Bonne mine et bonne humeur, Manu Payet arrive joyeusement pour son interview avec Purepeople, afin de parler de son film Un début prometteur. Dans cette nouvelle réalisation d'Emma Luchini, fille de Fabrice, il incarne Martin, un homme désabusé qui, au contact de son petit frère et d'une femme mystérieuse, va reprendre petit à petit goût à la vie. Un personnage touchant, bourré de tendresse et bourré tout court, car la bouteille lui est devenue indispensable. Se laissant aller, le ventre bedonnant et la barbe incontrôlable, le comédien sort du salon de coiffure et affiche une belle forme pour notre entretien, ravi de défendre ce long métrage.
Tout a commencé à Saint-Denis à La Réunion, où il est né. Manu Payet travaille à la radio et se fait remarquer. Direction Paris et NRJ. Quinze ans plus tard, Tout ce qui brille avec Géraldine Nakache, Radiostars et Situation amoureuse... (qu'il a réalisé) plus tard, le voilà premier rôle d'un long métrage, en homme abîmé par l'amour qui retourne chez son père (Fabrice Luchini) et son petit frère, incarné par le jeune et fougueux Zacharie Chasseriaux. Sa vie va être bousculée par l'arrivée d'une jeune femme énigmatique et lumineuse, jouée par Veerle Baetens, révélée au monde entier avec Alabama Monroe.
Un début prometteur est l'adaptation du livre de Nicolas Rey - compagnon d'Emma Luchini -, aux accents autobiographiques. Cependant, pas question pour Manu Payet de se transformer en l'auteur : "Je n'ai pas voulu imiter Nicolas ou essayer de me rapprocher de lui. D'ailleurs, ça me fait plaisir que personne ne me dise 'on voit vachement bien Nicolas'. Le bouquin n'est pas écrit à la première personne. Nicolas écrit l'histoire de Martin, vue à travers les yeux de son petit frère. Oui, il y a un peu de lui dans Martin, mais comme lui a souhaité composer, on a trouvé intéressant, Emma et moi, de le faire aussi. Je suis allé chercher un peu partout et je prenais tout ce qui m'intéressait. Chez les gens, dans le bouquin, dans mes discussions avec Emma et Nicolas."
J'ai emménagé avec un cheeseburger.
Après avoir écrit des pages et des pages sur son personnage, après s'être "rempli" de tout ce qu'il a pu trouver, il est arrivé sur le plateau "armé" : "On ne me demande pas tous les jours de faire un tel personnage." Il lui a fallu trois mois pour entrer dans sa peau, et il fallait aussi le faire physiquement : "La barbe a poussé très vite et ce n'est pas le moins dur. C'est plus facile de prendre des kilos que de se gratter la barbe. Quand ça pousse, ça démange. J'ai découvert une foule de produits pour l'entretenir. Avec la tendance hipster, c'était parfait. Pour le bide, j'aurais pu mettre une prothèse mais ça m'emmerdait. Tu ne peux pas t'asseoir correctement parce qu'on voit le faux bide..." Sa technique pour grossir ? "J'ai emménagé avec un cheeseburger et on a passé trois mois ensemble. Avec lui et ses cousins."
Trêve de plaisanteries, Manu Payet expliquera le sens de cette métamorphose, car grossir pour grossir, très peu pour lui : "Martin arrête de cacher ce que nous on veut encore cacher. On peut avoir un matin dégueu... On a une peine personnelle. Eh bien le matin, on serre la ceinture, on rentre le bide et on répond que ça va très bien quand on nous demande. Martin, lui, ne se cache plus, ça déborde de lui. Mais ça reste un type bien pour qui j'ai beaucoup de tendresse, parce qu'il est attachant et drôle. C'est juste un mec qui doit retrouver l'espoir et qui croit que tout est totalement perdu. Ce qui me touche chez lui, c'est qu'on connaît tous un Martin. On ne sait pas comment les aider, on n'a pas de prise. Par contre, eux ils aident beaucoup. Martin est un homme généreux, d'ailleurs, ça arrive toujours au gars bien. Tout ça demande de la préparation. Il ne faut pas arriver juste avec un gros bide."
Durant le tournage, Manu Payet a pris garde à ne pas rentrer tous les soirs avec son personnage. Jouer la comédie, oui, mais cela reste un travail, et pas question d'importuner ses proches avec ses rôles, surtout quand ils sont aussi prenants. Il n'est pas du genre à devenir alcoolique pour en jouer un : "C'est un travail de mémoire. Parfois, il faut le faire à 9h, tu vas pas prendre une cuite à 9h du mat' ! Je ne pourrais pas être bourré pour jouer. C'est mon métier, on ne vient pas au bureau saoul, il faut pouvoir se concentrer." Reste qu'il lui aura fallu perdre vraiment ses kilos accumulés : "Je me suis assez dégoûté de l'opulence pour aimer aussi une salade. Le vert, cette couleur... Bon, j'ai mangé des trucs chiants comme de la lotte aussi..."
Un rôle de composition qu'il a eu le privilège de jouer face à Fabrice Luchini, qui campe son père, un horticulteur un peu trop obsédé par son travail. Comment se prépare-t-on à donner la réplique à un tel acteur, récemment primé à la Mostra pour L'Hermine ? "On se rassure parce qu'il y a sa fille comme réalisatrice. Savoir que j'allais jouer avec Fabrice, de jouer cet homme diminué m'effrayait. Je me suis fait un gros film avant, comme tout mec impressionné. Finalement, il y a chez lui quelque chose de très classe : le respect du travail de l'autre. Après la projection, il est venu me voir pour me féliciter et m'a dit qu'il m'appellerait. Trois jours plus tard, il l'a fait, en me disant des choses bienveillantes. Ça m'a beaucoup touché et rassuré."
Un début prometteur, en salles le 30 septembre