Le 2 mars est une date qui restera gravée à jamais dans son coeur. Ce jour-là, année 1991, Charlotte Gainsbourg a perdu son père, son pilier, son modèle et confrère quand Gainsbarre s'est barré pour de bon. À l'époque, chacun y allait de sa petite anecdote, les chaînes de télévision et de radio diffusaient ses titres en boucle... mais la jeune femme s'était terrée dans le silence. "En France, c'est une obligation d'être confrontée au fantôme de mon père, explique-t-elle dans l'émission Boomerang, sur France Inter. Pendant des années je ne pouvais pas écouter sa voix, je me suis blindée. Aujourd'hui encore, parfois je n'ai pas les épaules, c'est compliqué, même après 30 ans."
Comment peuvent-ils ne pas voir qu'ils me meurtrissent quand ils me racontent leurs souvenirs ?
Charlotte Gainsbourg n'est pas forcément à l'aise avec l'épreuve du deuil, qu'elle a vécu à plusieurs reprises, sans doute trop. Quand sa grande soeur, la photographe Kate Barry, est tombée du quatrième étage en 2013, elle a préféré fuir sa peine en même temps que son pays, en s'installant à New York. Mais la revoilà parmi nous, prête à reprendre fièrement les rennes de son père. "Je me sentais acculée, je n'ai pas su gérer mes émotions au milieu d'une telle effervescence, rappelait-elle à Télérama. Il a fallu que je rejette tout en bloc. Je n'avais pas envie de partager. Je comprends maintenant ce besoin qu'ont les gens de me parler de lui et l'affection qui s'en dégage, mais quand j'avais 19 ans, il n'y avait que ma peine, et je me sentais agressée : Comment peuvent-ils ne pas voir qu'ils me meurtrissent quand ils me racontent leurs souvenirs ?"
Elle n'a rien oublié de l'épreuve mais, aujourd'hui, Charlotte Gainsbourg se sent "plus légitime" vis-à-vis de cet immense bagage héréditaire. Elle a même trouvé la force d'évoquer le deuil dans son dernier album Rest, dans le titre Lying With You - ce moment où, si jeune, elle s'était blottie contre le corps froid du défunt. Le projet de transformer l'appartement de Serge Gainsbourg en musée se concrétise, d'ailleurs. L'artiste n'a pas pu finaliser tous les détails à temps, pour le trentième anniversaire de la mort de son père, à cause de la pandémie de Covid-19. Mais elle a partagé, sur les réseaux sociaux, la photographie d'une première page qui ressemble à celle d'un catalogue d'exposition sur lequel est annoté "Maison Gainsbourg, coming soon". Il sera donc bientôt possible de frôler les murs du chanteur du bout des doigts...