Ce jeudi 7 janvier, cela fera un an que la rédaction de Charlie Hebdo a été la cible d'un attentat durant lequel douze personnes ont trouvé la mort, dont le dessinateur Georges Wolinski. En marge des commémorations de ce triste événement, sa veuve Maryse publie un texte, entre enquête et confession.
Chérie, je vais à Charlie
Ce livre, Chérie, je vais à Charlie, intitulé d'après la dernière phrase qu'a adressée Georges Wolinksi à son épouse avant son décès, Maryse l'a longtemps mûri. De façon fictive, elle raconte sa journée du 7 janvier et pointe les failles de sécurité qu'elle a pu découvrir durant ses investigations, à l'image de l'insuffisance du dispositif de protection des locaux de Charlie Hebdo, qu'elle soupçonne d'être la conséquence de pressions du syndicat de police Alliance. "J'ai récupéré un tract d'Alliance où ce syndicat de policiers affirmait, en 2013, que c'était un luxe inutile de surveiller les locaux d'un journal satirique qui crache sur tout le monde", explique-t-elle dans les colonnes de L'Express du 6 janvier, ajoutant que le syndicat avait officiellement demandé l'arrêt de la surveillance...
Pour elle, son mari Georges a également été la victime d'une forme "d'insouciance" de Charlie Hebdo, dont l'équipe était persuadée qu'elle ne serait jamais la cible d'une telle attaque, malgré les recommandations de spécialistes de la sécurité.
Difficile de décider quoi garder
"L'écriture de ce livre a marqué le début d'une reconstruction. Mais mon chagrin est immense", concède Maryse Wolinski dans Gala, elle qui est restée avec de nombreuses questions après la mort de son époux. Si la pose d'une plaque avec le nom des victimes sur la façade des anciens locaux de Charlie Hebdo l'a rendue furieuse - le nom Wolinski a été orthographié avec un "y"... -, elle poursuit sa reconstruction malgré la douleur, toujours vive et racontée dans L'Express : "Au cours d'une scène de deux minutes, quatre balles ont transpercé le coeur de mon mari, son aorte, ses poumons. Elles ont anéanti quarante-sept années d'amour heureux entre Georges et moi, son talent, sa gentillesse, sa générosité. J'ai subi la sidération, la dépression puis la solitude."
Le déménagement, puis le tri dans un appartement resté intact depuis l'attentat, ont été une grande étape pour l'épouse meurtrie. "Les premiers mois, j'ai vécu comme si mon mari était parti en voyage. Je n'ai touché à rien dans sa chambre, je tapotais son lit, je refaisais des piles de chemises, je ne voulais pas que l'on ouvre la fenêtre pour ne pas que s'échappe son odeur", dit-elle ainsi dans Gala. Les cauchemars ont depuis cessé et le bureau de Georges dans son intégralité a été confié au Centre international de la caricature et du dessin de presse, à Saint-Just-le-Martel. "C'est difficile de décider quoi garder", confesse-t-elle toutefois, alors qu'elle a conservé beaucoup de souvenirs de son époux, comme sa veste, son chapeau et ses chaussures, sans oublier dessins et photos.
Réapprendre à vivre sans le regard de Georges
Contrairement à d'autres, Maryse Wolinski s'est énormément occupée afin de faire son deuil. "J'ai préféré être dans l'action que d'aller voir un psy... Il faut mener à bien la succession, valoriser l'oeuvre et le notaire n'est pas pressé...", peut-on lire dans les pages de Gala. Pour autant, la solitude lui pèse, elle qui a été victime de crises d'angoisse, comme la fois où elle s'est retrouvée bloquée dans l'entrée de son appartement, persuadée que les assassins de son époux l'attendaient. "Il faut réapprendre à vivre sans le regard de Georges, qui me donnait confiance, ce regard amoureux même s'il était un peu canaille et que je lui reprochais parfois", conclut la veuve du dessinateur.
Maryse Wolinski, à retrouver en interview dans les pages de Gala et de L'Express du 6 janvier 2016