Le 25 avril 2024 dernier, la troupe du Splendid faisait la couverture de Paris Match. "Les rois du rire réunis pour vous" titrent nos confrères à l'occasion de ce numéro spécial qui célèbre les 75 ans de l'hebdomadaire. Sur la photo, Christian Clavier, Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte, Marie-Anne Chazel, Bruno Moynot, Josiane Balasko et Michel Blanc posent comme au bon vieux temps. A l'intérieur du magazine, 12 pages leur sont consacrées, qui reviennent sur une complicité qui "n'a pas pris une ride"... Et c'est vrai. Cinquante ans après la naissance du café-théâtre Le Spendid qu'ils ont fondé tous les sept, leur amitié semble intacte. Indéfectible. On ne peut pas en dire autant de ceux qui les ont accompagnés au point parfois de se fondre avec leur troupe, à l'instar d'Anémone ou de Dominique Lavanant...
Ce vendredi 24 mai, la comédienne fête son 80e anniversaire, loin des couvertures de magazines et des séances photos. Retirée de la scène artistique depuis de nombreuses années, Dominique Lavanant n'est plus apparue publiquement depuis les obsèques de Jean-Pierre Mocky. C'était il y a cinq ans, en août 2019. Elle avait accompagné le réalisateur dans sa dernière demeure en marchant péniblement, soutenue par une canne. Avant cette date, elle avait posé en juin 2014 pour l'avant première du film Les Vacances du petit Nicolas aux côtés de Kad Merad et de François-Xavier Demaison. Autant dire que cela fait presque dix ans que l'inoubliable Christiane, des Bronzés, qui a depuis perdu son partenaire, a tiré sa révérence en tant que comédienne...
Avant de faire son apparition dans le film de Patrice Leconte, en 1978 sous les traits de ce personnage, Dominique Lavanant, qui a connu un terrible drame dans son enfance, avait joué dans une quinzaine de films, mais c'est cette esthéticienne gentiment déconnectée qui va la révéler au public à la fin des années 70, d'autant que le scénario des Bronzés font du ski lui réservera une place de choix, pas vraiment à son avantage aux côtés de son compagnon Marius. Nul n'aura oublié le mauvais canular des fils dans la fondue au fromage qui les rendent Christiane et lui, hilares.
Derrière les rires pourtant, cette dernière est déjà à part dans cette troupe singulière... Dans son livre, J'arrête le cinéma, publié en 2011, Patrice Leconte était revenu sur le tournage des Bronzés font du ski et avait concédé que Dominique Lavanant était déjà isolée au sein de l'équipe. Si son personnage de Christiane lance dans le film à l'adresse de Jérôme, Popeye et Bernard à savoir Clavier, Lhermitte et Jugnot, "Vous m'avez laissée tomber comme une vieille chaussette", dans la réalité, la comédienne a peut-être eu une impression similaire. "Elle a toujours eu le sentiment confus que le Splendid ne l'aimait pas beaucoup. Elle se sentait sur la touche [...] et ne le vivait pas très bien", écrivait le réalisateur en ajoutant cette précision éclairante : "Par une absurde erreur, nous l'avions mise dans un hôtel où elle était toute seule. Le soir, elle déprimait et buvait du vin blanc en disant qu'elle voulait rentrer à Paris." Dominique Lavanant ne quittera pas Val d'Isère et finira le film mais on est loin de l'ambiance bon enfant qui semblait marquer le tournage. Ce n'étaient là que les débuts d'une brouille qui n'allait pas s'arranger avec le temps, loin s'en faut...
Dans les années qui suivent, elle restera proche de Josiane Balasko, qui la fait tourner dans Sac de noeuds, en 1985 mais aussi de Michel Blanc qui lui offre un rôle dans son célèbre Grosse Fatigue, mais qui surtout lui permet d'entrer dans la peau de la célèbre Soeur Thérèse dans Soeur Thérèse.com. L'interprète de Jean-Claude Dusse est en effet le créateur de la série dans laquelle Lavanant et Martin Lamotte, autre complice régulier du Splendid vont se retrouver de 2002 à 2011.
Entre-temps, la rupture va se produire de façon radicale. Elle survient durant le tournage du troisième volet des Bronzés un film raté de l'avis de nombreux observateurs... En 2006 la joyeuse troupe se retrouve pour redonner vie à ces copains qui se sont rencontrés au Club Med 30 ans plus tôt. Ils ont la cinquantaine, ont tous beaucoup changé mais une caractéristique demeure : le personne de Christiane est toujours marginalisé au point qu'elle doit même endosser le rôle d'un monstre. En réalité, on apprendra quelques années plus tard qu'en coulisse, la comédienne vivait un cauchemar...
En 2011, lorsque la série Soeur Thérèse.com s'arrête, Dominique Lavanant accorde quelques mots à France Soir pour dire son soulagement car elle était arrivée à saturation. Elle en profite pour asséner aussi quelques vérités sur les contraintes qu'impliquait ce rôle qui devait plaire à la fameuse ménagère de moins de 50 ans : "La ménagère je m'en fous, je la déteste. (...) J'ai souffert de la bible drastique qui nous empêche de dire ce qu'on veut à cause de la ménagère. C'était intenable." Il faut croire que ce jour-là, elle avait envie de vider son sac, car ce sont ensuite ses anciens amis du Splendid qui en ont pris pour leur grade. À propos du dernier opus, elle balance : "C'est mon pire souvenir de tournage, c'était tellement horrible que j'en ai pleuré. Aux yeux des anciens du Splendid, je n'étais rien. Juste une débutante face à d'anciens amis." Visiblement blessée, l'actrice a visé tout particulièrement Josiane Balasko dont la fille Marilou a récemment fait part de son indignation. "Elle a été mon amie, on était cul et chemise, et on connaissait nos familles respectives... Par moments, elle me manque, c'est vrai. Quelque chose transforme les gens. Peut-être l'argent."
Un réquisitoire acerbe, auquel avait répondu Patrice Leconte sans mâcher ses mots, mais qui allait mettre un point final à l'histoire de Dominique Lavanant avec les Bronzés. En avril 2019, à la mort d'Anémone, inoubliable dans son rôle culte de Thérèse dans le Père-Noël est une ordure, le même Leconte avait d'ailleurs évoqué la brouille entre Anémone et le reste de la troupe du Splendid et effectué cette comparaison. "C'est la même chose avec Dominique Lavanant, c'était amour - amitié. C'est des rapports forts et forcément un peu chaotiques." C'était le moins l'on puisse dire...