brise la glace.
Elle ne se veut pas fragile mais ambitieuse. Pas dingue, mais fière. Charlotte Gainsbourg possède une personnalité complexe qu'il faut lire à travers le prisme de son existence de fille d'icônes (Jane Birkin et Serge Gainsbourg), ses choix de films audacieux (entre Prête-moi ta main et Antichrist), et son couple de plus de vingt ans avec Yvan Attal, qui lui a donné trois enfants, Ben, Alice et Joe. "Moi, je suis une mère lunatique, malgré mon côté strict, livre-t-elle à propos de ses petits. Je me réveille la veille des devoirs. Je réalise que la cohérence, c'est quand même très rassurant pour les enfants."
Mort subite
Elle parle longuement de son père Serge Gainsbourg, se souvenant du clip provocant de Lemon Incest et du tournage de Charlotte for Ever : "Et lui, tel que je le connaissais dans la vie, ne correspondait pas à ce que je découvrais sur un tournage, sur un plateau. Il n'était plus le même. [...] Mon père avait plusieurs facettes et je le connaissais, mais devoir au quotidien faire cela et être moi-même dans cette spirale, c'était dur à vivre." Viendra la disparition, subite, en 1991 : "J'avais 19 ans quand mon père est mort. Je pensais que je ne m'en remettrais pas. [...] J'ai fait comme s'il était encore là. [...] Pendant des années, j'étais une loque. Yvan m'a récupérée très peu de temps après et il a eu la patience d'attendre, je ne sais pas... dix ans... que, petit à petit, j'émerge. Il y avait aussi une complaisance dans le malheur."
Yvan Attal et le mariage
Des confidences bouleversantes qu'elle poursuit en abordant le sujet de sa relation avec son compagnon : "Avec Yvan, j'ai l'impression que nous nous sommes connus adolescents. Avec lui, comme je venais de vivre un gros choc, je revivais l'enfance que j'avais perdue. Et je vivais pour la première fois une histoire d'amour dont je profitais. J'avais connu une autre histoire douloureuse, donc c'était la première fois que j'avais une vie amoureuse, adolescente, insouciante et épanouie."
On la connaît pudique, mais Charlotte évoque tout de même le mariage, après la demande surprise étonnante qui lui a faite l'acteur-réalisateur au moment de recevoir les insignes de Chevalier de l'Ordre national du mérite le 19 juin à Paris : "On va sans doute le faire. J'ai été hyper touchée... Ça fait vingt-deux ans qu'on n'en parle pas vraiment. On est plutôt contre le mariage tous les deux. Ce n'était pas un sujet d'actualité. Ensuite, on s'est dit que c'était sans doute trop tard. Et là, l'idée que lui l'envisage, c'est ce qui m'a convaincue. Enfin, ça me fait plaisir que ce soit son idée. Moi, je suis superstitieuse : je me dis qu'on a tenu vingt-deux ans sans être mariés, j'ai très peur de ce que l'on provoque."
Vanity Fair note que Charlotte Gainsbourg ne cesse de se dévaloriser. La chanson ? Elle ne pensait pas avoir de talent quelconque. Actrice ? Elle ne se considère pas comme telle, malgré des César et un prix d'interprétation à Cannes, estimant qu'elle n'a jamais eu la vocation de devenir comédienne : "Ce sont des hasards. De très heureux hasards."
"Nymphomaniac" et "colonelle"
Elle veut s'affranchir des cases dans lesquelles on pourrait la mettre et c'est tant mieux. C'est ce qui lui permet de tout oser, comme de jouer une nouvelle fois pour Lars von Trier dans Nymphomaniac : "J'ai eu une révélation avec Lars von Trier. [...] Il ne prend pas de pincettes pour dire quand ça ne va pas." Mais dans Antichrist, il y a deux choses qu'elle a refusé de faire : "Je vais utiliser des mots un peu crus, mais il fallait branler un homme qui n'était pas Willem Dafoe, une doublure, un acteur porno, et puis il fallait que je sois dans le même plan que cet acteur qui se branlait lui-même. Là, ça allait un peu trop loin."
Après qu'elle s'est mise à nu au sens propre comme au figuré dans Nymphomaniac qui raconte la vie sexuelle d'une femme de 2 à 50 ans, on la verra dans le prochain d'Olivier Nakache et Eric Toledano avec l'Intouchable Omar Sy, un long métrage d'Asia Argento et un autre de Wim Wenders. Ce n'est pas tout, elle fait partie de la distribution de deux films alléchants. Dans Jacky au Royaume des filles, réalisé par Riad Sattouf (Les Beaux Gosses), d'abord, elle jouera une "Colonelle", dans une contexte très particulier : en république démocratique et populaire de Bubunne, les femmes ont le pouvoir, commandent et font la guerre, et les hommes portent le voile et s'occupent de leur foyer. Elle donnera par ailleurs la réplique à Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni et Benoît Poelvoorde dans Trois Coeurs, un mélodrame contemporain, une histoire d'amour autour de deux soeurs et de leur mère.
Retrouvez l'intégralité de l'interview et les photos dans le magazine "Vanity Fair" du mois d'octobre 2013