Dans son livre Karl, publié aux éditions Robert Laffont, la journaliste de Libération Marie Ottavi s'est intéressée longuement et précisément à une légende de la mode : Karl Lagerfeld. Si son visage, son allure et son parcours sont connus de tous, l'homme mort le 19 février 2019 à l'hôpital américain de Neuilly-sur-Seine, est un personnage finalement des plus mystérieux. Même son âge a toujours laissé une place au doute. Dans cet ouvrage détaillé de 666 pages, Marie Ottavi revient notamment sur un épisode qui témoigne de la colère du couturier de Chanel et Fendi.
Il s'agit du jour où Karl Lagerfeld s'est fait mettre à la porte d'un endroit précieux à ses yeux, son hôtel particulier de la rue de l'Université, dans le 7e arrondissement de Paris. La puissante famille Pozzo di Borgo, subsistante de la noblesse française originaire de Corse où elle était connue dès le XV e siècle, décide en effet de vendre l'hôtel. "Le couturier est furieux de sentir 'mis à la porte', écrit la journaliste. "Il était très fâché, regrette Sandrine Pozzo di Borgo. La belle histoire avec toute la famille s'est terminée d'un coup. On se disait bonjour, mais il ne nous parlait plus. Il se comportait en locataire normal et nous en autres locataires normaux", apprend-on.
Un écrin blanc, aseptisé
Cet hôtel particulier est acheté 100 millions d'euros par un autre homme d'influence : Ali Bongo, qui n'est autre que le président du Gabon. Ce dernier n'y a jamais vécu. En 2021, l'immeuble est vide et "toujours en travaux", selon un expert immobilier parisien. Un actif incroyable qui vaut probablement 200 millions d'euros. Karl Lagerfeld y a passé trente ans. Il doit ainsi quitter cet endroit si cher à son coeur mais retrouve un vaste appartement, à deux pas, quai Voltaire. Un espace typiquement parisien, au 17 quai Voltaire, tout en longueur "plutôt lugubre" avant les travaux, comme l'ont fait savoir ses proches.
Karl veut en faire un "écrin blanc, aseptisé, dédié à sa nouvelle danseuse, le design contemporain", écrit Marie Ottavi. Les travaux dureront trois ans et vont faire grincer des dents du côté des voisins. Cet appartement de huit pièces, étalé sur 350 m2, est alors entièrement modifié, les cloisons sont abattues, on retrouve quarante bibliothèques incrustées dans les murs, cachées, s'ouvrant en un clic.