Dominique Strauss-Kahn est arrivé au tribunal pénal de Manhattan vendredi à 14h50 heure française (bien en avance !) accompagné de son épouse Anne Sinclair. Le couple paraissait beaucoup plus détendu et a fait son entrée d'un pas assuré. DSK, vêtu d'un costume bleu marine et d'une cravate bleu clair, et son épouse en veste blanche donnaient la couleur de leur certitude.
Le juge Michael Obus a immédiatement accepté de libérer sur parole l'ancien patron du FMI, le bureau du procureur ayant lui-même proposé cette libération. En revanche, l'accusation, représentée aujourd'hui par deux procureurs adjoints, a déclaré ne pas être prête à abandonner les poursuites contre DSK. L'audience du 18 juillet est maintenue. Le passeport de Dominique Strauss-Kahn est également conservé par la justice.
Quels sont aujourd'hui les droits de DSK ? Il peut circuler normalement et sans contrainte dans tous les Etats-Unis d'Amérique. Il devrait, en compagnie d'Anne Sinclair, rejoindre leur propriété de Washington. Il sera cependant dans l'obligation de se rendre à toutes les convocations du tribunal. La caution de 6 millions de dollars a été restituée immédiatement à DSK et toutes les mesures de contrôle sont levées.
A la sortie du tribunal, les avocats de DSK ont donné une mini-conférence de presse pendant laquelle ils ont très intelligemment remercié le procureur et le juge de la décision prise à l'égard de leur client de le libérer sur parole. Ils ont déclaré à nouveau que DSK "sera acquitté". Puis cela a été au tour de Me Kenneth Thompson, l'avocat de la femme de chambre âgée de 32 ans, Nafissatou Diallo, de prendre la parole. Il a alors annoncé que ce n'est en aucun cas l'enquête du bureau du procureur qui a prouvé que sa cliente avait menti sur certains points. C'est elle-même qui a voulu rencontrer le procureur il y a quelques jours pour lui dire qu'elle n'était pas entrée aux Etats-Unis dans des conditions tout à fait légales, qu'elle avait peur mais qu'elle avait au mieux fait des omissions, pas de gros mensonges. Thompson a en revanche nié complétement les faits de trafic de drogue et de blanchiment d'argent sale, révélés par le New York Times hier soir. Il n'a pas démenti le fait qu'elle ait eu une conversation téléphonique avec un homme condamné pour trafic de drogue et qu'elle a "discuté avec lui de l'intérêt de poursuivre les accusations contre DSK". Toutefois, il a soutenu que "rien ne change le fait très important qui est que Dominique Strauss-Kahn a commis une agression sexuelle très violente" que l'avocat a longuement décrite, avec force détails pendant sa conférence de presse. Il a conclu que sa cliente était prête à dire au monde entier ce que DSK lui avait fait, et que des preuves matérielles évidentes existaient. "Elle n'a pas changé un seul mot" à sa version des faits, a-t-il insisté. Il a reconnu cependant penser que le procureur de Manhattan, Cyrus Vance, se dirigeait vers un non-lieu. En effet, le procureur a aussi tenu une conférence de presse et a déclaré que "la victime présumée a reconnu devant lui que son récit était erroné et qu'après l'incident de la suite 2806 au Sofitel, elle avait nettoyé une chambre voisine puis était retournée dans la suite de DSK, avant de rapporter l'incident à son supérieur". Le juge, quant à lui, n'a pas levé les 7 chefs d'inculpation en raison d'éléments médicaux légaux qui seraient indéniables, et prouveraient qu'il y a bien eu, au moins, des rapports sexuels.
Les journaux américains étaient très bien informés !
Le procureur accepte de libérer Dominique Strauss-Kahn sur parole (?). C'était une très bonne information de l'agence Bloomberg annoncée plusieurs minutes avant la nouvelle audience, qui intervenait après l'incroyable coup de théâtre dans l'affaire DSK, avant que l'ancien patron du FMI ne se présente devant la cour de Manhattan à 17h30 heure française pour discuter de la levée de son contrôle judiciaire.
Ce rebondissement, digne d'une série policière américaine, a débuté grâce aux révélations, jeudi soir, du New York Times : selon le quotidien, le dossier d'accusation était sur le point de s'effondrer et Dominique Strauss-Kahn pouvait être remis en liberté dès aujourd'hui. Le journal cite deux enquêteurs qui témoignent sous couvert d'anonymat : chantage, mensonge, lien avec le trafic de drogue, complot, tout y est.
Selon le New York Times, la victime présumée aurait eu une conversation téléphonique avec un homme actuellement incarcéré (peut-être même son "fiancé" ?) durant laquelle elle aurait discuté de "l'intérêt" de poursuivre l'ancien patron du FMI. L'homme a été arrêté alors qu'il était en possession de près de 200 kilos de marijuana. Il compterait parmi plusieurs individus ayant effectué une série de versements en cash, pour un total de 100 000 dollars, sur le compte de la jeune femme, virés de différents Etats des Etats-Unis, avant l'agression présumée. Cette conversation aurait été enregistrée. Elle aurait également menti en déclarant ne posséder qu'un téléphone portable, elle en aurait cinq, et plus grave, menti lors de son admission aux États-Unis : elle avait mentionné un viol et avoir fait l'objet de mutilations génitales, ce qui est faux.
Rappels des faits :
Dominique Strauss-Kahn était dans la tourmente depuis son arrestation le 14 mai dernier. Après plusieurs jours de prison à Rikers Island, il s'était installé à grands frais, dans une résidence de Manhattan. Une assignation qui aurait pu durer jusqu'à son procès, car rappelons-le, en plaidant non coupable des sept chefs d'accusations retenus contre lui, DSK acceptait d'aller jusqu'au procès. En plaidant coupable, il n'avait plus qu'à négocier sa condamnation avec la justice américaine. Aujourd'hui, sa femme Anne Sinclair, qui le soutient depuis le début, ses filles et toute leur famille sont soulagées, même si le dossier n'est pas abandonné.
En France, c'est l'effervescence du côté du parti socialiste. De Martine Aubry à François Hollande, en passant par Ségolène Royal, tous se sont réjouis de ce "coup de tonnerre", comme l'a qualifié, ce matin sur RTL, Lionel Jospin et la primaire socialiste d'occuper de plus belle toutes les pensées. À droite, on fait preuve de prudence, comme François Fillon qui attendait "sereinement que la justice américaine fasse son travail".
Et maintenant ? Rendez-vous le 18 juillet !