Après la solidarité dans la souffrance et l'émotion, la solidarité dans le pénible travail de deuil. Deux jours après s'être déjà déplacés en Galice pour témoigner de leur vive émotion et prodiguer soutien et réconfort, le prince héritier Felipe d'Espagne et son épouse la princesse Letizia étaient à nouveau présents lundi à Saint-Jacques-de-Compostelle, accompagnés de la princesse Elena, pour la messe solennelle en hommage aux victimes de la tragédie ferroviaire qui a eu lieu mercredi 24 juillet 2013 à 4 kilomètres de la cité du nord de l'Espagne.
Tandis que le conducteur du train fou, Francisco José Garzon Amo, soupçonné d'avoir négocié un virage à une vitesse indécente (190 km/h au lieu de 80), a été mis en examen pour "79 faits d'homicide par imprudence et une quantité de faits ayant entraîné des lésions", les proches des disparus se sont rassemblés dans la douleur en la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle, mondialement connue pour être un foyer ardent de la foi catholique et la destination d'un fameux pèlerinage. Cette fois, le cortège était mu par un motif tout autre.
Au premier rang, dans la nef, les trois représentants de la famille royale affichaient un même visage lugubre. D'une joie de vivre éclatante, matérialisée par des robes d'été très gaies, la princesse Letizia est brutalement passée au noir du deuil, d'une sobriété irréprochable en signe de soutien à ses compatriotes. En l'absence du roi Juan Carlos Ier, la fille aînée du couple royal, l'infante Elena, est spécialement rentrée quant à elle pour la cérémonie, depuis Majorque où on la voyait la veille déposer ses enfants et ceux de sa soeur Cristina à l'école de voile de Palma.
Derrière eux, chef de file du cortège funèbre des officiels mais surtout enfant du pays, le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy, natif de Saint-Jacques-de-Compostelle, était particulièrement accablé. Des secouristes intervenus sur place après le drame, que le roi Juan Carlos et la reine Sofia n'avaient pas manqué de louer lors de leur visite au lendemain de l'accident, avaient également pris place dans l'édifice religieux, alors que des centaines de personnes suivaient simultanément l'office conduit par l'archevêque Julian Barrio via un écran géant sur la place de Quintana, et que de nombreuses autres se recueillaient sur le parvis de de l'Obradoiro, aux grilles inondées de gerbes de fleurs et de messages de compassion.
"Familles qui avez perdu vos êtres chers, depuis le premier moment nous vous avons gardées dans notre coeur, comme l'ont fait tant de personnes qui, au-delà de nos frontières, m'ont demandé de vous transmettre leurs condoléances", a dit l'archevêque de Saint-Jacques dans son homélie, comme l'a retenu l'AFP. Felipe, Letizia et Elena ont pris le temps, avant de quitter les lieux, de longuement saluer les familles présentes, dont la plupart des proches ont d'ores et déjà été enterrés. Embrassades, paroles apaisantes et gestes de réconfort étaient leur contribution au travail de deuil de tous ces gens qui attendent maintenant que les responsabilités dans ce drame soient dégagées. Dimanche, le conducteur du train, un cheminot expérimenté de 52 ans (il connaissant par coeur ce parcours) qui avait révélé plus tôt avoir eu un moment de distraction et avoir roulé trop vite sur le tronçon où s'est produit le déraillement, a été entendu deux heures par le juge suite à sa mise en examen. Lundi, 69 personnes se trouvaient toujours à l'hôpital, dont 22 dans un état grave.
Le même jour, en Italie, des scènes de deuil tout aussi terribles avaient lieu, en raison du rapatriement au Palais des sports de Pozzuoli, pour leurs funérailles, des cercueils des 38 personnes tuées dans l'accident d'un autocar dimanche soir. Un lundi noir en Europe...