Qui se souvient de l'immense Jean Rochefort sans sa moustache ? Depuis des décennies, l'acteur qui nous a quittés le 9 octobre à l'âge de 87 ans se montrait toujours avec son bel attribut pileux, bien fourni et taillé à la perfection. L'INA a déniché une vidéo datant de 1994, durant le Festival du film d'Avoriaz : il est interviewé par un téléspectateur à propos de sa moustache et le comédien explique pourquoi il la porte pratiquement toujours, avec son humour toujours aussi irrésistible.
"A l'âge de 40 ans, j'ai joué Le Misanthrope, ma fausse moustache partait tout le temps alors j'ai décidé de faire pousser la mienne. Puis je l'ai gardée parce que quand je l'enlève, j'ai l'impression de ne plus avoir de slip", raconte-t-il dans l'extrait.
En 2003, interrogé par Thierry Ardisson dans Tout le monde en parle, il explique qu'en raison d'une lèvre supérieure très fine, l'absence de moustache lui donne un air hypocrite, "un air de traître, qui (le) limitait dans les contacts féminins dans la fiction". Dix ans plus tard pour L'Express, il résumait l'idée avec ces mots : "Sans moustache, j'ai toujours eu un air un peu faux derche. Le gars qui ne donne pas confiance. Et, sexuellement, je crois que ça me faisait du tort. Je l'ai laissée pousser pour jouer Alceste dans Le Misanthrope. Après, on m'a proposé d'autres rôles."
Pour Patrice Leconte, réalisateur qui l'a magnifiquement dirigé dans sept films, parmi lesquels Le Mari de la coiffeuse ou encore Tango, Tandem et Les Grands Ducs, Jean Rochefort avait manifestement accepté de se raser la moustache lors du tournage de Ridicule afin de se glisser dans la peau de Bellegarde. Un grand film de 1996 que France 3 diffuse ce 9 octobre afin de lui rendre hommage.
Le cinéaste Patrice Leconte s'est confié au Parisien après l'annonce de la triste nouvelle qui a endeuillé tout le milieu du cinéma français : "Quand on a tourné Le mari de la coiffeuse, en 1990, j'avais donné à Jean un disque avec des musiques orientales et je lui avais demandé d'inventer des danses, tout seul, sans chorégraphe, raconte le cinéaste. Sur le plateau, j'ai lancé la musique et quand j'ai vu Jean, qui avait déjà un certain âge (NDLR : 60 ans à l'époque) se livrer sans retenue, sans complexe et avec une telle générosité, j'en avais les larmes aux yeux. J'ai dit aux techniciens : "pour chaque scène, on filmera la première prise. Et c'est ce qu'on a fait."