La semaine dernière, Les Inrockuptibles faisaient le choix très discutable de mettre en couverture Bertrand Cantat à l'occasion de la sortie de son premier album solo. Les réactions ont été virulentes, de la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, à de nombreux artistes et journalistes. Sur Instagram, beaucoup ont préféré poster la photo de Marie Trintignant, tuée sous les coups du chanteur à Vilnius en 2003, plutôt que de son meurtrier. Et l'actrice Emmanuelle Devos de formuler ce souhait : "Pas de Marie Trintignant pas de polémique mais j'ai envie de voir Marie en couverture du prochain Elle par exemple..."
L'actrice a été entendue par Dorothée Wermer. Pour Elle, l'éditorialiste du magazine publie un texte court, nerveux et efficace dont la mise en page répond à celle de Cantat en une des Inrockuptibles. En quelques phrases, elle rend hommage à l'actrice et donne quelques chiffres sur l'état des violences faites au femmes dans notre pays qui font froid dans le dos et donnent encore plus de poids à l'avalanche des témoignages sur Twitter sous le hashtag #BalanceTonPorc : "Le 1er août 2003, Marie Trintignant meurt sous les coups de Bertrand Cantat, commence la journaliste. Aujourd'hui, elle est un symbole. Avec cette grâce si singulière, son visage est devenu celui de toutes les femmes victimes de la violence des hommes. Le visage des 123 anonymes tuées par leur conjoint l'année dernière. Celui des 33 femmes inconnues qui, chaque jour, dénoncent un viol. Celui des femmes harcelées ou agressées – 216 000 plaintes déposées en 2016."
Dorothée Werner évoque l'immense courage de celles qui parlent, des victimes du producteur Harvey Weinstein et de Flavie Flament, violée à 13 ans par le photographe David Hamilton, ainsi que ce soulèvement, cette libération de la parole. Werner décrit la médiatisation de Cantat comme "obscène" et cite cette phrase de Virginia Woolf : "Une lumière ici requiert une ombre là-bas." Elle conclut : "Marie, tu es à la fois cette ombre et cette lumière, cette douleur et cet espoir qu'un jour enfin cesse cette violence inouïe."
Pour aller plus loin, on vous invite à lire le débat passionnant, sur Slate.fr, entre la journaliste Nadia Daam (montée au créneau contre Les Inrockuptibles) et le critique musical Éric Nahon autour de la question : "Peut-on encore parler musique avec Bertrand Cantat ?"