"Quand j'ai su que Grichka était mort, j'étais persuadé qu'Igor mourrait aussi très vite. Ils étaient tellement liés... Igor a dû évidemment sentir la mort de Grichka." Ces mots, recueillis par le Parisien, sont de l'éditeur Gérard de Cortanze, qui a côtoyé pendant près d'un demi-siècle les plus célèbres jumeaux du PAF. Tout le monde se souvient que dans une dramatique simultanéité, ils ont été emportés par le Covid à six jours d'intervalle fin 2021 et fin 2022. Ce jeudi 29 août 2024 et alors qu'ils auraient fêté leur 75 ans, Purepeople s'interroge : qu'ont-ils laissé derrière eux ?
Dans ce même entretien, l'éditeur avait raillé le côté gentiment arnaqueur des deux frères, qui, explique-t-il, n'hésitaient pas à demander "des à valoir très confortables", lorsqu'ils proposaient des projets. Il en était ainsi venu à évoquer leur rapport à l'argent... Et visiblement, les deux personnalités étaient aussi éloignées des contingences matérielles, que leur philosophie pouvait parfois l'être du commun des mortels. "Ils ont brûlé la chandelle par les deux bouts, avait conclu leur ami.Un jour, ils avaient beaucoup d'argent -eux que certains ont dit millionnaires-, le lendemain ils étaient criblés de dettes." Mais qu'en était-il au lendemain de leur mort ?
C'est la question à laquelle ont été confrontés leurs héritiers après leur disparition, et une chose est sûre, contrairement à d'autres familles -tout le monde pense évidemment aux Hallyday-, ils n'ont pas dû beaucoup se battre entre-eux. Ils étaient pourtant nombreux à pouvoir se prévaloir de partager l'héritage...
Quelques jours après leur disparition, Cédric Davant-Lannes, président de l'association Sauvegarde du patrimoine gascon prenait la parole pour évoquer la question. Avant le décès des deux jumeaux, cet homme passionné par son terroir avait livré une bataille âpre afin de tenter de sauver de la ruine une des propriétés d'Igor et Grichka : un château, édifié il y a près de 1000 ans, à Montfort, dans le Gers. Un bien qui n'était pas entretenu, au grand dam de ce défenseur de l'histoire locale.
"Ils sont perchés... pestait-il à propos des jumeaux. "L'enjeu, c'est de protéger un monument. Ce sont des problèmes existentiels pour le château. Il y a une association qui veut le sauver, et on a des propriétaires en face qui disent 'ce n'est pas assez, c'est ci, c'est ça'... Il faut arrêter", implorait M. Davant Lannes interrogé en septembre 2021, quelques mois avant leur mort, dans les colonnes de l'Actu.fr. "Ce qui les intéresse, c'est de faire de l'argent, accusait-il. Un coup c'est 700 000, puis 800 000, puis 900 000..."
Les deux scientifiques seront emportés par la pandémie avant que le problème ne soit réglé, mais le président de l'association patrimoniale n'avait pas oublié son combat et avait fait le compte de ceux qui allaient être ses nouveaux interlocuteurs. "Nous avons désormais onze héritiers à mettre d'accord. (...) ce sont ses cinq frères et soeurs, et les héritiers d'Igor, ce sont ses six enfants", avait-il expliqué à l'Actu.fr.
S'ils se ressemblaient physiquement au point de se méprendre lorsqu'on les avait en face, leurs vies sentimentales ont été opposées. Jusqu'à sa mort, Igor a eu des femmes dans sa vie, et il a eu des enfants avec trois d'entre-elles. Avec l'actrice Geneviève Grad, il a eu un fils, Dimitri, né en 1976. Il a donné ensuite trois enfants à sa compagne suivante Ludmilla d'Oultremont : deux filles, Sasha, née en 1989, et Anna-Claria, née en 1991, et une fils Wenceslas, né en 1994. Enfin, issus de son mariage avec Amélie de Bourbon-Parme, sont nés Alexandre, en 2011, et Constantin, en 2014, des enfants qu'ils disaient immortels...
Du côté de Grichka, les choses ont été beaucoup plus simples. Même s'il était en couple à la fin de sa vie, il n'a pas eu d'enfant, ses héritiers étaient ses parents directs : ses trois jeunes soeurs : Laurence, Géraldine, et Véronique, son demi frère, François, et Igor.
Pour tous, la situation va néanmoins avoir rapidement le mérite de la clarté...
Un an après sa mort, c'est Sasha, la fille aînée d'Igor, devenue artiste, qui va dresser un état des lieux. Interrogée dans Touche pas à mon poste sur C8, elle commence par évoquer le caractère particulier de son géniteur. "J'ai été élevée par un père qui vivait dans les étoiles", admet-elle avant de parler de son rapport à l'argent : "Mon père, je ne l'ai jamais vu de sa vie entrer dans un magasin de luxe. Ce n'était pas son truc." Évoquant ensuite les deux jumeaux, elle ajoutait : "Tous les deux étaient d'une grande générosité. Ils avaient les poches percées. L'argent entrait et ressortait aussitôt. Ils n'ont jamais eu un sou !" Elle précisait : "Ils faisaient des projets à droite, à gauche qui ne fonctionnaient pas toujours. Ils n'étaient pas du genre à garder de l'argent pour eux, à se remplir les poches." Sasha finissait par confier sur le plateau qu'elle n'avait rien touché financièrement après leur mort puisqu'ils n'avaient plus rien.
Ils avaient pourtant connu leur heure de gloire et de fortune, notamment dans les années 80, lorsqu'ils présentaient Temps X, sur TF1. Les émissions et les ventes de leurs livres leur avaient alors permis de se constituer une belle rente qu'ils avaient décidé d'utiliser à des fins scientifiques.
En 2012, Igor expliquait à Voici : "Sur TF1, en dix ans de Temps X, nous avons gagné suffisamment d'argent pour nous lancer dans nos recherches. Ensuite, ça s'est vraiment dégradé : notre thèse de doctorat nous a ruinés. Les huissiers sont venus, les propriétaires ont entamé une procédure, on s'est retrouvés avec des dettes que l'on continue de payer aujourd'hui."
Dix ans plus tard, ils n'étaient riche que d'un bien : ce tristement fameux château d'Esclignac, à Montfort, dans le Gers qu'ils avaient acquis en 1986 contre un peu moins de 280 000 euros. Une bâtisse formidable, mais ruineuse tant les rénovations à y faire étaient nombreuses. Toitures, fissures, problèmes de maçonnerie, les travaux étaient titanesques. Ils ne purent les engager. "Depuis une vingtaine d'années, ils ont laissé le château en péril, expliquait le maire de Monfort au moment de leur mort dans La Dépêche. Le devis pour la toiture s'élève à 4 millions d'euros. C'est un désastre."
Un désastre qui va constituer le seul héritage. D'après le site Actu.fr, les frères et soeurs de Grichka l'ont rapidement refusé. Ce sont donc les enfants d'Igor qui se retrouvent désormais avec ce château sur les bras. Et un reportage de France 3 Occitanie tourné en juin montrait qu'il n'en finissait pas de se dégrader. Il y a un an, le projet était d'associer l'état à sa rénovation afin de l'ouvrir au public. Il n'a visiblement pas avancé...