Etienne Daho s'était fait rare depuis l'album L'Invitation (2007). On l'avait retrouvé sur un projet hybride, entre musique et théâtre, avec Jeanne Moreau sur le texte du Condamné à mort de Jean Genet et dans une veine électro pour une reprise des Amoureux solitaires en hommage à Jacno. Entre ces deux extrêmes, se nichent Les Chansons de l'innocence retrouvée, son nouvel album, dont le single éponyme et le clip, absolument réjouissants, sortent ce lundi 10 juin.
Ce disque, composé avec son complice Jean-Louis Piérot des Valentins et sur lequel on retrouve une chanson de Dominique A, un duo avec Debbie Harry de Blondie, et la guitare de Nile Rodgers (celle-là même qui réveille le Get Lucky de Daft Punk), est en gestation depuis plus d'un an et demi. En janvier dernier, Etienne Daho enregistrait les cordes dans les mythiques studios Abbey Road de Londres et déjà, J.D. Beauvallet des Inrocks, présent sur place, qualifiait les maquettes d'impressionnantes "par leur ampleur et leur densité". Etienne Daho confiait alors au magazine : "Le déclic, ça a été l'enregistrement du Condamné à mort avec Jeanne Moreau, l'écriture de Jean Genet a forcément bouleversé mes habitudes. Elle a enrichi ma pop."
Premier extrait de l'aventure, Les Chansons de l'innocence et son instantanéité pop qui rappelle les plus grands moments de bravoure de Daho de Comme un Igloo à Epaule Tattoo ; Daho n'a pas d'âge et nous non plus... "Au départ, je voulais faire un album de disco, puis la nature reprend le dessus, donc il y a des chansons groove, mais souvent avec des textes qui sont en antithèse, confie l'artiste ce matin sur RTL. C'est un album qui est très sophistiqué et qui sonne assez dur en même temps, [...] un résumé de toutes les périodes, tous les albums."
Génération sacrifiée
À l'occasion de cette sortie, Etienne Daho s'est également confié au Parisien et évoque le destin comme fil conducteur de ses onze nouvelles chansons : "Le destin. Est-ce qu'on l'écrit ? Est-ce qu'il est écrit ? Je me suis retourné sur le mien, qui a très mal commencé. J'étais un enfant au parcours chaotique, qui a trouvé son équilibre dans ses déséquilibres. Je fais partie d'une génération effritée, perdue dans ses excès. Celle de Fred Chichin, des Rita Mitsouko, de Daniel Darc [décédé en février dernier, NDLR ], de Taxi Girl, de Jacno, qui ont disparu. Je suis extrême aussi." Et comme cette génération, Daho a connu tout en excès, le succès fulgurant de la Dahomania, la fuite vers Londres, la rumeur sida qui n'a pas frappé qu'Isabelle Adjani. "Une sale histoire", résume avec pudeur Daho qui préférerait aujourd'hui que ses chansons parlent pour lui : "Je n'ai pas envie d'aller dans des émissions comme celle de Ruquier. Je n'ai pas peur d'eux, j'ai peur de moi dans ces cas-là. Dès le départ j'aurais dû mettre un casque comme les Daft Punk pour ne pas me montrer. Maintenant c'est trop tard."
Au (Re)Commencement...
Les Chansons de l'innocence retrouvée, quel joli titre pour le nouvel album d'Etienne Daho attendu cet automne. Avant une tournée, le Rennais de 57 ans investira la Cité de la musique à Paris en février pour trois concerts exceptionnels : il jouera Pop Satori (disque culte de 1986), le nouvel album dans son intégralité et invitera la jeune génération. Parce que toute une génération se réclame des bijoux pop de Daho, à l'image d'Aline, Lescop et les BB Brunes sur leur fantastique récent disque, Long Courrier. Et Daho le leur rend bien : "J'adore ça, confie-t-il au Parisien. Alors que j'ai toujours l'impression d'arriver de Rennes et d'avoir tout à prouver. On a compris où je voulais aller et je suis surpris d'être encore là." Est-il aussi nécessaire de rappeler que Daho a poussé Lou Doillon sur le devant de la scène en produisant Places, album phare de l'année ?
Débarrassé de ses addictions depuis dix ans, mû par un instinct de survie incroyable, Daho retrouve l'innocence et nous y invite. "LA, LA, LA, la, la, la...", chanterons-nous avec lui tout l'été.